Le rapport de RSF s'intéresse à l'angle mort des violations à l’égard des journalistes en Égypte : celui de l’environnement de travail insoutenable induit par des campagnes de haine, de dénigrement et de diffamation.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 30 juin 2022.
Dans un rapport de 27 pages intitulé Les marionnettes du président Al-Sissi, Reporters sans frontières (RSF) montre comment certaines grandes figures pro-gouvernement en Égypte et les médias sous tutelle de l’État participent à lancer et amplifier les campagnes de dénigrement contre les derniers journalistes critiques du pouvoir.
“Ce rapport s’intéresse à l’angle mort des violations à l’égard des journalistes en Égypte : celui de l’environnement de travail insoutenable induit par des campagnes de haine, de dénigrement et de diffamation. Ces attaques sont commanditées par l’État égyptien avec la complicité des présentateurs vedettes et des médias de masse.”
Sabrina Bennoui,
Responsable du bureau Moyen-Orient de Reporters sans frontières
“Agent de l’étranger”, “apôtre des Frères musulmans”, “personnes aux mauvaises mœurs”… RSF a compilé des dizaines de titres vindicatifs et calomnieux publiés dans la presse égyptienne et dirigés contre des journalistes indépendants. Tantôt accusés d’être des “traîtres à la nation”, tantôt de vouloir “semer le chaos”, tout est bon pour dénigrer leur intégrité professionnelle ou leur mode de vie personnel.
En plus des violations habituellement mesurées et documentées par RSF, de nombreux reporters égyptiens expriment leur désarroi face à ces campagnes médiatiques dirigées contre eux. Ces publications créent un climat insoutenable et les obligent à faire profil bas car ils redoutent d’être emprisonnés à tout moment. Quatre d’entre eux témoignent dans le rapport des conséquences délétères pour leur travail et leur vie quotidienne, rendant l’exercice de leur métier quasiment impossible.
RSF a mis en évidence l’aspect coordonné de ces campagnes médiatiques, qui suivent le même schéma. À l’origine des attaques, des présentateurs vedettes qui calomnient les journalistes sur des chaînes de télévision populaires. En remontant à la source, ces médias de masse se révèlent être sous le contrôle des services de renseignement de l’État.
Ahmed Moussa incarne par excellence l’archétype du fervent défenseur du gouvernement propulsé au rang de leader d’opinion. Cette figure médiatique incontournable a mis son influence au service du pouvoir. Diffusée sur la chaîne Sada El-Balad, son émission ‘Ala Masouliti, est suivie par des millions d’Égyptiens et sa parole compte. Il s’en est pris vertement à plusieurs journalistes à contre-courant du discours officiel, comme le journaliste d’Al Jazeera Yosri Fouda : “C’est un homme haineux de l’État égyptien et de ses institutions, lance-t-il à une heure de large audience. Au point que le peuple le déteste”.
En quelques heures, les déclarations sont reprises par toute la presse et les journalistes dans leur collimateur se retrouvent inondés de toutes parts d’articles qui se font le relais des mêmes éléments de langage.
En 2022, l’Egypte occupe la 168e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.