En République de Côte d'Ivoire, les personnes LGBT+ peuvent certes organiser certaines activités et rencontres, mais restent en marge d'une société qui ne les accepte pas comme des citoyens et citoyennes à part entière.
Cet article a été initialement publié sur fr.globalvoices.org le 4 septembre 2024.
De nombreuses personnes LGBT+ des pays limitrophes trouvent refuge en Côte d’Ivoire
En République de Côte d’Ivoire, l’homosexualité n’est pas criminalisée mais la communauté LGBT+ ne dispose pas de protection juridique. Dans ce contexte de flou juridique, les personnes LGBT+ peuvent certes organiser certaines activités et rencontres, mais restent en marge d’une société qui ne les accepte pas comme des citoyens et citoyennes à part entière.
Refuge non protégé
A ce jour, les personnes queers ivoiriennes ne sont pas persécutées juridiquement, comme l’explique Brice Stéphane Djédjé, sociologue spécialiste des questions LGBT+. Dans un article du journal Le Monde, Brice Stéphane Djédjé affirme:
L’État ivoirien est neutre sur la question. Ce vide juridique permet à la communauté queer ici de bénéficier d’une relative tolérance par rapport aux pays voisins.
Toutefois elles restent exclues de toute législation s’opposant à toute forme de discrimination, suite à un refus de les inclure dans un changement de la loi à ce sujet datant de 2021.
Cette situation est unique sur le continent africain où dans la majorité des pays – à l’exception notable de l’Afrique du Sud -, l’homosexualité est déclarée illégale, et souvent passible d’amendes et de prison.
C’est le cas dans les pays limitrophes de la Côte d’Ivoire, comme la Guinée, le Ghana ou même le Sénégal. Ceci explique pourquoi nombreux sont ceux et celles qui trouvent refuge en Côte d’Ivoire.
Le journal Le Monde cite le cas d’un jeune citoyen LGBT+ qui trouve refuge à Abidjan (capitale économique de la Côte d’Ivoire) après avoir vécu des calvaires en Guinée, au Sénégal, au Mali et au Burkina Faso.
A Conakry, je me suis fait agresser physiquement plusieurs fois et sexuellement trois fois. A Dakar, les mêmes choses ont recommencé. A Bamako, je me suis fait poignarder, je n’osais même plus sortir le jour. A Ouagadougou, quand mes voisins ont découvert que j’étais gay, ils m’ont chassé du quartier. Ici, je peux sortir maquillé et faire la fête en talons.
Mais cette relative tolérance ne signifie pas que les personnes queers, d’où qu’elles viennent, soient en sécurité, comme le note Brice Stéphane Djedje dans le même article:
Abidjan est le melting-pot queer de l’Afrique de l’Ouest. Mais les LGBT+ restent rejetés par une large partie de la population. Les violences et agressions sont fréquentes, en particulier envers les femmes transgenres.
Un rapport titré “Situation des LGBT+ en Côte d’Ivoire” publié en décembre 2023 présente de façon détaillé les conditions dans lesquelles vivent les personnes queers dans le pays.
Homophobie et transphobie des discours en ligne
La position juridique de la Côte d’Ivoire sur les droits des LGBT+ est clairement insuffisante pour assurer l’égalité de tous les citoyens et leur sécurité, dans une société où deux religions sont dominantes: l’Islam (42,5% de la population) et le Christianisme (39,8%) selon le dernier Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH 2021).
En témoigne une vague de protestations en ligne à l’encontre de personnes appelées “Woubi”, terme que le site d’information ivoirien Koaci explique en ces termes:
Le terme “woubi”, popularisé dans la culture locale, désigne des jeunes hommes qui se distancient de la masculinité traditionnelle et s’identifient ouvertement comme homosexuels. Cette situation soulève de vives réactions, reflétant une opposition profonde dans la conscience collective ivoirienne face à ces orientations sexuelles non conformes aux normes établies par les coutumes locales.
Le droit à la visibilité des personnes Woubi est revendiqué dans cette vidéo relayée par l’influenceuse ivoirienne Farafina Wamy sur le réseau X:
Les voix s’opposant à la visibilité des personnes queers dans les lieux publics se font plus virulentes, en particulier sur les réseaux X et TikTok. L’influenceur ivoirien au nom du Général Camille Makosso (qui compte près de trois millions d’abonnés) interpelle le président ivoirien et son gouvernement dans une vidéo TikTok relayée sur X:
Dans un article consacré à la question, le site Abidjan.net recense des commentaires d’Ivoiriens qui condamnent le comportement des homosexuels. L’artiste Zagba Le Requin, du groupe musical ivoirien “Team Paiya” cité dans ledit article indique que:
Les Woubis sont sans gêne. Vos cheveux même dépassent pour nos femmes. Certains même font le rang pour mettre de faux ongles. Chacun à son choix OK. Je ne suis personne pour juger OK. Mais respectez les valeurs de ce beau pays.
Toujours dans le même article, Hassan Hayek, une personnalité publique des médias sociaux en Côte d’Ivoire soutient de son côté que les vrais homosexuels se font plutôt discrets. Il affirme ceci:
Les vrais Woubis ne sont pas ceux qui dansent sur les réseaux sociaux. Les vrais sont cachés.
Face à cette vague d’intolérance, les autorités ivoiriennes, par le biais du Ministère de la justice et des droits de l’Homme, mettent en garde la population contre l’usage non-éthique des réseaux sociaux et rappellent les peines encourues. Ainsi l’article 367 du code pénal ivoirien rappelle en ces termes:
est puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 5 000 000 à 100 000 000 francs ( 8 412 à 168 248 dollars américains), quiconque profère ou émet toute expression outrageante, tout terme de mépris ou toute invective qui ne renferme l’implication d’aucun fait par le biais d’un système d’information.
L’ONG Gromo (organisation ivoirienne pour la défense des droits des LGBT+), de son côté, multiplie les initiatives pour l’insertion sociale des membres de cette communauté. Mais dans un contexte d’intolérance montante pour ces groupes minoritaires, la solution passe aussi par une reconnaissance juridique du droit à la protection.
Ecrit par Jean Sovon