"Il nous semble probable que la véritable raison d'exiler Mustafa al-Kharouf est liée à son travail de photographe et au fait qu'il ait partagé des photos sur les réseaux sociaux," dit RSF.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 5 mars 2019.
Les autorités israéliennes s’apprêtent à exiler le photographe apatride palestinien Mostafa al-Kharouf sans raisons officielles. RSF s’oppose à cette expulsion cruelle et demande sa libération et sa régularisation.
Basé à Jérusalem-Est, le photographe palestinien Mustafa al-Kharouf couvre l’actualité de la ville sainte depuis plusieurs années. Après avoir travaillé en tant qu’indépendant, il a ensuite collaboré avec l’agence de presse turque Anadolu. Apatride, il n’a jamais réussi à faire reconnaître son statut de résident de Jérusalem-Est, bien qu’il y vive depuis son enfance et tente régulièrement de régulariser sa situation. Le 21 janvier 2019, la police israélienne lui a indiqué que sa demande de statut avait été refusée et elle est venue l’arrêter chez lui. Le photographe est depuis maintenu en détention et risque d’être expulsé vers la Jordanie, un pays où il n’a pourtant aucune attache.
Lors d’une audience le 19 février dernier, la police israélienne a évoqué le fait que les renseignements israéliens détenaient des informations classifiées qui prouveraient ses liens avec le Hamas. Mustafa al-Kharouf s’est défendu de tout contact particulier : « Je ne prends pas partie, je suis un journaliste, et je n’écris même pas, je ne fais que prendre des photos. S’il y a une liste de gens à qui il ne faut pas parler, dites-le et rendez-la publique. »
De son côté, son avocat, Adi Lustigman, membre de l’ONG israélienne Hamoked, a fait valoir que le photographe avait seulement été interrogé par les autorités israéliennes sur ses photos et principalement sur celles qu’il avait mises en ligne sur Facebook. Les photographes peuvent être soupçonnés d’incitation à la violence s’ils diffusent des photographies d’affrontements.
A plusieurs reprises, en 2015 et en 2017, Mustafa al-Kharouf avait été brièvement arrêté pour avoir posté des photos d’affrontements entre manifestants palestiniens et des soldats israéliens sur sa page Facebook, mais aussi après une altercation avec un policier israélien alors qu’il était en train de prendre des photos. A l’époque, son innocence avait été reconnue par la justice israélienne.
« Expulser quelqu’un vers un pays où il n’a aucune attache est une punition cruelle, déclare Sophie Anmuth, responsable du bureau Moyen-Orient de Reporters sans frontières. Il nous semble probable que la véritable raison d’exiler Mustafa al-Kharouf est liée à son travail de photographe et au fait qu’il ait partagé des photos sur les réseaux sociaux. RSF demande sa libération immédiate et la régularisation de sa situation dans les plus brefs délais. »
L’avocat du photographe, contacté par RSF, précise : « en 18 ans de travail, c’est la première fois que je vois un Palestinien arrêté pour absence de statut de résident alors qu’il est arrivé à Jérusalem enfant. Et Israël devrait au contraire aider les apatrides à régulariser leur situation, en vertu du traité des Nations Unies sur les apatrides. » Né en Algérie d’un père Palestinien, Mostafa al Kharouf vit à Jérusalem-est depuis ses douze ans, où il a entre-temps fondé une famille avec une Palestinienne de Jérusalem.
Les territoires palestiniens occupent la 135e place au Classement RSF de la liberté de la presse.