(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières se félicite de la décision de la Cour suprême qui a invalidé, le 29 juin 2006, le principe de tribunaux d’exception destinés à juger les prisonniers détenus par l’armée américaine sur la base militaire de Guantanamo (Cuba). L’organisation salue dans cette décision une victoire du droit, qui marque peut-être un […]
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières se félicite de la décision de la Cour suprême qui a invalidé, le 29 juin 2006, le principe de tribunaux d’exception destinés à juger les prisonniers détenus par l’armée américaine sur la base militaire de Guantanamo (Cuba). L’organisation salue dans cette décision une victoire du droit, qui marque peut-être un pas vers la libération de Sami Al-Haj, cameraman soudanais de la chaîne qatarie Al-Jazira, emprisonné sans charge à Guantanamo depuis le 13 juin 2002.
« Cette décision est d’importance capitale, dans la mesure où elle rappelle qu’aucun pays ne peut se soustraire au droit international, en l’occurrence à la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre. Nous craignons néanmoins que le Congrès, aujourd’hui saisi de la question du cadre juridique pour les détenus de Guantanamo, ne désavoue à son tour la Cour suprême. En signant cette victoire du droit sur l’arbitraire, la haute juridiction a dénoncé implicitement ce scandale juridique et humanitaire qu’incarne le camp de Guantanamo. Nous espérons désormais que cette décision, qui n’aboutira malheureusement pas à la fermeture du camp, obligera au moins les autorités américaines à libérer rapidement Sami Al-Haj, détenu sans raison depuis quatre ans », a déclaré Reporters sans frontières.
Par cinq voix contre trois, la Cour suprême fédérale a considéré, le 29 juin, que le président George W. Bush avait « outrepassé ses pouvoirs » et « violé la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre » en instituant des tribunaux militaires d’exception chargés de juger ceux que l’administration américaine appelle des « ennemis combattants ».
Cette décision a fait suite à un recours de Salim Hamdan, ancien chauffeur d’Oussama Ben Laden, arrêté en Afghanistan en novembre 2001 et inculpé de « complot contre les Etats-Unis » en juillet 2003 par un tribunal d’exception. L’accusé avait contesté une procédure instituée dans l’urgence après les attentats du 11-Septembre sans l’aval du Congrès.
Sitôt rendue la décision de la Cour suprême, le Sénat américain a présenté une première ébauche de projet de loi destinée à fournir un cadre juridique pour les prisonniers de Guantanamo. Le texte, rédigé par Arlen Specter (Républicain, Pennsylvanie), président du comité judiciaire de la Chambre haute, autoriserait officiellement le président américain à instituer des « commissions militaires » pour juger les détenus, en première instance et en appel. L’avant-projet de loi prévoit également qu’un « tribunal de terrain » décide dans un délai de trente jours si un prisonnier entre dans la catégorie des « ennemis sans privilège » (le terme se substitue à celui d' »ennemi combattant ») et si les droits inscrits dans la Convention de Genève lui sont reconnus. Enfin, la « commission du statut » serait remplacée par des « tribunaux de classification », qui statueraient tous les six mois sur le renvoi éventuel d’un prisonnier dans son pays d’origine.
La base de Guantanamo compte à ce jour 440 prisonniers dont le cameraman soudanais de la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira Sami Al-Haj, arrêté par les forces de sécurité pakistanaises à la frontière afghane en décembre 2001 et livré à l’armée américaine en janvier 2002. Le journaliste est soupçonné d’être un « ennemi combattant » au prétexte qu’il serait entré illégalement sur le territoire afghan en octobre 2001 au moment des frappes américaines, qu’il aurait dirigé un site Internet soutenant le terrorisme, qu’il se serait livré à du trafic d’armes et qu’il aurait interviewé Oussama Ben Laden. Aucune enquête ni aucun témoignage ne sont venus corroborer ces accusations.
Souffrant d’un cancer de la gorge, privé de soins et de contacts avec sa famille, Sami Al-Haj a déclaré à son avocat britannique Clive A. Stafford Smith avoir subi 130 interrogatoires depuis le début de son incarcération. Ces interrogatoires, destinés à lui faire avouer des liens entre Al-Jazira et Al-Qaïda, ont été ponctués de sévices et de menaces à l’encontre de sa famille. A bout, le journaliste a confié en avril dernier à son conseil ses velléités de mettre fin à ses jours.
Le cabinet londonien Reprieve, dont fait partie Clive Stafford Smith et qui défend 36 prisonniers de Guantanamo, s’est félicité, le 29 juin, de la décision de la Cour suprême. « L’administration Bush a essayé de dire que ces hommes n’avaient aucun droit, aucun accès aux cours de justice, aucun pouvoir pour contester le fait qu’ils sont détenus depuis plus de quatre ans sans charge et sans procès. La Cour suprême a rejeté cette position une fois pour toutes », a déclaré Zachary Katznelson, conseiller de Reprieve.