Le journaliste Yosvani Anzardo Hernández n'a pas pu communiquer avec sa famille depuis son interpellation.
(RSF/IFEX) – Deux blogueurs, Luis Felipe González Rojas et Yosvani Anzardo Hernández, ont été arrêtés et passés à tabac par la police le 10 septembre 2009 à Holguín (Est). Leurs ordinateurs et téléphones portables ont été confisqués. Luis Felipe González Rojas a finalement été libéré après quatre heures de détention. Anzardo est toujours détenu. Cuba compte désormais vingt-six journalistes emprisonnés.
Gonzáles avait récemment donné une interview à Radio Marti, cause probable de son arrestation. Il écrivait régulièrement sur son blog Animal de Ancatarilla ( http://www.cubaencuentro.com ). Anzardo est le directeur du journal en ligne « Candonga » ( http://www.candonga.org ), destiné aux Cubains de l’intérieur, toujours inaccessible à ce jour. Il collabore depuis plus de trois ans au site Payo Libre, basé à Miami. Selon le directeur de Payo Libre, Pablo Rodriguez Carvajal, Yosvani n’a pas pu communiquer avec sa famille depuis son interpellation.
« Les autorités s’emploient à étouffer sur Internet toute expression d’une société civile qui se constitue. La censure relève en ce sens d’une dénégation du gouvernement face aux évolutions de l’île, présentes et à venir, qui échappent à son contrôle. Il est plus que temps que les chancelleries étrangères rappellent aux autorités cubaines leurs obligations consécutives à la signature, en février 2008, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies », a déclaré Reporters sans frontières
Par ailleurs, le 28 août, le site de Voces Cubanas ( http://vocescubanas.com ) a été rendu inaccessible depuis l’île. Il en va de même pour Payo Libre depuis le 10 septembre. Le blog de Lia Villares ( http://www.habanemia.blogspot.com ) est également bloqué, ainsi que celui de Yoani Sánchez, Generacion Y ( http://www.desdecuba.com/generaciony ). Voces Cubanas est une plateforme qui soutient les blogueurs indépendants de l’île.
Le gouvernement cubain bloque régulièrement des sites consacrés à la vie quotidienne dans l’île, avant de les remettre en ligne pour un laps de temps assez court. Cette tactique de censure à répétition est un moyen de décourager toute information alternative, et de dérouter la presse étrangère, peu représentée dans l’île et surveillée de près par les autorités.
Comme le décrit Iván García Quintero dans son blog Penúltimos Días, l’accès à Internet à Cuba, pour les bloggeurs comme pour l’ensemble des Cubains, est souvent un parcours kafkaïen. Cuba est le pays du continent où le taux d’accès à Internet est le plus faible, 13% selon les sources officielles, probablement moins dans les faits.
La connexion Internet coûte environ 6 dollars de l’heure, dans un pays où le salaire moyen équivaut à 20 dollars. Très rares sont les citoyens à disposer d’un accès privé à la Toile. Outre le fait que toutes les connexions privées doivent être préalablement approuvées par le seul fournisseur d’accès Internet ETECSA, propriété du gouvernement, les prix du matériel informatique sont prohibitifs, identiques aux prix pratiqués dans les pays occidentaux mais pour un pouvoir d’achat en général cent fois inférieur. Enfin, la connexion est extrêmement lente. Des blogueurs confient ne pas toujours pouvoir lire ce qu’ils ont eux-mêmes mis en ligne.
L’ambassade des Pays-Bas et la Section des intérêts des États-Unis fournissent un accès gratuit et de meilleure qualité à Internet. Toutefois, pour y accéder, plusieurs heures d’attente sont souvent nécessaires. Le gouvernement de Raúl Castro avait mis fin à l’interdiction faite aux Cubains de se rendre dans les hôtels touristiques, également dotés d’une meilleure connexion. Mais la vigilance est à nouveau de mise et plusieurs blogueurs, dont Yoani Sánchez, ont été refoulés à l’entrée de ces hôtels (voir vidéo: http://www.youtube.com/watch?v=0LpSCqfKPeA ). Enfin, selon plusieurs sources, l’Université des sciences informatiques contribuerait à la surveillance et à la censure d’Internet à Cuba.
Cuba occupe aujourd’hui le rang de troisième prison du monde avec l’Iran, après l’Érythrée et la Chine, avec vingt-six journalistes emprisonnés. Parmi eux, le correspondant de Reporters sans frontières, Ricardo González Alfonso, est détenu depuis mars 2003. La dernière dictature du continent américain figure à la 169e place sur 173 pays recensés dans le classement mondial pour la liberté de la presse de Reporters sans frontières pour l’année 2008.