Trois organisations se prononcent ensemble, à l'occasion du premier anniversaire du coup d'État du 28 juin 2009, déplorant la situation de la liberté de la presse dans le pays.
(AMARC/C-Libre/RSF/IFEX) – Le 28 juin 2010 – Reporters sans frontières, l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC) et le Comité pour la libre expression (C-Libre) ont décidé de se prononcer ensemble, un an après le coup d’État du 28 juin 2009. Cet événement a probablement signé l’une des faillites les plus vertigineuses des libertés fondamentales dans un pays – notamment celle d’informer et d’être informé – au point de propulser celui-ci au pire rang planétaire pour la sécurité des journalistes.
Deux périodes principales se détachent de ces événements. La première – allant du renversement de Manuel Zelaya par l’armée à l’investiture de Porfirio Lobo Sosa, le 27 janvier dernier -, a été marquée au plan médiatique par des actes de censure, de sabotages, de brutalités et d’occupations militaires de médias connus pour leur ligne d’opposition au putsch. Ce fut le cas de la chaîne Canal 36 Cholusat, Radio Globo, Radio Progreso, Radio Uno ainsi que de médias communautaires comme la radio afro-hondurienne Faluma Bimetu (Radio Coco Dulce), dévastée par un incendie criminel, le 6 janvier dernier et à la reconstruction de laquelle nos trois organisations ont participé. La censure et le sabotage ont également concerné la presse étrangère dès les premières heures du coup d’État, et des médias aussi différents que CNN Español ou Telesur, dont une dizaine de journalistes ont été expulsés du pays.
La seconde période, post-coup d’État, allant de la dernière investiture présidentielle à ce premier « anniversaire », se distingue surtout par l’assassinat de huit professionnels des médias de mars à juin 2010:
-Joseph Ochoa, chaîne Canal 51, 1er mars
-David Meza Montesinos, chaîne Abriendo Brecha et radio El Patio, 11 mars
-Nahúm Palacios, chaîne Televisora de Aguán – Canal 5, 14 mars
-Bayardo Mairena, chaîne Canal 4, 26 mars
-Manuel Juárez, Radio Excélsior, 26 mars
-Luis Antonio Chévez, station W 105, 11 avril (animateur)
-Georgino Orellana, Televisión de Honduras, 20 avril
-Luis Arturo Mondragón, chaîne Canal 19, 14 juin.
À ces noms doivent s’ajouter ceux de défenseurs des droits de l’homme, comme Walter Tróchez, séquestré et assassiné au mois de décembre. Que tous ces crimes ne soient pas liés à la violence politique qui mine le pays depuis un an est possible. Ceci ne justifie en rien l’attitude des autorités consistant à exclure systématiquement, et à priori, toute relation entre ces drames et cette violence-là. Pourtant, Nahúm Palacios Arteaga avait dénoncé les persécutions régulières de la part de l’armée dont il était la cible juste avant d’être abattu. Georgino Orellana s’était personnellement exposé en quittant pour des raisons éditoriales ses anciennes rédactions de La Prensa et Televicentro, deux médias favorables au coup d’État. Joseph Ochoa aura été, quant à lui, la victime d’un attentat qui visait, pour son soutien au putsch, sa consœur de la chaîne Canal 8 Karol Cabrera, depuis réfugiée au Canada.
Comment nier la permanence de la violence politique contre les médias après l’incroyable assaut mené, le 3 juin dernier, par des militaires et des policiers contre la toute jeune radio communautaire La Voz de Zacate Grande, voix d’une communauté rurale en conflit avec le magnat de l’agro-industrie Miguel Facussé ? Comment interpréter la nomination à la tête de l’entreprise publique de télécommunications Hondutel, le 8 mars, du général en retraite Romeo Vásquez Velásquez, le maître d’œuvre de la censure aux premières heures du coup d’État ? Comment comprendre le silence des autorités après deux injonctions de la Commission interaméricaine des droits de l’homme en faveur de la protection physique des journalistes de Radio Progreso et de leur directeur, Ismael Moreno, à la suite de menaces de mort ?
La réintégration du Honduras dans l’Organisation des États américains, suspendue depuis un an, dépend de la volonté des autorités actuelles de répondre concrètement à cette situation. Elles n’ont fait jusque-là qu’entériner la logique née du coup d’État. Dans leur domaine de compétence, nos organisations souhaitent :
-Qu’une commission d’enquête civile indépendante constituée avec l’appui de l’OEA puisse exercer un droit de regard sans entrave sur les enquêtes concernant les assassinats et agressions de journalistes commis au cours du premier semestre de l’année 2010, ainsi qu’un suivi de l’exécution des mesures de sécurité accordées aux journalistes et aux médias.
-Que ce travail donne lieu à la mise en place de réels mécanismes de protection en faveur des professionnels des médias, ainsi qu’à des enquêtes désignant les auteurs de crimes envers la presse et mettant fin à l’impunité qui entoure les assassinats et attaques commis contre des journalistes et des rédactions.
-Que soient inventoriés et restitués les équipements de médias ayant fait l’objet d’une occupation militaire depuis le 28 juin 2009.
-Que soit effectué un recensement complet des fréquences audiovisuelles assorti d’une refonte de leur système d’attribution, sur la base de critères démocratiques garantissant la pluralité et la diversité d’informations pour les médias commerciaux, publics et communautaires.
-Que la législation hondurienne en matière d’accès à l’information, de délits d’opinion, de diversité des médias et de pluralisme soit adaptée dans les plus brefs délais aux standards juridiques internationaux et aux cadres de la Convention américaine sur les droits de l’homme.