"Les autorités jordaniennes ne doivent pas tolérer l’usage détourné des lois relatives à la diffamation ou à la cybercriminalité, qui risque de mener à une dérive sécuritaire,” déclare RSF.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 30 mars 2022.
En l’espace d’un mois, six journalistes ont été poursuivis en justice en Jordanie en raison de leur travail. Reporters sans frontières (RSF) s’alarme d’une série d’arrestations préoccupante et appelle les autorités à laisser les journalistes exercer en toute liberté.
Son arrestation est la dernière d’une inquiétante série. Le journaliste jordanien Ahmed Hassan Al-Zoubi, éditorialiste pour le site Sawaleif, a été arrêté le 24 mars alors qu’il se dirigeait vers l’aéroport d’Amman pour se rendre à Istanbul. Les forces de sécurité ont intercepté le véhicule qui le transportait, confisqué son téléphone et ses papiers d’identité avant de le conduire à la direction de la sécurité pendant deux heures. Il a été relâché sans suite.
Deux semaines auparavant, deux journalistes avaient été arrêtés à leur retour de voyage à l’aéroport de la capitale pour « cybercriminalité ». Le 7 mars, l’ancienne correspondante du quotidien Al-Ghad à Washington, Taghreed Risheq, aujourd’hui responsable au sein de l’ONG Democracy for the Arab World Now (DAWN), avait été interrogée pendant douze heures en raison d’un tweet posté en janvier (aujourd’hui supprimé) qui critiquait un article dont l’auteur se moquait de Jamal Khashoggi. Le 8 mars, le rédacteur en chef de Amman.net Daoud Kuttab avait quant à lui été retenu pendant 90 minutes par un officier l’ayant informé qu’il était visé par un mandat d’arrêt. En cause : une enquête publiée par le journaliste en 2019 sur un investisseur jordano-américain, qui a ensuite déposé plainte contre lui. Selon des informations recueillies par RSF, Daoud Kuttab devait comparaître le 13 mars mais l’audience a été reportée au 6 avril car le plaignant ne s’est pas présenté.
“Cette accumulation d’arrestations et de poursuites de journalistes en l’espace d’un mois est très préoccupante, déclare la responsable du bureau Moyen-Orient de RSF, Sabrina Bennoui. Les autorités jordaniennes ne doivent pas tolérer l’usage détourné des lois relatives à la diffamation ou à la cybercriminalité, qui risque de mener à une dérive sécuritaire.”
Enfin, trois journalistes d’investigation de différentes nationalités, qui ont préféré garder l’anonymat, sont également poursuivis pour une enquête liée aux Pandora Papers, accusés de “diffusion de fausses informations”. L’un des membres de l’équipe a été interpellé à l’aéroport d’Amman puis libéré sous caution.
La Jordanie occupe la 129e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.