Les membres du TMG invitent le Washington Media Group à saisir l'opportunité que constitue sa nouvelle relation avec la Tunisie pour signaler au gouvernement de ce pays que le meilleur moyen d'améliorer son image à l'étranger est simplement d'élever ses pratiques au niveau des standards internationaux en matière de droits de l'homme et de liberté d'expression.
(TMG/IFEX) – Les membres du TMG ont écrit au Washington Media Group pour l’inviter à saisir l’opportunité que constitue sa nouvelle relation avec la Tunisie pour signaler au gouvernement de ce pays que le meilleur moyen d’améliorer son image à l’étranger est simplement d’élever ses pratiques au niveau des standards internationaux en matière de droits de l’homme et de liberté d’expression:
Gregory Vistica, Fondateur et président
Washington Media Group
525 9th Street, NW
Suite 800
Washington DC 20004
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Le 31 mai 2010
Cher M. Vistica,
Selon un communiqué de presse publié par le Washington Media Group le 17 mai dernier, le gouvernement tunisien a engagé votre organisation pour le représenter aux États-Unis.
Nous, les vingt membres du Groupe d’observation de la Tunisie (TMG), vous écrivons aujourd’hui pour vous informer que, si la Tunisie a peut-être récemment émergé comme une « success story dans le monde des affaires », comme l’indique votre communiqué de presse, son bilan en matière de droits humains est extrêmement pauvre et contredit les affirmations du gouvernement tunisien que le pays est sur la voie du progrès, quelque soit par ailleurs le développement de la Tunisie dans d’autres secteurs.
Le TMG est une coalition de vingt membres de l’Échange international de la liberté d’expression (IFEX), le réseau mondial de la liberté d’expression.
En dépit d’un discours officiel sous le régime du Président Zine El Abidine Ben Ali selon lequel il n’y a pas de « lignes rouges » en Tunisie, des voix critiques ont été régulièrement agressées par un large éventail de tactiques, y compris le harcèlement, les agressions physiques et l’emprisonnement.
Ironiquement, le Président Ben Ali a salué la « volonté de la Tunisie de garantir les principes de la liberté et de la démocratie » dans un message du 3 mai 2010 envoyé au Président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) et au Président de l’Association tunisienne des éditeurs de journaux en l’honneur de la journée mondiale de la liberté de la presse, selon l’agence de presse officielle Tunis Afrique Presse (TAP). Le Président Ben Ali y prétend que le secteur de l’information en Tunisie a été autorisé à « assumer pleinement son rôle dans le cadre de la liberté d’opinion et d’expression et du sens de responsabilité, sans aucune forme d’instructions ou de supervision. »
Malheureusement, nous avons constaté une réalité bien différente. Au cours des six dernières années, les organisations membres du TMG ont relevé de nombreuses violations à l’encontre des journalistes et des défenseurs des droits de l’Homme qui ont dénoncé la corruption, abordé la question du mécontentement de l’opinion publique par rapport aux politiques publiques ou qui ont simplement critiqué le Président Ben Ali et son régime.
Fahem Boukadous, journaliste pour la chaîne de télévision satellitaire Al-Hiwar Al-Tunisi, a été accusé de « formation d’association criminelle susceptible d’attentat contre les personnes » à la suite de ses reportages sur les manifestations contre le chômage et la corruption dans la ville minière de Gafsa en 2008. Il a été condamné à quatre ans de prison, mais est en liberté en attendant une autre audience à Gafsa le 22 juin. Ses avocats craignent que sa peine soit susceptible d’être confirmée après que la peine de prison d’un activiste ait été également confirmée par le même tribunal à Gafsa.
Selon un article du 19 mai de la TAP, le gouvernement tunisien débattrait d’un projet de loi qui pénaliserait tout Tunisien qui « contacte délibérément des partis étrangers œuvrant pour porter atteinte aux intérêts vitaux de la Tunisie », avec une possible peine de prison maximale de 5 ans en temps de paix et de 12 ans en temps de guerre. Il est envisageable que cette loi soit utilisée pour cibler les Tunisiens qui rencontrent des ONG internationales ayant appelé l’Union européenne à réexaminer les accords commerciaux préférentiels la liant à la Tunisie en raison des piètres résultats du pays en matière de droits de l’homme.
Le contrôle et la surveillance des journalistes indépendants et des militants des droits humains est largement répandu et généralisé en Tunisie. Les journalistes sont fréquemment suivis par des policiers en civil. Leurs téléphones sont sur écoute et leur correspondance est interceptée. La liberté de mouvement des journalistes qui critiquent le Président ou ses politiques est entravée. Ils sont souvent exclus des manifestations officielles. Parfois, ils sont enlevés et battus ou emprisonnés par le truchement d’accusations criminelles selon toute apparence montées de toute pièce.
La Tunisie est peut-être, comme le relève votre communiqué de presse, un important allié des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme international, mais la Tunisie a également utilisé la sécurité nationale pour justifier la répression de toute critique ou opinion politique divergente. L’Intelligence Unit du journal The Economist a classé la Tunisie au 141è rang (sur 167 pays) dans son Index 2008 de la démocratie.
Nous invitons le Washington Media Group à saisir l’opportunité que constitue sa nouvelle relation avec la Tunisie pour signaler au gouvernement de ce pays que le meilleur moyen d’améliorer son image à l’étranger est simplement d’élever ses pratiques au niveau des standards internationaux en matière de droits de l’homme et de liberté d’expression garantis par la Constitution et notamment par l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Polir la façade démocratique du pays sans admettre les changements nécessaires qui doivent être faits revient à porter atteinte à ceux qui luttent, parfois au péril de leur vie, pour s’assurer que les droits de l’Homme universels soient respectés en Tunisie.
Après son lancement public le 7 juin 2010, nous vous ferons parvenir une copie du dernier rapport de mission du TMG en Tunisie.
Cordialement,