"Alors que l'instabilité politique du Venezuela s'accroît sur fond d'allégations de fraude électorale, les journalistes sont confrontés à une répression croissante. Les expulsions, les arrestations, les menaces et les agressions subies par les journalistes ont amplifié un climat de censure déjà existant dans le pays."
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 13 août 2024.
Outre la suspension, par le président Maduro, de X (ex-Twitter) et de l’application de messagerie Signal, Reporters sans frontières (RSF) a recensé au moins 70 atteintes à la liberté de la presse commises par les autorités depuis l’élection présidentielle du 28 juillet 2024. Les journalistes nationaux et étrangers font face à une répression effroyable : arrestations arbitraires, menaces, agressions physiques, censure… RSF condamne fermement ces violations.
Alors que les manifestations dénonçant les fraudes électorales se poursuivent partout au Venezuela, RSF a recensé au moins 70 cas d’attaques contre la presse depuis le 28 juillet dernier : 18 cas de restrictions d’accès à l’information, 30 actes d’intimidation et de menaces, 9 journalistes placés en détentions dont 4 sont toujours en prison, 9 expulsions de journalistes étrangers et 4 agressions physiques. Ces agressions, toutes signalées au cours des deux semaines qui ont suivi les élections présidentielles, dessinent un schéma systématique de harcèlement et de répression des professionnels de l’information.
« Alors que l’instabilité politique du Venezuela s’accroît sur fond d’allégations de fraude électorale, les journalistes sont confrontés à une répression croissante. Les expulsions, les arrestations, les menaces et les agressions subies par les journalistes ont amplifié un climat de censure déjà existant dans le pays. Les 70 cas de violations documentés par RSF en seulement 15 jours illustrent la détermination du gouvernement à faire taire les professionnels de l’information, à limiter le débat public et à porter atteinte à toute transparence démocratique dans un moment politique historique.”
Artur Romeu, directeur du bureau Amérique latine de RSF
Quatre journalistes accusés de terrorisme
Sur les neuf journalistes arrêtés alors qu’ils couvraient les élections, quatre sont toujours détenus sous des accusations prétextes. Yuosnel Alvarado, photojournaliste pour Noticias Digital, est accusé de terrorisme et est détenu au secret dans le détachement n° 33 de la Garde nationale bolivarienne (GNB), sans pouvoir avoir accès à un avocat de son choix. Paúl León, cameraman de VPI TV, a été arrêté pour incitation à la violence et entrave à l’ordre public, et reste détenu au secret au commandement du poste de police Valera 2.0. Deisy Peña, photographe a été arrêtée sans mandat après avoir couvert une manifestation pacifique et est détenue dans un bâtiment de la police nationale (PNB) à Los Teques. José Gregorio Carnero, journaliste, est également toujours détenu, accusé de conspiration et d’activités subversives. Les accusations portées contre Alvarado, León, Peña et Carnero relèvent toutes de la catégorie du terrorisme. Journaliste indépendant, Joaquín de Ponte, détenu au détachement 343, a également été accusé de terrorisme et d’incitation à la haine avant d’être libéré.
Au moins 9 journalistes étrangers expulsés du pays
Suivant un schéma clair d’hostilité envers la presse étrangère, neuf professionnels des médias ont été pris pour cible : deux d’entre eux ont été détenus et expulsés, tandis que les autres ont été interdits d’entrée dans le pays. Le 28 juillet, les journalistes colombiennes Carolina Trinidad et Vanessa de la Torre, de Caracol Radio, ont été expulsées de l’aéroport de Maiquetía sans explication. Quelques jours plus tard, le 1er août, les journalistes chiliens Iván Núñez et José Luis Tapia ont été arrêtés et détenus au secret au poste militaire de Chururú, à Barinas, après être entrés dans le pays par Cúcuta, en Colombie. L’ambassadeur du Chili a dû intervenir pour obtenir leur libération. Le 2 août, le journaliste espagnol Alvaro Nieto, directeur de The Objective, a été expulsé après un interrogatoire de deux heures concernant ses critiques du régime Maduro. Enfin, le 3 août, la journaliste équatorienne Dayana Krays a été arrêtée après avoir couvert une manifestation de l’opposition.
Censure des médias et de l’internet
Le 7 août, le président vénézuélien a annoncé l’ouverture d’une enquête criminelle contre les responsables de la page web ResultadosConVzla. Le 8 août, il a ordonné la suspension pour 10 jours de la plateforme de médias sociaux X blocked Signal, et a exhorté les citoyens à supprimer WhatsApp. Le 9 août, le gouvernement a bloqué la plateforme Reddit. Des organisations locales rapportent que les diffuseurs ont été menacés de sanctions s’ils couvraient les manifestations.