Les attaques que subissent les journalistes indépendants et les défenseurs des droits humains se sont multipliées en Algérie au cours des derniers mois. Deux cadres supérieurs d’une chaîne de télévision privée ont notamment été arrêtés.
Les organisations signataires exhortent les autorités algériennes à mettre un terme aux attaques de plus en plus fréquentes à l’encontre de journalistes et de médias critiques et à aligner la législation relative aux médias sur les garanties constitutionnelles et les obligations internationales de l’Algérie en matière de droits humains.
Les attaques que subissent les journalistes indépendants et les défenseurs des droits humains se sont multipliées en Algérie au cours des derniers mois. Deux cadres supérieurs d’une chaîne de télévision privée ont notamment été arrêtés. Mehdi Benaïssa, directeur de la chaîne de télévision Khabar Broadcasting Corporation (KBC), et son collègue Ryad Hartouf ont été appréhendés le 24 juin.
Ces arrestations seraient liées à la diffusion de deux émissions satiriques, Ki Hna Ki Nass Nass (« Nous sommes comme tout le monde ») et Ness Estah (« Les gens du toit »). Ces deux émissions traitent de questions politiques, économiques et sociales, y compris des allégations de corruption qui pèsent contre le président de longue date, Abdelaziz Bouteflika, et d’autres représentants du gouvernement.
D’après l’avocat de Mehdi Benaïssa, les deux hommes sont accusés d’être complices d’abus de fonction et d’avoir falsifié des autorisations en vertu de l’article 223 du Code pénal algérien. Selon certaines informations, s’ils sont condamnés, Mehdi Benaïssa et Ryad Hartouff risquent jusqu’à dix ans de prison pour le premier chef d’accusation et jusqu’à trois ans de prison pour le second chef d’accusation.
Mounia Nedjaï, une fonctionnaire du ministère de la Culture chargée de délivrer des autorisations, a également été arrêtée et accusée d’abus de fonction en vertu des articles 33 et 42 de la loi 06-01 relative à la lutte contre la corruption. Elle risque jusqu’à dix ans de prison.
Ces arrestations font suite à l’inauguration en juin du nouvel organisme de réglementation, l’Autorité de régulation de l’audiovisuel, institué conformément à la loi restrictive de 2014 relative à l’activité audiovisuelle. Cette loi a imposé des exigences d’enregistrement excessivement restrictives aux médias audiovisuels du pays.
Selon certains renseignements, les forces de sécurité ont fermé le studio d’enregistrement de l’émission Ki Ki Hna Nass le 19 juin, au motif qu’il avait été utilisé par la chaîne Al Atlas TV interdite de diffusion. Al Atlas TV a été fermée par le gouvernement après une descente de police en 2014. Une autre chaîne de télévision, Al Watan TV, a également dû cesser ses activités en 2015.
L’Algérie a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 1989 et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples en 1987. La révision constitutionnelle algérienne de 2016 garantit la liberté des médias, sans aucune censure.
KBC appartient au groupe médiatique El Khabar, qui publie un quotidien du même nom.
Le gouvernement algérien s’est récemment opposé à la vente du groupe médiatique El Khabar à Issad Rebrab, qui possède le quotidien Liberté et qui serait l’homme d’affaires le plus riche d’Algérie. Le gouvernement a invoqué une loi antimonopole pour empêcher la vente. Les avocats d’Issad Rebrab et les groupes locaux et internationaux ont déclaré que la décision du gouvernement était « fondée sur des raisons politiques ».
L’étude réalisée par l’ONG française pour la liberté de la presse « Reporters sans frontières » (RSF) et rendue publique en mai indique que seulement 4 des 58 chaînes de télévision privées en Algérie « ont effectivement l’autorisation de diffuser leurs émissions ». Selon cette étude, ces quatre chaînes, à savoir Dzair TV, Ennahar TV, El Djazair et Echourouk TV, « ont toutes la réputation de ne pas se montrer très critiques à l’égard du gouvernement ».
De même, les forces de sécurité ont empêché le journal El Watan de s’installer dans ses nouveaux locaux à Alger le 23 juin, au motif que le bâtiment ne possédait pas de « certificat d’exploitation ». Les journalistes d’El Watan ont déclaré que cette mesure faisait partie du prix à payer pour exercer leur journalisme critique.
Les organisations signataires réitèrent leur solidarité avec tous les journalistes indépendants et le personnel des médias visés en raison de leur travail dans la région arabe et appellent les autorités algériennes à :
libérer sans condition Mehdi Benaïssa, Ryad Hartouf et Mounia Nedjaï, et restituer à KBC son matériel de production afin qu’elle puisse reprendre complètement ses activités ;
cesser de recourir à des procédures administratives abusives pour interdire et criminaliser la liberté d’expression et le journalisme indépendant ;
modifier toutes les lois qui ont permis d’emprisonner des journalistes pour avoir fait leur travail et qui ne sont pas conformes à la Constitution révisée et au droit international des droits de l’Homme, en particulier l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
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