Le mois de janvier en Europe et en Asie centrale: un tour d'horizon des principales nouvelles de la liberté d'expression. Réalisé sur la base des rapports des membres de l'IFEX.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Le journaliste Amangeldy Batyrbekov acquitté
Les nouvelles du Kazakhstan étaient très bonnes en janvier: un tribunal a acquitté le journaliste Amangeldy Batyrbekov, qui avait été condamné, en septembre, à deux ans et trois mois de prison pour diffamation et insulte. Les accusations portées contre Batyrbekov découlaient d’une plainte déposée par un responsable du ministère de l’Éducation pour des prétendues insultes publiées sur la page Facebook de Batyrbekov. Les membres de IFEX avaient publiquement exigé sa libération.
Bonne nouvelle: accusations criminelles contre #journaliste #Kazakh Amangeldy Batyrbekov abandonnées. Il est libre. La prochaine étape pour le #Kazakhatan est de dépénaliser la diffamation @AkordaPress @MFA_KZ @KazakhEmbassy
Nouvelles révélations et plus de démissions
À Malte, les dernières révélations concernant le meurtre, en 2017, de Daphne Caruana Galizia ont provoqué de nouvelles démissions de hautes personnalités. L’ancien Premier ministre Joseph Muscat a démissionné (comme annoncé l’année dernière) et a été remplacé par Robert Abela. le ministre de Gozo, Justyne Caruana a également démissionné lorsque des preuves ont révélé une relation étroite entre son mari, l’ancien chef adjoint de la police Silvio Valletta, et le suspect du meurtre Yorgen Fenech. Auparavant, Valette était l’enquêteur principal du meurtre de Caruana Galizia, mais a été retirée de l’affaire mi-2018 en raison d’un conflit d’intérêts. Il fait actuellement l’objet d’une enquête de la police.
Le sous-commissaire de police chargé de l’enquête sur le meurtre de ma mère s’est rendu à Kiev et à Londres avec le meurtrier Yorgen Fenech, pour regarder des matchs de football, alors que Fenech était déjà un suspect dans l’affaire. Billets payés par Fenech. https://twitter.com/IvanMartin89/status/1219554909319761920 …
@IvanMartin89
En Mai 2018, l’ancien adjoint de la police Silvio Valletta s’est également rendu à la finale de la @ChampionsLeague en compagnie de Yorgen Fenech, présumé conspirateur [dans l’affaire] #DaphneCaruanaGalizia. Hier soir, il a été entendu au siège de la @MaltaPolice par le commissaire a.i.
Après avoir critiqué sa gestion de l’enquête sur le meurtre, le commissaire de police maltaise Lawrence Cutajar a également démissionné ce mois-ci (il a été rapidement réengagé par le ministère des Affaires intérieures en tant que consultant en sécurité publique).
Le procès pour meurtre de Ján Kuciak est en cours
Le procès de quatre suspects du meurtre, en 2018 en Slovaquie, du journaliste Ján Kuciak et de sa fiancée, Martina Kušnírová, a débuté ce mois-ci.
International Press Institute (IPI), membre de IFEX, et Organized Crime & Corruption Reporting Project ont fourni en direct des mises à jour d’informations inestimables sur le procès dudit meurtre via Twitter. IPI a également publié des comptes rendus des audiences.
Des doutes sur l’enquête sur le meurtre de Pavel Sheremet
Des groupes de presse, dont Reporters sans frontières, ont fait part de leurs préoccupations au sujet de l’enquête sur le meurtre à la voiture piégée de 2016 du journaliste Pavel Sheremet en Ukraine. En décembre 2019, les autorités ont annoncé qu’elles avaient arrêté cinq suspects (tous des vétérans du conflit avec des séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine), mais depuis lors, des allégations selon lesquelles des témoins auraient été victimes de chantage pour témoigner. Des doutes ont également été émis au sujet des rapports d’experts et du refus du parquet de divulguer toutes les preuves pertinentes.
Les anciens collègues de Sheremet sont également sceptiques quant à la déclaration du procureur général selon laquelle le motif du meurtre était de « déstabiliser le pays ».
Royaume-Uni: Extinction Rebellion = terrorisme?
Au Royaume-Uni, les groupes militants écologistes pacifiques Greenpeace et Extinction Rebellion ont, curieusement, été placés sur une liste de surveillance du terrorisme, aux côtés de groupes violents d’extrême droite tels que Combat 18. La liste a été dressée par Counter Terrorism Policing dans le cadre du controversé programme Prevent, qui est censé aider les écoles et autres institutions publiques à identifier les personnes susceptibles de commettre des actes terroristes.
À Londres, la Police métropolitaine commencera à utiliser la technologie de reconnaissance faciale en directe au mépris des préoccupations soulevées par les politiciens, les groupes de défense des droits et les régulateurs de données. Cette technologie a été jugée à la fois comme une atteinte à la vie privée et comme étant extrêmement sujette à des erreurs: une étude de l’année dernière a montré qu’elle n’était correcte que 19% du temps; il est particulièrement mauvais pour identifier les personnes de couleur.
Focus sur le genre
La pauvreté des règles – l’incapacité à se procurer les articles hygiéniques nécessaires – fait que les étudiantes s’absentent de l’école quand elles ont leurs menstruations, ce qui les désavantage dans leur apprentissage académique. Afin d’y remédier, le gouvernement britannique a récemment lancé un programme qui donnera à toutes les filles et jeunes femmes fréquentant l’école ou le collège un accès gratuit aux articles pour les règles.
Aucun jeune ne devrait voir son éducation interrompue par ses règles. Nous fournissons des articles des règles gratuits aux écoles et collèges en Angleterre. #periodpositive
Ce mois-ci a vu une victoire pour les droits LGBTQI+ en Lituanie. Dans l’affaire Beizaras et Levickas c/ Lituanie, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé qu’il y avait eu de multiples violations des droits du couple homosexuel à la suite des abus homophobes et des menaces qu’ils avaient reçues après avoir publié une photo d’eux s’embrassant sur Facebook. Les autorités ayant refusé d’ouvrir une enquête préliminaire sur ces menaces, le couple a porté l’affaire devant la CEDH.
Le 14 janvier, arguant que la « désapprobation » des autorités lituaniennes à l’égard de la sexualité du couple avait clairement joué un rôle dans leur refus d’ouvrir une enquête préliminaire, la CEDH a conclu à la violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention européenne des droits de l’homme, combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), ainsi qu’une violation de l’article 13 (droit à un recours effectif). La Cour a jugé que la Lituanie devrait verser au couple 5 000 EUR [environ 5 540 USD] chacun en dommages-intérêts et 5 000 EUR supplémentaires pour les frais et dépenses engagés.
Beizaras et Levickas c. #Lithuania: l’un des très rares (et donc importants) jugements dans lesquels la #CEDH traite du #DiscoursdeHaine du point de vue de la victime en vertu de l’art. 8 (combiné avec l’article 14) et non du point de vue de l’auteur au sens de l’art. 10 http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-200344 …
Le 13 janvier, l’Irlande du Nord a également connu une bonne nouvelle avec la reconnaissance légale des mariages homosexuels.
Le veto applaudi n’est-il qu’une victoire à court terme?
En janvier, après les critiques des membres de l’IFEX et d’autres experts de la liberté de la presse, le président Meta d’Albanie a opposé son veto à deux lois qui étoufferaient les médias en ligne. Notoirement connues sous l’appellation de « paquet anti-diffamation », ces lois ont été adoptées par le parlement en décembre. Meta aurait affirmé que la nouvelle législation violait la Constitution et le droit à la liberté d’expression et d’information. Le président n’est autorisé à utiliser son droit de veto qu’une seule fois, donc si le Parlement vote à nouveau ces lois, elles entreront en vigueur.
Compte tenu du nouvel examen des lois sur les médias au Parlement en #Albanie, je confirme que je suis prêt à continuer de travailler avec les autorités pour améliorer la législation, y compris en ce qui concerne le niveau des amendes et le respect du principe de proportionnalité inscrit dans le droit international.
Prison pour diffusion de désinformation
En Ukraine, un projet de loi controversé a été présenté dans le but de lutter contre la désinformation russe et réglementer l’activité des médias. La Fédération européenne des journalistes et l’Union nationale des journalistes d’Ukraine ont vivement critiqué les modifications législatives proposées, les qualifiant de « porte d’entrée de l’ intervention de l’Etat dans les activités des journalistes de l’Ukraine ».
En vertu de cette législation, les journalistes seraient tenus de détenir une carte de presse professionnelle délivrée par une nouvelle organisation parrainée par l’État (l’Association des journalistes professionnels d’Ukraine) et le contenu des médias serait contrôlé par un commissaire spécial nommé par l’État. L’Institute of Mass Information fournit des détails sur les changements juridiques proposés concernant la propagation de la désinformation. Si cette loi est adoptée, les personnes reconnues coupables de diffusion de fausses informations pourraient encourir jusqu’à sept ans de prison.
Le projet de loi ukrainien sur la lutte contre la désinformation et la régulation des activités des médias menace la liberté d’expression
Alert submitted by @EFJEUROPE et @IFJGlobal
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En bref
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a voté l’ouverture d’une procédure de surveillance de la Pologne quant au fonctionnement de ses institutions démocratiques et de l’Etat de droit. Elle a déclaré dans une résolution que les récentes réformes « portent gravement atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire et à l’état de droit ». La Pologne a adopté ce mois-ci la soi-disant « loi muselière » qui permet aux autorités de révoquer les juges qui exécutent des décisions de justice qui ne sont pas conformes aux politiques gouvernementales.
L’APCE a également pesé sur l’affaire Julian Assange ce mois-ci, en adoptant une résolution déclarant que la détention et les poursuites contre le fondateur de Wikileaks ont créé un dangereux précédent pour les journalistes. La résolution a déclaré qu’Assange ne devrait pas être extradé du Royaume-Uni vers les États-Unis et a appelé à sa libération rapide.
CoE ParlAssembl @cepa appelle à la libération de #Assange:
« Les États membres devraient considérer la détention et les poursuites contre Assange comme un précédent dangereux et se joindre à la recommandation de l’ONU sur la #SRTorture selon laquelle son extradition vers les États-Unis devrait être interdite et qu’il devrait être libéré rapidement.» Http://bit.ly/2Gvokp5
Wikipedia est de nouveau accessible en Turquie à la suite d’une décision de la Cour constitutionnelle en décembre selon laquelle le blocage du site Web était inconstitutionnel. Cependant, l’attaque générale contre les droits continue: ce mois-ci, un tribunal a décidé – au mépris de la CEDH – de maintenir en détention le dirigeant de la société civile Osman Kavala.
La Russie continue de harceler et de détenir des militants de l’opposition (ainsi que des Témoins de Jéhovah). Il y a eu cependant de bonnes nouvelles en janvier, lorsque des policiers, qui ont détenu et aurait battu le journaliste Ivan Golunov l’été dernier, ont été inculpés d’abus de pouvoir.
Nouveau et remarquable
La propagation délibérée de la désinformation est reconnue comme une menace pour la démocratie et il est généralement admis que le développement de l’éducation aux médias est une grande partie de la solution. Dans cet esprit, la Commission européenne vient de publier six conseils qui aideront le grand public des médias à identifier les informations douteuses déguisées en nouvelles lorsqu’il les voit.
Le South East European Network for Professionalization of the Media (SEENPM) a lancé #JournalismMatters, une campagne en ligne pour former le public à propos de l’éducation aux médias et le journalisme de service public dans les Balkans occidentaux. Il se compose d’environ 100 courts clips vidéo de journalistes de la région expliquant comment fonctionne un bon journalisme – et quelles sont les menaces auxquelles il est buté.
Le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias, en collaboration avec les membres de l’IFEX, a lancé le Codex de la police de la liberté de la presse en France. Le Codex est un ensemble de directives (destinées à la police) qui visent à aider à désamorcer le niveau de violence policière subie par les journalistes au cours de leur travail de couverture des manifestations et autres événements publics.