Les femmes journalistes sont visées parce que ce sont des femmes, parce que ce sont des journalistes et, parfois, parce que ce sont des femmes journalistes, dit la FIJ.
L’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 25 novembre Journée internationale de l’élimination de la violence contre les femmes. Chaque année, des actions sont entreprises afin de sensibiliser les gens au fait que les femmes subissent diverses formes de violence et que l’ampleur et la nature véritable du problème sont souvent cachées. La date du 25 novembre a été choisie pour commémorer trois activistes politiques de la République dominicaine assassinées en 1960.
Cette année, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) a choisi le 25 novembre pour inaugurer une campagne mondiale en vue d’attirer l’attention sur la question de la violence contre les femmes journalistes et pour exiger la fin de l’impunité qui entoure ces crimes.
Tandis qu’il y a de plus en plus de femmes qui entrent dans la profession, il importe de s’attaquer à ce problème. Selon Mindy Ran, coprésidente du Conseil sur le genre de la FIJ, « les femmes journalistes vivent sous une menace plus grande encore que leurs collègues masculins lorsqu’il est question d’agressions, d’intimidation, d’intimidation sur Internet, de viol et de mauvais traitements ; tous outils efficaces pour faire taire la voix des femmes dans les médias ». Les femmes journalistes sont visées parce que ce sont des femmes, parce que ce sont des journalistes et, parfois, parce que ce sont des femmes journalistes, fait-elle remarquer.
L’ampleur du problème
D’après la FIJ, la violence faite aux femmes journalistes émane parfois de gouvernements corrompus, bien que quelquefois le harcèlement ait lieu au travail et vise à les expulser de la population active. À d’autres moments, les journalistes sont attaquées ou violées dans l’exercice de leur profession. Une affaire révoltante est survenue en août 2013, quand une jeune photographe a été violée par un groupe d’hommes à Mumbai, en Inde.
Tandis que les gens descendaient dans la rue pour dénoncer cet incident, il est important de garder à l’esprit que de nombreux actes de violence ne sont pas rapportés. Mindy Ran de la FIJ rappelle que les affaires documentées peuvent ne représenter que « la pointe de l’iceberg ». Les crimes sexuels en particulier restent toujours un sujet tabou. Un dossier charnière du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), « Le crime qui fait taire : La violence sexuelle et les journalistes », qui date de 2011, souligne les puissants stigmates culturels et professionnels qui empêchent tant les femmes que les hommes de sortir du rang pour dénoncer les agressions sexuelles.
La première étude mondiale sur la violence et les menaces faites aux femmes qui travaillent dans les médias d’information a également constaté que la majorité des femmes qui sont harcelées ne signalent pas ces incidents, en dépit du fait que plus de la moitié d’entre elles ont confirmé que l’expérience entraîne des répercussions psychologiques.
Le projet de recherche mené à l’échelle mondiale a été réalisé par l’International News Safety Institute et la Fondation internationale des femmes œuvrant dans les médias (IWMF), et les conclusions ont été rendus publiques de manière à coïncider avec la tenue du premier Forum mondial genre et médias, organisé par l’UNESCO, qui s’est déroulé à Bangkok du 2 au 4 décembre 2013.
Un dossier détaillé plus en profondeur détaillant les résultats, apportant des exemples, des études de cas et des analyses sera rendu public en mars 2014 pour coïncider avec la Journée internationale des Femmes.
Presque les deux tiers des femmes qui ont répondu à l’étude ont dit avoir vécu des incidents d’intimidation, de menaces ou de mauvais traitements reliés à leur travail. Les incidents rapportés incluaient entre autres des épisodes de violence physique, de harcèlement, le piratage informatique ou la surveillance numérique et l’écoute électronique.
La violence physique « sur le terrain » est une réalité ; cependant, ce qui étonne, c’est que la majorité des incidents signalés se sont produits sur les lieux de travail. « Quand on parle de sécurité des médias, on pense souvent à rester en sécurité dans les zones de guerre, de troubles civils et de désastres environnementaux. Mais pense-t-on souvent au bureau comme environnement hostile ? », demande la Directrice de l’INSI, Hannah Storm.
Formation et sensibilisation
Donner aux journalistes une formation sur les moyens de mieux couvrir la violence fondée sur le genre peut contribuer à remettre en question les attitudes qui alimentent les agressions sexuelles. Les journalistes peuvent jouer un rôle important dans la sensibilisation, dit Frank Smyth, Conseiller principal du CPJ pour la sécurité des journalistes.
En même temps, les femmes journalistes peuvent profiter d’une formation pour éviter d’être la cible d’une agression sexuelle. « C’est un domaine relativement nouveau », rapporte Smyth, « qui complète la formation plus traditionnelle sur les environnements hostiles que reçoivent depuis longtemps les journalistes. »
L’étude de l’INSI/IWMF demandait aux personnes interrogées si leurs organisations respectives fournissaient quelque ressource et quelque formation que ce fût ou quelque soutien psychologique ou émotionnel. L’immense majorité a indiqué que ce n’était pas le cas, bien que de beaucoup de femmes aient offert des suggestions pratiques quant aux moyens dont leurs employeurs pourraient mieux les soutenir dans ces situations.
Campagne mondiale de la FIJ
Dans le cadre de sa campagne mondiale pour mettre fin à la violence contre les femmes journalistes, la FIJ a participé au Forum mondial genre et médias, de l’UNESCO, qui s’est tenu à Bangkok.
En outre, le Conseil de la FIJ sur le genre a créé un sous-groupe spécial [Groupe de travail]. Ce groupe s’attachera à garder les projecteurs braqués sur les crimes commis contre les femmes journalistes, organisera régulièrement des manifestations et mettra sur pied une banque de données où pourront être consignées les agressions.
La campagne ciblera les pouvoirs publics et invitera les autorités à assumer leurs responsabilités afin de faire cesser l’impunité. Comme l’a mis en lumière la campagne de l’IFEX pour la Journée internationale contre l’impunité, lorsque les auteurs des attaques restent impunis, le résultat est le silence, le silence qui incite à plus de violence encore.
La campagne de la FIJ encouragera en outre les entreprises de presse à jouer un rôle plus important dans le combat contre la violence faite à leurs employées. En réponse à l’agression alléguée d’une femme journaliste par le rédacteur en chef d’un magazine, la FIJ s’est jointe récemment à ses affiliés en Inde pour réclamer une attitude de « tolérance zéro » en matière de violence et de harcèlement sexuels dirigés contre les travailleuses des médias.
Une action sur Twitter pour souligner le 25 novembre s’inscrit dans la campagne de la FIJ. On peut exprimer son appui à la campagne au moyen du mot clé diésé (hashtag) #IFJVAW.