Le TMG de l'IFEX, une coalition de 20 membres de l'IFEX, condamne l'adoption d'une nouvelle loi pondue à la hâte afin d'étouffer la liberté d'expression tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays.
(IFEX-TMG) – 18 juin 2010 – Le Groupe d’observation de la Tunisie de l’Échange international de la liberté d’expression (IFEX-TMG), une coalition de 20 membres de l’IFEX, condamne l’adoption mardi, par la Chambre des Députés de Tunisie, d’une nouvelle loi pondue à la hâte afin d’étouffer la liberté d’expression tant à l’extérieur du pays qu’à l’intérieur de la Tunisie, et de menacer les critiques du gouvernement de lourdes peines de prison.
La nouvelle loi modifie l’Article 61a du code pénal, qui impose à l’heure actuelle des peines allant de cinq à douze ans de prison à quiconque entre en contact avec des « agents d’une puissance étrangère dans le but de miner la situation militaire ou diplomatique de la Tunisie. » L’amendement dispose que tout citoyen tunisien qui établit des « contacts avec des agents d’une puissance étrangère ou avec une organisation étrangère » afin de nuire aux « intérêts vitaux de la Tunisie » et à sa « sécurité économique » sera puni, selon ce qu’a rapporté mardi l’agence officielle de nouvelles TAP.
Toutefois, les membres du TMG de l’IFEX s’inquiètent du fait que cette loi, telle que rédigée, risque d’étouffer les éventuelles et légitimes protestations politiques et sociales. Toute restriction à la liberté d’expression ne devrait pas être rédigée en termes très vagues et doit être proportionnelle au but légitime poursuivi, à savoir protéger la sécurité nationale.
Les groupes locaux et internationaux de défense des droits de la personne ont fait part de leur grave préoccupation en mai, lorsque le Conseil des ministres dirigé par le Président Zine El Abidine Ben Ali a annoncé l’avant-projet de loi. Cet avant-projet semblait avoir été créé en réaction aux appels lancés à l’Union européenne (UE) par les défenseurs tunisiens des droits de la personne pour qu’on lie la promotion de la Tunisie au « statut avancé » auprès de l’UE à l’amélioration de son bilan désastreux au chapitre des droits de la personne.
L’Article 2 de l’article d’association de 1995 entre la Tunisie et l’UE stipule que le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux guide les politiques intérieures et internationales des deux parties.
« Le parlement tunisien adopterait n’importe quel projet de loi que lui présenterait le gouvernement, quels que soient les problèmes que cela pourrait créer pour le pays et sa population. Le pouvoir législatif est un outil qui sert les intérêts du Président et réduit au silence ses critiques, » dit Mokhtar Yahyaoui, ancien juge, constamment harcelé depuis qu’il a fait parvenir en 2001 une lettre au Président Ben Ali pour le prier de protéger l’indépendance de la magistrature.
L’adoption de la nouvelle législation est survenue au milieu d’une vaste campagne de dénigrement dans les médias, orchestrée par le gouvernement, à l’encontre des défenseurs des droits de la personne qui ont récemment rencontré des responsables de l’Union européenne. Les défenseurs tunisiens des droits de la personne ont simplement demandé à leurs interlocuteurs européens de rappeler à leurs partenaires tunisiens la nécessité urgente de respecter leurs obligations en matière de droits de la personne, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’Accord d’association avec l’Union européenne.
« Après l’adoption de cette loi honteuse, nous sommes de plus en plus préoccupés par l’intensification de la guerre contre la liberté d’expression et la sécurité des défenseurs tunisiens des droits de la personne et des journalistes critiques, » déclare le président du TMG, Rohan Jayasekera, de Index on Censorship. « Le temps est venu, pour les amis et les partenaires du gouvernement tunisien au sein de l’Union européenne et au-delà, d’intercéder pour faire cesser l’utilisation des pouvoirs législatif et judiciaire dans le but d’étouffer la liberté d’expression et de punir les défenseurs de la démocratie. »
Les membres du TMG de l’IFEX ont lancé le 6 juin 2010 à Beyrouth (Liban) un rapport sur les conclusions de la mission d’enquête qui s’est rendue en Tunisie du 25 avril au 6 mai 2010. Ce rapport s’intitule: « Derrière la façade : Comment un système judiciaire politisé et les sanctions administratives minent les droits de la personne en Tunisie. »