Le mois de mars en Europe et en Asie centrale: un tour d’horizon des principales nouvelles sur la libre expression. Réalisé sur base des rapports des membres de l'IFEX et des nouvelles de la région.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Alors que les pays d’Europe et d’Asie centrale imposent des restrictions aux droits et déclarent des états d’urgence, COVID-19 braque les projecteurs sur qui nous sommes vraiment. Tous les gouvernements sont confrontés au défi de trouver un équilibre entre le devoir de protection de la santé publique et les droits à la liberté d’expression, de réunion libre et d’accès à l’information. Certains gèrent cet exercice d’équilibre de manière plus désastreuse que d’autres. Et certains, sans surprise, semblent exploiter la pandémie mondiale à leur propre profit sur le plan national ou pour des agendas personnels sur le plan international.
L’accès à l’information à l’ère du COVID-19
Le droit d’accéder à des informations précises est absolument essentiel si nous voulons nous protéger pendant cette pandémie, et le rôle du gouvernement et des médias indépendants en fait partie intégrante.
Les temps difficiles auxquels nous sommes confrontés soulignent également le rôle essentiel des médias professionnels.
Des journalistes qui travaillent sans relâche pour nous fournir des faits mis à jour et vérifiés.
Leur travail peut sauver des vies. L’information peut sauver des vies.
Thread https://twitter.com/EFJEUROPE/status/1239519335229636609 …
EFJ@EFJEUROPE
À tous les journalistes couvrant la crise du #coronavirus: c’est peut-être l’une des histoires les plus compliquées que vous ayez jamais eu à traiter. Vous faites un travail très important dans des circonstances difficiles et les gens comptent sur vous plus que jamais. Prenez soin de vous et de vos collègues #ISupportJournos
Une partie de l’accès à des informations précises implique de débusquer la désinformation qui se propage actuellement à propos du virus. Comme Josep Borrell, responsable de European External Action Service, l’ a déclaré lors d’une conférence de presse fin mars: « La désinformation s’amuse avec la vie des gens. La désinformation peut tuer. »
En Russie, les médias proches du Kremlin ont promu des mensonges and des théories du complot sur COVID-19. Le site EUvsDisinfo a enregistré plusieurs affirmations d’une presse favorable à Poutine selon laquelle le virus n’est « pas dangereux », qu’il peut être « guéri avec une solution saline », qu’il conduit à l’effondrement de l’UE, qu’il n’y a pas de médecins pour le traiter en Lituanie, et que Bill Gates et George Soros sont en quelque sorte derrière cette pandémie.
À qui les médias proches du Kremlin et les sites associés #conspirationnistes attribuent-ils la responsabilité de la pandémie #COVID19 ?
- a) Pentagone
- b) Élites mondiales
- c) Opposition bélarussienne
- d) Tout ce qui précède
Pour les réponses, lisez: https://euvsdisinfo.eu/the-community-of-collapse/…
En outre, le régulateur officiel russe des médias, Roskomnadzor, réprime les médias indépendants. Il a ordonné à deux médias – la station de radio Ekho Moskvy et le site d’information Govorit Magadan – de retirer les articles sur l’explosion du COVID-19 de leurs sites Web et réseaux sociaux. Ekho Moskvy a été invité à supprimer une interview avec un spécialiste de la maladie qui a comparé la gestion des autorités de la pandémie à la catastrophe de Tchernobyl. Quant à Govorit Magadan, il a été contraint de bloquer l’accès à une histoire d’un résident local décédé à l’hôpital et soupçonné d’avoir contracté le virus. Roskomnadzor a publié un avertissement selon lequel il prendra des mesures punitives contre la « diffusion de fausses informations » et toute tentative de « semer la panique dans le public et provoquer des troubles à l’ordre public ».
Le 30 mars, les législateurs hongrois ont adopté une loi qui a conféré au Premier ministre Orbán de nouveaux pouvoirs étendus, lui permettant de gouverner efficacement par décret et d’exercer un contrôle encore plus grand sur les médias hongrois. La nouvelle législation vise apparemment à contribuer à la lutte contre le COVID-19, mais elle permettra à Orbán de prolonger indéfiniment l’état d’urgence actuel et de punir ceux qui diffusent de « fausses informations » sur le virus d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison. Orbán a souvent accusé les quelques médias indépendants restants en Hongrie de colporter de fausses informations. Avant le vote, les membres de l’IFEX avaient écrit aux présidents de la Commission européenne, du Conseil européen et du Parlement européen, soulignant que « la libre circulation des informations indépendantes est plus essentielle que jamais » et appelant les présidents à « préciser que l’ Union européenne n’acceptera pas l’application d’une législation d’urgence qui porte atteinte aux droits fondamentaux de l’homme et aux libertés des médias ».
Le Parlement hongrois adopte un projet de loi accordant au Premier ministre Orbán un pouvoir illimité et proclame:
– État d’urgence sans délai
– Gouverner par décret
– Parlement suspendu
– Pas d’élections
– Diffusion de fausses nouvelles + rumeurs: jusqu’à 5 ans de prison
– Sortir du confinement: jusqu’à 8 ans de prison #COVID19
D’autres États légifèrent également dans le but déclaré de lutter contre la désinformation.
L’Arménie a déclaré l’état d’urgence à la mi-mars. L’une des dispositions est l’interdiction de publier des rapports ou des articles sur le COVID-19 qui ne proviennent pas d’un gouvernement ou de sources officielles d’autres pays. Selon des informations, la police ordonne désormais aux journalistes de supprimer des articles ou des commentaires sur les réseaux sociaux.
En Roumanie, le président Klaus Werner Iohannis a signé un décret d’Etat d’urgence qui permet à l’Autorité nationale pour l’administration et la régulation des communications d’ordonner des avis de retrait pour les sites Web et les reportages contenant des « fausses informations ». La Fédération européenne des journalistes a souligné les inquiétudes qu’elle partageait avec les journalistes roumains selon lesquelles ces mesures pourraient conduire à l’autocensure.
Le Parlement d’Azerbaïdjan a adopté une loi ce mois-ci dans le but déclaré de lutter contre la désinformation à propos du COVID-19. La loi oblige le propriétaire de toute ressource d’information sur Internet à ne pas publier de fausses informations en ligne (y compris les informations qui menacent la vie, la santé et les biens de la population ou la sécurité publique). Le représentant de l’OSCE pour la liberté des médias, Harlem Désir, a averti que la loi s’étendait à la publication d’informations sans rapport avec la pandémie.
Au Turkménistan, des mesures sévères ont été introduites pour tenter de freiner la propagation du virus, mais, selon Fergana News, elles ne sont pas rapportées par les médias d’État. Au lieu de cela, la stratégie du gouvernement semble être de décourager les gens de penser à COVID-19: il a même supprimé la mention du virus dans une récente brochure antiépidémique officielle. Fergana News rapporte que le gouvernement a tenté d’interdire le port de masques médicaux par les citoyens, parce qu’ils étaient « une incitation à la panique ». Selon certaines informations, les autorités ont commencé à arrêter des personnes qui parlent de COVID-19 dans des lieux publics et utilisent leurs réseaux d’agents pour écouter les conversations dans les bus, dans les files d’attente, etc.
Des membres de l’IFEX et d’autres organisations de la liberté de presse ont écrit une lettre au ministre de l’Intérieur de la Slovénie, appelant le gouvernement à mettre fin à la campagne de harcèlement qu’il avait lancée contre le correspondant slovène de Reporters sans frontières, Blaž Zgaga. Ce dernier avait envoyé une demande d’accès à l’information au gouvernement afin d’obtenir des informations sur le fonctionnement du quartier général de Crise nouvellement créé (chargé de lutter contre le COVID-19). Au lieu de fournir une réponse standard, le quartier général de la crise a tweeté que Zgaga était l’un des « quatre patients qui se sont échappés du confinement », et que tous les quatre avaient « un virus COVID-Marx / Lénine ». Les médias appartenant au parti au pouvoir d’extrême droite ont également commencé à le diaboliser et Zgaga a rapidement commencé à recevoir des menaces de mort via les médias sociaux.
J’exhorte les fonctionnaires à s’abstenir de menacer ou de faire pression sur @RTV_Slovenija en #Slovénie. Les journalistes doivent être libres de travailler sans intimidation. Un diffuseur public indépendant est indispensable pour fournir des informations fiables sur la pandémie. Voir: https://bit.ly/39pxiAa
En Albanie, les utilisateurs de Vodafone ont reçu, ce mois-ci, un message enregistré inattendu du Premier ministre Rama disant: « Lavez-vous les mains, ne quittez pas votre maison pour le plaisir, ouvrez les fenêtres autant que vous le pouvez, protégez-vous des médias ». Rama a une relation conflictuelle avec les journalistes. Il a récemment encouragé un projet de loi qui restreindrait la liberté des médias. Les clients de Telekom Albania auraient reçu un message plus utile leur conseillant de se protéger contre les fausses informations.
Ce mois-ci, le président biélorusse Loukachenko a colporté la désinformation en rejetant le COVID-19 comme « une psychose » et en recommandant la vodka, les saunas et la conduite des tracteurs comme moyens d’éviter le virus.
Les journalistes derrière les barreaux courent un risque accru
Human Rights Watch a appelé le Kirghizistan à libérer immédiatement le journaliste et défenseur des droits humains emprisonné Azimjon Askarov. Il purge actuellement une peine d’emprisonnement à perpétuité pour des accusations fallacieuses et son audience en appel devant la Cour suprême, prévue pour le 6 avril 2020, pourrait être retardée en raison de l’état d’urgence du COVID-19. Askarov souffre de divers maux depuis plusieurs années et le confinement continu augmente le risque pour sa santé.
En Turquie, il a été signalé que le gouvernement s’apprêtait à libérer près de 100 mille détenus afin de limiter la propagation du COVID-19 en prison. Cependant, il semble que les prisonniers politiques – ceux emprisonnés pour des accusations ridicules liées au terrorisme tels que des avocats, des journalistes, des politiciens, des artistes, des juges et des procureurs, des défenseurs des droits humains – ne soient pas inclus dans ce plan.
Des membres de IFEX et d’autres groupes de presse ont publié une déclaration conjointe appelant les autorités turques à « libérer immédiatement et sans condition les journalistes, défenseurs des droits humains et autres personnes qui ont été inculpées ou condamnées simplement pour avoir exercé leurs droits » et « envisager d’urgence la libération de ceux qui n’ont été reconnus coupables d’aucune infraction et ceux qui courent un risque particulier en prison avec une maladie à propagation rapide ».
Les autorités turques ont arrêté des centaines de personnes en rapport avec des messages « provocateurs » sur les médias sociaux concernant le COVID-19. Le ministre de l’Intérieur Suleyman Soylu a déclaré que les détenus tentaient de « provoquer des troubles ».
Focus sur le genre
Bien qu’il y ait eu des marches et des événements dans le monde entier pour célébrer la Journée internationale de la femme, certains pays d’Europe et d’Asie centrale ont vécu de tentatives honteuses, souvent violentes, de les supprimer.
Au Kirghizistan, des marcheuses de Bichkek ont été agressées par un groupe de nationalistes masculins. La police a détenu environ 70 personnes pendant l’attaque – toutes des femmes.
En Turquie, près de la place Taksim, à Istanbul, la police a fait usage de gaz lacrymogènes sur un groupe de femme qui marchaient au motif qu’elles avaient refusé de se disperser.
Marche de la nuit féministe à Istanbul le #8M | La police a attaqué les femmes avec des gaz lacrymogènes et arrêté certaines femmes refusant de se disperser http://bit.ly/38yvuV9
Bonne nouvelle en bref
Il y a eu d’excellentes nouvelles d’Azerbaïdjan, où le journaliste indépendant Afgan Mukhtarli a été libéré après que sa peine de six ans de prison a été commuée. En 2017, Mukhtarli a été enlevé en Géorgie et transporté en Azerbaïdjan, où il a été condamné pour de accusations fallacieuses de contrebande.