Plusieurs détenus ont été condamnés à mort alors que leurs aveux auraient été extorqués sous la torture, selon un nouveau rapport de HRW et l'ONG BIRD, qui appellent d'urgence le roi Hamad à commuer ces peines injustes.
Cet article a été initialement publié sur hrw.org le 10 octobre 2022.
L’examen des dossiers judiciaires met en évidence de nombreuses violations des droits des accusés
Des tribunaux bahreïniens ont déclaré coupables et condamné à mort des accusés à l’issue de procès manifestement inéquitables, fondés uniquement ou essentiellement sur des aveux qui auraient été obtenus sous la torture ou d’autres types de mauvais traitements, ont conjointement déclaré Human Rights Watch et l’Institut bahreïnien pour les droits et la démocratie (Bahrain Institute for Rights and Democracy, BIRD) dans un rapport publié aujourd’hui.
Le rapport de 61 pages, intitulé « ‘The Court is Satisfied with the Confession’: Bahrain Death Sentences Follow Torture, Sham Trials » (« ‘La Cour est satisfaite des aveux’ : Des condamnations à mort à Bahreïn font suite à des actes de torture et à des simulacres de procès »), est basé principalement sur des archives judiciaires et d’autres documents officiels. Le rapport décrit des violations graves et persistantes des droits humains liées aux procès et aux condamnations à mort de huit hommes, dont les affaires ont été examinées par les deux organisations. Ces huit hommes font partie de 26 détenus bahreïniens qui se trouvent actuellement dans le couloir de la mort, leurs appels ayant été épuisés. Les tribunaux de première instance et d’appel ont simplement rejeté leurs allégations crédibles de torture et de mauvais traitements subis lors des interrogatoires au lieu d’enquêter sur ces allégations, comme l’exigeraient le droit international et le droit bahreïnien. Les tribunaux ont régulièrement violé les droits des accusés à des procès équitables, notamment en leur refusant le droit à un avocat pendant les interrogatoires ainsi que le droit de contre-interroger les témoins à charge, et en s’appuyant sur des rapports d’origine secrète.
« Les autorités bahreïniennes proclament régulièrement que le gouvernement respecte les droits humains fondamentaux, mais dans toutes ces affaires, les tribunaux se sont appuyés sur des aveux manifestement forcés, selon les allégations crédibles de torture et de mauvais traitements faites par les accusés », a déclaré Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les nombreuses violations des droits humains liées à ces condamnations à mort ne reflètent pas un système permettant de rendre justice, mais plutôt un schéma d’injustice. »
Les autorités de Bahreïn ont procédé à l’exécution de six personnes depuis 2017, année lors de laquelle le pays a mis fin à un moratoire de facto de sept ans sur la peine de mort. Les 26 hommes qui se trouvent actuellement dans le couloir de la mort risquent d’être eux-mêmes exécutés, une fois que le roi Hamad bin Isa Al Khalifa aura ratifié leur condamnation.
Chacun des huit accusés dont les affaires sont décrites dans le rapport a affirmé de manière crédible que ses aveux lui avaient été arrachés par la torture et d’autres mauvais traitements. Le ministère public et les tribunaux n’ont pas enquêté sur ces allégations, qui dans certains cas ont été étayées par les conclusions de médecins. Au lieu de cela, les tribunaux ont sommairement conclu, dans des décisions manquant de cohérence et parfois même contredites par des preuves incontestées, qu’aucun mauvais traitement ou abus n’avait eu lieu.
L’une des affaires concerne Zuhair Ebrahim Jasim Abdullah, que la police a arrêté en raison de sa prétendue implication dans le meurtre d’un policier. Il a allégué que les interrogateurs lui avaient enlevé tous ses vêtements en menaçant de le violer, et avaient aussi menacé de violer sa femme. Il a également allégué que les agents avaient utilisé des décharges électriques sur sa poitrine et ses organes génitaux. Finalement, Abdullah a fait des faux aveux, selon sa description par la suite.
En avril 2018, Abdullah a déposé une plainte pour torture auprès du bureau du médiateur du ministère de l’Intérieur et de l’unité des enquêtes spéciales. Lors de son procès, Abdullah a demandé que ses aveux soient invalidés en raison du contexte de coercition, et que son affaire soit suspendue en attendant les résultats d’une enquête sur ses allégations. Le tribunal a toutefois rejeté sa demande et a rejeté les allégations de torture, écrivant dans son verdict qu’il était « convaincu de la validité et du sérieux [des] enquêtes ». En novembre 2018, le tribunal a reconnu Abdullah coupable et l’a condamné à mort sur la base de ses « aveux ».
La nature systématique des allégations de graves abus faites par les accusés est mise en évidence par les similitudes entre les huit affaires, ont déclaré Human Rights Watch et l’Institut de Bahreïn pour les droits et la démocratie. La plupart des actes de torture et des mauvais traitements auraient eu lieu dans deux centres, respectivement de la Direction des enquêtes criminelles du ministère de l’Intérieur, et de l’Académie royale de police, située près de la prison de Jau à Bahreïn. Il existe également des similitudes dans les méthodes de torture et de mauvais traitements décrites par les huit accusés.
En outre, trois des 26 condamnés à mort ont été reconnus coupables d’infractions liées à la drogue, malgré l’affirmation de Bahreïn selon laquelle le pays « applique [les condamnations à mort] uniquement comme peine pour des infractions extrêmement graves, telles que le meurtre avec préméditation ».
Le roi Hamad devrait commuer toutes les condamnations à mort en cours, à commencer par celles concernant des accusés dont les aveux auraient été extorqués sous la contrainte, et ceux qui ont été condamnés à mort pour des crimes autres que les crimes les plus graves, ont déclaré Human Rights Watch et l’Institut bahreïni pour les droits et la démocratie. Bahreïn devrait officiellement rétablir le moratoire de facto sur les exécutions judiciaires et prendre des mesures pour mettre formellement fin à l’application de la peine de mort en toutes circonstances. Le roi devrait également mettre en place une commission indépendante chargée d’enquêter et de rendre compte publiquement des violations de l’interdiction de la torture par des agents de sécurité et judiciaires.
Les gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni, ainsi que l’Union européenne et ses États membres, devraient exhorter Bahreïn, par les voies publiques et diplomatiques, à mettre fin à toutes les exécutions et à enquêter sérieusement sur les allégations de torture et les violations du droit à un procès équitable.