Paco Gómez Nadal soupçonne les autorités de s'acharner contre lui et contre les journalistes panaméens en général.
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontière s’inquiète de la situation du journaliste espagnol Paco Gómez Nadal, menacé depuis le 4 juillet 2010 d’être déchu de son droit de résident permanent et d’être expulsé pour sa liberté de ton dans ses chroniques et pour ses prises de position concernant les peuples indigènes.
Paco Gómez Nadal a accordé une interview à Reporters sans frontières pour expliquer les conditions dans lesquelles il a reçu cette notification ainsi que les raisons pour lesquelles il soupçonne les autorités panaméennes de s’acharner contre lui et contre les journalistes panaméens en général.
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De quelle manière avez-vous eu connaissance de votre interdiction d’entrée sur le territoire ?
Je devais me rendre en Colombie lorsque les agents du service de l’immigration m’ont notifié, lors du contrôle habituel, que si je sortais du Panama, pays dans lequel je réside légalement depuis six ans, je ne pourrai pas y rentrer à nouveau. Suite à cela, les services d’immigration m’ont retenu plus de quatre heures dans leurs locaux, m’ont confisqué mon passeport ainsi que le document attestant de mon permis de résident.
L’ambassade d’Espagne a d’ailleurs été obligée d’envoyer deux émissaires pour tenter de régler la situation. Bien que le responsable du bureau de l’immigration n’ait pas voulu les recevoir, avec la pression médiatique j’ai pu finalement sortir de l’aéroport et regagner mon domicile.
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Pensez-vous que cette décision des autorités ait un lien quelconque avec votre activité de journaliste ?
Compte tenu du grand nombre d’incohérences et des versions différentes apportées par le service de l’immigration, il me paraît indéniable que ce qui m’arrive actuellement soit lié à mon activité journalistique. J’écris une chronique d’opinion dans un journal panaméen et je suis un militant des droits de l’homme pour la cause indigène.
Comment pourriez-vous décrire le climat actuel concernant la liberté d’expression au Panama ?
Il me semble que la situation des journalistes au Panama évolue dans un contexte relativement tendu. Je pense que l’on peut même parler d’une vague de harcèlement envers les professionnels des médias de la part du gouvernement.
Je tiens à rappeler la situation kafkaïenne du journaliste Carlos Nuñez, âgé de 70 ans, jugé par défaut pour diffamation, arrêté et détenu depuis près de deux semaines pour une plainte ayant été portée il y a plus de douze ans et dont il ne connaissait même pas l’existence. Le cas du photographe Mauricio Valenzuela, travaillant pour le journal « Panamá América » arrêté pour la seconde fois, détenu plus de six heures par des agents de police qui l’ont humilié en l’obligeant à se dévêtir entièrement au cours de sa détention, sans lui donner aucune raison valable. Ou encore les menaces dont a été victime Jean Marcel Chéry, directeur du journal « El Siglo », au cours du mois de mai, menaces directes provenant du secrétariat de la communication de la présidence de la République.
Je crois donc en effet qu’il y a une volonté de la part du gouvernement d’intimider les journalistes et je crains que cela ne porte ses fruits.
Avez-vous déjà été vous-même menacé ?
J’ai été menacé en Colombie après avoir publié un livre sur la violation des droits de l’homme dans la région du fleuve Atrato et lorsque j’avais couvert le massacre de Bojayá dans cette région. Au Panama, je n’ai jamais reçu de menaces de la part du gouvernement jusqu’à ce que l’on m’annonce que j’allais être expulsé du pays.
Quels types de recours avez-vous alors entamés ?
J’ai sollicité la protection du Défenseur du peuple de Panama (Défensoria del Pueblo de Panama) qui veille à la protection des droits de l’homme des citoyens panaméens, j’ai présenté un habeas corpus préventif devant la Cour suprême et j’ai informé de ma situation la Commission interaméricaine des droits de l’homme ainsi que votre association, Reporters sans frontières.