RSF a adressé une lettre au président de la région autonome du Kurdistan irakien afin de lui faire part de son extrême inquiétude sur la dégradation de la situation des journalistes dans la région autonome depuis le 17 février dernier.
(RSF/IFEX) – Le 28 février, Reporters sans frontières a adressé une lettre à Massoud Barzani, Président de la région autonome du Kurdistan irakien, afin de lui faire part de son extrême inquiétude sur la dégradation de la situation des journalistes dans la région autonome depuis le 17 février dernier.
Massoud Barzani
Président de la région autonome du Kurdistan irakien
Bureaux de la présidence
Erbil
Paris, le 28 février 2011,
Monsieur le Président,
Alors même que nous avions souligné, dans un rapport rendu public le 3 novembre 2010, que la liberté de la presse au Kurdistan irakien était plus grande que dans les régions environnantes, et que la situation s’était considérablement améliorée au cours des dix dernières années, Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de la presse, souhaite vous faire part de son extrême inquiétude sur la dégradation de la situation des journalistes dans la région autonome depuis le 17 février dernier.
Au cours des dix derniers jours, notre organisation a recensé un grand nombre d’agressions physiques, par les forces de sécurité, de professionnels de l’information qui couvrent les actuelles manifestations. Nous avons également été alertés par de nombreux journalistes déclarant avoir reçu des menaces de mort explicites. Je vous prie de trouver ci-joint la liste, non exhaustive, de ces incidents.
En tant que Président de la région autonome du Kurdistan irakien, Reporters sans frontières vous demande de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour que de telles violations de la liberté de la presse cessent et que la sécurité de l’ensemble des professionnels de l’information soit garantie. Nous souhaitons également qu’une enquête soit ouverte sur ces différents incidents, notamment sur l’incendie de la chaîne privée NRT le 20 février dernier.
Je vous remercie de l’attention que vous porterez à notre demande, et vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.
Jean-François Julliard
Secrétaire général de Reporters sans frontières
Liste non exhaustive des incidents visant les professionnels de l’information, au cours des 10 derniers jours :
27 février – incidents à Erbil
– Allan Sahebqrran, reporter pour le journal Hawlati à Erbil, a été agressé par des individus habillés en civil, qui lui ont tailladé le visage. « J’étais avec des confrères devant le siège du gouvernorat à Erbil. Des personnes en civil nous ont interdit de rester. Ils ont d’abord dit qu’ils étaient de la police ; ensuite ils ont dit qu’ils travaillaient pour les Asayesh. On a d’ailleurs pu voir leur carte. Après, nous avons été suivis par 12 membres des forces de sécurité en civil. Arrivés dans le centre d’Erbil, ils m’ont frappé. Certains filmaient la scène pendant que d’autres me rouaient de coups. J’ai été porter plainte. J’ai pu récupérer mon appareil photo chez les Asayesh un peu plus tard. Mais je n’ai pas retrouvé mon téléphone portable. Aujourd’hui, mon cou me fait toujours mal », a-t-il déclaré.
– Shwan Sidiq, rédacteur pour Civil Magazine, a également déclaré à Reporters sans frontières avoir été empêché, par une personne en civil, de prendre des photos d’un manifestant qui avait été blessé à Erbil.
– Selon Garmiyani Hamay Pur, journaliste de la chaîne satellitaire KNN, un caméraman de la chaîne, Rahman Nariman, a été agressé à Kalar par les forces de sécurité du Parti démocratique du Kurdistan avant de se voir confisquer sa caméra et d’essuyer des coups de feu.
– Hemn Karim, rédacteur en chef de Fshar, et Salman Kochari, rédacteur à Standard Magazine, a déclaré à Reporters sans frontières avoir reçu des menaces de mort.
26 février, incidents en série à Kalar principalement (100 km au sud de Suleimanieh)
– Garmiyani Hamay Pur, journaliste de la chaîne satellitaire KNN, a déclaré à Reporters sans frontières s’être vu interdire de filmer les événements par les forces de l’ordre. « J’ai reçu l’information selon laquelle les forces de l’ordre avaient reçu l’ordre de frapper les journalistes qui couvraient les manifestations. Ce qui fait qu’aujourd’hui seuls les médias partisans peuvent filmer lors des défilés. »
– Plus tôt dans la journée, un reporter du journal Awene, Kawa Garmiyani, a été violemment agressé par des individus armés et masqués qui lui ont confisqué sa caméra et son enregistreur, alors qu’il couvrait les affrontements entre policiers et manifestants.
– Un journaliste de la chaîne Speda, Sarkawt Salam, et un photographe, Sangar Hamid, ont également été agressés par des hommes armés. « Nous avons été attaqués sans aucune raison, alors que nous couvrions la manifestation », ont-t-ils déclaré à Reporters sans frontières.
– Soran Ahmed, journaliste pour Hawlati, a été la cible d’une attaque de la part des forces anti-terroriste à Suleimanieh, dirigées par le fils de Jalal Talabani, Pavel Talabani. « Ils ont confisqué mon matériel, appareil photo et portable. Ils ont également pris ma carte de journaliste et celle délivrée par le Syndicat des journalistes », a-t-il précisé à Reporters sans frontières.
– A Halabja (80 km à l’est de Suleimanieh), Irfan Ahmed, Anwar Arab, Salam Haji et Nasih Abdulrahim ont été interpellés par les forces de sécurité alors qu’ils couvraient une manifestation. Ils ont été conduits dans les bureaux du maire où ils sont restés pendant 1h30 avant d’être relâchés.