En souscrivant aux dix engagements listés dans l’Appel et en appelant leurs collègues à les mettre en œuvre, les procureurs signataires, marquent leur détermination à préserver l’indépendance et l’impartialité de leurs enquêtes, à protéger les journalistes et à collaborer avec leurs homologues étrangers.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 2 novembre 2022.
À l’occasion du 2 novembre, Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes, des procureurs de huit pays réunis par Reporters sans frontières (RSF) prennent dix engagements pour que les attaques contre les journalistes ne restent pas sans réponse pénale, et appellent leurs collègues à agir contre l’impunité.
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Un appel sans précédent. Neuf ans jour pour jour après l’assassinat des deux reporters de Radio France Internationale (RFI) Ghislaine Dupont et Claude Verlon au Mali le 2 novembre 2013, des procureurs de huit pays où des journalistes ont été victimes de crimes de sang lancent conjointement un appel inédit, “l’Appel du 2 novembre contre l’impunité des crimes visant les journalistes”, afin de provoquer une prise de conscience à l’échelle internationale et de mobiliser les justices internationales et nationales sur ces questions.
En souscrivant aux dix engagements listés dans l’Appel et en appelant leurs collègues à les mettre en œuvre, les procureurs signataires, parmi lesquels le procureur en charge de l’assassinat de Jan Kuciak en Slovaquie, l’ancienne procureure générale du Brésil, et l’actuel procureur général de Gambie, marquent leur détermination à préserver l’indépendance et l’impartialité de leurs enquêtes, à protéger les journalistes et à collaborer avec leurs homologues étrangers.
Chaque engagement détaille les actions à mener. En premier lieu, les signataires s’engagent à résister aux pressions de toutes sortes. Les procureurs s’engagent également à mener des enquêtes “impartiales, rapides, approfondies, indépendantes et efficaces”. Les signataires prennent encore l’engagement d’évaluer de façon systématique le lien entre le crime et l’activité journalistique de la victime, et de collaborer avec leurs homologues internationaux et de pays étrangers dans les enquêtes ayant une dimension transnationale.
“Quels que soient les pays ou les systèmes juridiques, les procureurs ont un rôle central à jouer pour que les auteurs de crimes contre des journalistes soient traduits en justice. Une action résolue des procureurs est une condition essentielle à l’établissement d’un environnement libre et sûr pour les journalistes. Avec cet appel sans précédent, un acte majeur est posé, nous saluons ses signataires pour leur engagement. » Christophe Deloire, Secrétaire général de RSF
RSF a pris l’initiative de cet appel international pour faire savoir aux procureurs confrontés à des situations difficiles qu’ils ne sont pas seuls, et aux victimes qu’elles peuvent obtenir justice. Selon les données recueillies par RSF, plus de 1 000 journalistes et collaborateurs des médias ont été assassinés dans le monde depuis 2010, 118 sont portés disparus depuis 2016, et près de 90 % des crimes commis contre les journalistes restent impunis selon l’UNESCO.
“Les entraves à l’action des procureurs sont fréquentes dans ces dossiers sensibles touchant à des sujets d’intérêt public majeur. Il est fréquent de découvrir comme au Mexique que le lien entre l’assassinat et l’activité journalistique de la victime n’a jamais été l’objet d’une enquête sérieuse. Les procureurs doivent être en mesure d’enquêter sans mettre en péril leur propre vie, celle de leur famille ou leur carrière. » Antoine Bernard, Directeur du plaidoyer et de l’assistance de RSF
Les premiers signataires de l’Appel du 2 novembre travaillent au Brésil, au Mexique, en Gambie, en République Démocratique du Congo, au Congo Brazzaville, au Royaume Uni, en Slovaquie et en Serbie. Cet appel reste ouvert à signature.
- Laura Borbolla, ancienne procureur du Parquet fédéral spécialisé dans les atteintes à la liberté d’expression (FEADLE) du Mexique, de 2012 à 2015 et actuellement procureure à Mexico.
- Raquel Dodge est l’ancienne procureure générale de la République au Brésil, en poste entre septembre 2017 et septembre 2019. Elle s’est illustrée par son travail contre la corruption, la criminalité organisée et pour les droits de l’homme. Le Brésil est classé 110e sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse sur 180 en 2022.
- Matus Harkabus est procureur de l’office du procureur spécial de Slovaquie, actuellement en poste au sein de l’unité chargée de la criminalité organisée, du terrorisme et des crimes extrémistes. Il est plus particulièrement en charge de l’enquête sur l’assassinat du journaliste Jan Kuciak en 2018.
- Pascal Kake est actuellement procureur près le tribunal de Mahagi, en Ituri, en République Démocratique du Congo, où huit journalistes ont été assassinés ces dix dernières années.
- Lord Ken Macdonald KC est l’ancien directeur des poursuites pénales (Director of Public Prosecution, DPP) d’Angleterre et du pays de Galles, le chef du Crown Prosecution Service, de 2003 à 2008. Il a été directeur du Wadham College d’Oxford de 2012 à 2021. Depuis 2010 il est pair à vie à la Chambre des lords, où il siège en tant qu’indépendant et était auparavant un libéral-démocrate.
- Predrag Milovanovic est l’assistant principal du procureur général au ministère public de Serbie. Il a requis et obtenu la condamnation en première instance du commanditaire de l’incendie criminel de la maison du journaliste Milan Jovanovic en 2018, lors du procès de 2021.
- Charden Bédié Ngoto est procureur de la République en République du Congo (Brazzaville), à Dolisie, la troisième ville du pays.
- Hussein Thomasi est depuis décembre 2020 le procureur général (Solicitor general) de Gambie. En 2017, alors Conseiller Spécial du Ministre de la Justice, il a pris une part importante dans l’instauration du processus de poursuites concernant l’assassinat en 2004 du correspondant de RSF et de l’AFP Deyda Hydara. La Gambie a enregistré des progrès considérables en matière de liberté de la presse depuis la chute du président Yahya Jammeh en 2016.