Dix-huit organisations de défense des droits humains se sont associées à la lettre ouverte envoyée par la Coalition civile pour la défense de la liberté d’expression au President et aux membres de l'Assemblée Nationale Constituante, alors que celle-ci s'apprête à discuter du projet de Constitution.
Dix-huit organisations de défense des droits humains se sont associées à la lettre ouverte envoyée par la Coalition civile pour la défense de la liberté d’expression au President et aux membres de l’Assemblée Nationale Constituante, alors que celle-ci s’apprête à discuter du projet de Constitution.
Monsieur Le Président de l’Assemblée Nationale Constituante
Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée Nationale Constituante
A l’heure où l’Assemblée Nationale Constituante s’apprête à entamer la discussion de la version finale du projet de la Constitution, la Coalition civile pour la défense de la liberté d’expression tient à vous exprimer sa consternation pour le maintien, dans le texte de ce projet, de restrictions qui menacent la liberté d’expression et d’information, le principal acquis accompli en Tunisie après la révolution.
La coalition regrette que les appels et les recommandations formulées dans ce sens par des Organisations professionnelles et non gouvernementales, nationales et internationales, aient été ignorés, ce qui risque de priver la Tunisie d’une constitution garantissant les libertés et les droits fondamentaux et de déposséder les Tunisiens de leur droit de vivre sous un régime démocratique dont la pierre angulaire n’est autre que la liberté de la presse.
Ces appels ont été aussi lancés par la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme et la rapporteuse spéciale de la commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, dans une conférence de presse commune donnée à Tunis en octobre 2012.
La coalition regrette également que le préambule et le texte du projet de la Constitution n’énoncent pas clairement l’engagement à protéger le droit à la liberté d’expression, conformément à l’énoncé de l’article 19 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP), ratifié par la Tunisie en mars 1969.
Cet article stipule : « Toute personne a droit à la liberté d’expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.
L’exercice des libertés prévues dans le présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut, en conséquence, être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:
a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui;
b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.
La coalition estime que l’adoption de cette formulation précise, acceptée par la Tunisie, évite le recours, dans le texte de la Constitution, à des restrictions légales supplémentaires à la liberté d’expression, et le retour à celles qui étaient imposées par la Constitution de 1959 et qui avaient placé la Tunisie sur la liste des États ennemis de la liberté de la presse, avant la révolution.
De plus, les décrets-lois 115 et 116 comportent des dispositions fixant les conditions de l’exercice de la liberté de la presse, et l’article 1er du décret-loi 115 procure beaucoup plus de garanties que le texte du projet de la constitution.
La coalition estime aussi que la création d’une instance constitutionnelle de l’information qui aurait pour mission d’assurer « la régulation du secteur des médias, tous supports confondus, et de garantir la liberté d’expression et d’information et le droit d’accès à l’information » est une hérésie sans pareil dans les régimes démocratiques.
En effet, dans les pays démocratiques, la régulation du secteur de la presse écrite et électronique est du ressort exclusif des professionnels, dans le cadre d’un système d’autorégulation et de structures appelées généralement « conseils de la presse ».
La coalition considère que l’indépendance et la neutralité de cette instance ne sont pas garanties, étant donné que ses membres seraient élus par les représentants des partis politiques au sein du futur parlement.
Elle considère également que la création de cette instance aboutira, nécessairement, au rétablissement de la censure et du ministère de l’information, à l’usurpation des prérogatives de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA) et à la mainmise, de nouveau, sur le secteur de l’information, dans toutes ses composantes.
Aussi, la coalition appelle-t-elle à la suppression de l’article 124 du projet de la constitution qui prévoit la création de cette instance et propose de se contenter de la constitutionnalisation de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle.
La coalition demande aussi la suppression des formulations ambiguës utilisées dans les articles 30 et 31 du projet de la Constitution, relatifs au droit d’accès à l’information et à la liberté d’opinion et d’expression. Des formulations qui n’existent que dans les Constitutions des pays totalitaires et qui sont destinés à étouffer la liberté d’expression et d’information.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale Constituante
Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée Nationale Constituante
La coalition civile pour la défense de la liberté d’expression vous conjure d’être à la hauteur de votre responsabilité historique et d’œuvrer en vue d’élaborer une constitution qui tourne définitivement la page de la dictature et qui puisse édifier des institutions démocratiques capables d’assurer la marche de la Tunisie vers un avenir meilleur.
– Ligue Tunisienne de défense des Droits de l’Homme (LTDH)
– Syndicat national des Journalistes Tunisiens (SNJT)
– Syndicat général de la culture et de l’information relevant de l’UGTT
– Syndicat Tunisien de la Presse Indépendante et de la presse des Partis (STPIP)
– Syndicat Tunisien des Radios Libres (STRL)
– Association « Yakadha » (vigilance) pour la démocratie et l’État civique
– Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse (CTLP)