Le 22 octobre 2011, Ayman Youssef Mansour a été condamné à trois ans de prison assortis de travaux forcés pour avoir "intentionnellement insulté, attaqué et tourné en ridicule la dignité de la religion islamique" sur Facebook.
(RSF/IFEX) – le 27 octobre 2011 – Alors que le Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’expression, Frank La Rue, a réaffirmé, le 21 octobre 2011, l’urgence à protéger la liberté d’expression sur l’Internet, l’Egypte s’enfonce dans une politique toujours plus liberticide à l’égard du web et des blogueurs.
La liberté d’expression sur Facebook en danger
Le 22 octobre 2011, au Caire, Ayman Youssef Mansour a été condamné à trois ans de prison assortis de travaux forcés pour avoir « intentionnellement insulté, attaqué et tourné en ridicule la dignité de la religion islamique » sur Facebook. Le net-citoyen avait été arrêté en août dernier.
« Sans se prononcer sur le contenu des messages publiés par Ayman Youssef Mansour, Reporters sans frontières regrette l’usage de la loi interdisant les insultes à la religion pour sanctionner un blogueur. Cette mesure, qui reste très vague, a souvent été utilisée, sous Hosni Moubarak, pour faire taire les voix dissidentes. En 2007, le blogueur Karim Amer avait notamment été condamné à de la prison ferme pour insulte au prophète de l’islam. Les pratiques de l’ancien régime perdurent avec le Conseil suprême des forces armées », a déclaré Reporters sans frontières.
Maikel Nabil Sanad interné pour 45 jours
L’organisation déplore également l’internement, pour 45 jours, du blogueur Maikel Nabil Sanad à l’hôpital psychiatrique d’El-Khanka (gouvernorat de Qalubiyah,nord-est du Caire), sur décision du juge, rendu le 18 octobre 2011 à l’issue de la dernière audience. La prochaine audience est prévue le 1er novembre prochain. Son avocat, Me Mahdouh Nakhla, directeur d’Al-Kalema Center for Human Rights, craint que Maikel Nabil Sanad ne soit entre-temps soumis à un traitement par éléctrochocs, qu’il qualifie de « torture légalisée ». Alors qu’il souffre de problèmes rénaux, nerveux, d’anémie, et d’autres complications dues à sa grève de la faim, un tel traitement pourrait lui être fatal.
« Le net-citoyen, souffrant de graves problèmes de santé et en grève de la faim depuis deux mois, ne recevra pas les soins nécessaires à son rétablissement dans un établissement psychiatrique », a regretté Reporters sans frontières. « Maikel Nabil Sanad doit être libéré d’urgence, et bénéficier de soins médicaux appropriés. S’il venait à décéder en détention, le Conseil suprême des forces armées serait tenu entièrement responsable de la mort du premier prisonnier de conscience post-révolution », a poursuivi l’organisation.
Convocation de deux cyber-activistes par la cour martiale
Reporters sans frontières s’inquiète de la convocation de deux cyber-activistes, le 24 octobre 2011, dans le cadre d’une enquête sur les manifestations coptes du 9 octobre au Caire. Les deux net-citoyens devaient être interrogés par la cour militaire le 25 octobre 2011, mais cette date a été repoussée car Alaa Abd El Fattah, blogueur et développeur, est actuellement à San Francisco où il participe à la Silicon Valley Human Rights Conference.
Alaa Abd El Fattah et Bahaa Saber avaient déjà été arrêtés et détenus en 2006 pour avoir exprimé leurs opinions contre Hosni Moubarak sur le Net. Bahaa Saber a été à nouveau arrêté et torturé en 2010.
Les charges retenues contre eux ne sont pas encore connues, mais ils auraient été avertis de manière informelle que leur convocation était liée à leur couverture des manifestations coptes du 9 octobre dernier. Sur son compte Twitter, Alaa Abd El Fattah a déclaré qu’il serait probablement accusé d’incitation à la violence et destruction de bien public.
Un vidéo-blogueur pro-Moubarak, surnommé Ahmed « Spider », a publié sur Youtube une vidéo intitulée « Alaa Abd El Fattah the atheist runs away to America after I submitted a case against him. » (« Alaa Abd El fattah l’athée s’enfuie en Amérique après le dépôt de ma plainte contre lui ») Les deux cyber-activistes ont activement aidé les victimes des émeutes et leur famille, en acheminant des blessés vers l’hôpital.
La contestation des mesures prises par le CSFA prend de l’ampleur au sein de la population égyptienne. L’activiste et écrivain Willima Weesa a dénoncé l’internement de Maikel Nabil Sanad : « Cette décision viole ses droits civiques. De nombreuses personnes internées par les forces de sécurité sont en fait en bonne santé en rentrant, mais dévastées en ressortant. » Yosri Foudra, animateur d’une émission d’affaires publiques sur la chaîne privée ONTV, ancien journaliste de la BBC et d’Al-Jazeera, a suspendu son programme, le 21 octobre 2011, afin de dénoncer la poursuite, après la révolution, de méthodes de censure dignes de l’ère Moubarak. Alaa El-Aswani, écrivain connu pur ses positions critiques à l’égard du régime militaire, a également partagé ses inquiétudes sur Twitter : « Est-il maintenant interdit pour quiconque de critiquer le conseil militaire? », s’est-il interrogé. Avant d’ajouter : « La révolution a besoin d’un nouvel épisode.
Par ailleurs, Reporters sans frontières salue la condamnation à sept ans de prison, le 26 octobre 2011, de Mahmoud Salah Mahmoud et d’Awad Ismaïl Souleimane, responsables de la mort de Khaled Saïd, le 6 juin 2010 à Alexandrie. Initialement accusés d' »arrestation injustifiée » et « d’actes de torture », les deux policiers ont finalement été reconnus coupables d’avoir frappé à mort cet internaute à sa sortie d’un cyber-café.