Des membres du TMG de l'IFEX ont assisté à titre d'observateurs au procès de Samir Feriani, pour avoir coulé des renseignements sur la destruction des documents établissant un lien entre la police secrète de Tunisie et la torture et autres crimes.
(TMG de l’IFEX) – Le 3 octobre 2011 – Les défenseurs de la libre expression célèbrent la décision annoncée jeudi d’un tribunal militaire d’abandonner les accusations contre un policier tunisien qui a tiré la sonnette d’alarme au sujet d’un noyau toujours actif d’officiers fidèles au régime pré-révolutionnaire – certains d’entre eux sont des tortionnaires présumés, d’autres sont liés aux escouades de surveillance de l’Internet, actives depuis longtemps en Tunisie.
Le commissaire principal de la police tunisienne Samir Feriani, critique public de la façon dont des officiers précédemment liés à la pratique de la torture et à la censure continuent d’exercer de l’influence au sein des services de sécurité, a été arrêté de façon dramatique le 29 mai et détenu d’abord au secret. La police antiterroriste aurait embouti sa voiture avant de s’emparer de lui.
Le 29 septembre, le tribunal militaire l’a acquitté des accusations d’avoir « porté atteinte à la sécurité extérieure de l’État », et a refusé d’entendre deux autres chefs d’accusation de distribution de renseignements « susceptibles de troubler l’ordre public » et d’avoir « accusé, sans preuves, un agent public de violation de la loi ».
Bien que les deux derniers chefs d’accusation puissent être référés à une cour civile, la décision de jeudi a été fêtée en grand.
Des membres du Groupe d’observation de la Tunisie organisé par l’Échange international de la liberté d’expression (TMG de l’IFEX), une coalition de 21 groupes de défense de la libre expression, ont assisté à titre d’observateurs à l’audience qui a duré une journée.
Feriani a déclaré aux observateurs du TMG de l’IFEX que le verdict ne portait pas sur lui, mais bien sur toute la Tunisie et sur le droit à la liberté d’expression. Il a été particulièrement heureux que la cour ait démontré son indépendance face à l’ingérence politique et ait rendu un verdict équitable et transparent.
Feriani a remercié le TMG de l’IFEX pour son appui; il a déclaré qu’il n’avait pas encore décidé ce qu’il allait faire et qu’il allait simplement « attendre pour voir ». Il a ajouté : « le plus important pour le moment, c’est de voir la Tunisie s’apaiser et disparaître les vestiges de l’ancien régime. »
Feriani a été arrêté puis inculpé après avoir fait parvenir au ministre de l’Intérieur Habib Essid une vigoureuse lettre de protestation dans laquelle il reprochait à des officiels en place d’avoir laissé tuer des manifestants lors de la révolution tunisienne de janvier 2011, et prévenait le ministre que des « tortionnaires notoires » restaient en liberté.
Il accusait également des officiers d’avoir détruit des dossiers officiels, notamment certains documents saisis dans l’ancienne résidence de l’ancien dirigeant de l’OLP Yasser Arafat. Ses accusations ont été rapportées dans deux journaux, « El Khabir » et « L’Audace », avant son arrestation.
L’Observatoire pour la Défense de la Liberté de la Presse, de l’Édition et de la Création (OLPEC), qui est membre de l’IFEX et partenaire du TMG de l’IFEX, fait valoir depuis longtemps que la police et les services de sécurité doivent rendre des comptes et se soumettre à la loi. La Secrétaire générale de l’OLPEC, Sihem Bensedrine, a déclaré que le verdict constituait une « issue équitable » susceptible de restaurer quelque peu la confiance dans les tribunaux tunisiens, mais qu’il subsistait des questions sur le pouvoir persistant de l’ancien régime, même après la révolution de janvier 2011.
« Cela montre comment les services secrets continuent à manipuler les archives », a-t-elle dit, « refusant toute preuve pour leurs victimes, tout en mettant à nu la faillite du gouvernement provisoire, qui se montre incapable d’agir. »
Pour sa part, le président du TMG de l’IFEX, Rohan Jayasekera, du groupe Index on Censorship, a ajouté : « Le droit des lanceurs d’alerte de s’adresser à l’opinion publique et de dénoncer des méfaits lorsque les canaux officiels négligent de s’attaquer à des comportements criminels est clair et absolu. La décision du tribunal aujourd’hui est la preuve que la Tunisie peut avoir de l’avenir comme démocratie adulte, guidée par une justice équitable et indépendante. »