À l'époque où elle était secrétaire générale de l'AMT, sous le régime Ben Ali, la juge indépendante Kennou a subi des persécutions parce qu'elle s'est prononcée en faveur d'une magistrature indépendante. Elle vient d'être élue présidente de l'AMT.
(TMG de l’IFEX) – Le TMG de l’IFEX documente diverses formes de persécution politique des juges indépendants depuis sa seconde mission d’enquête en Tunisie en septembre 2005. Une mission d’enquête au printemps 2010 s’est concentrée sur cette question et s’appelait « Derrière la façade : Comment une magistrature politisée et les sanctions administratives minent les droits de la personne en Tunisie ». Vous trouverez ci-dessous une lettre ouverte de félicitations à la juge Kalthoum Kennou, à l’occasion de son élection à la présidence de l’AMT:
le 9 novembre 2011
À l’Honorable Juge Kalthoum Kennou,
Nous, membres du Groupe d’observation de la Tunisie organisé par l’Échange international de la liberté d’expression (TMG de l’IFEX), une coalition mondiale de 21 membres de l’IFEX, vous écrivons pour vous féliciter pour votre élection comme présidente de l’Association des magistrats tunisiens (AMT). Pendant de nombreuses années, vous et vos courageux collègues à l’AMT vous êtes battus contre une magistrature politisée, qui a longtemps servi à faire taire la dissidence et à étouffer l’opposition pendant les années sombres du régime Ben Ali.
Il est plaisant de voir l’AMT tenir des élections libres et équitables pour combler les postes de direction de l’association, après que l’organisation eut été prise d’assaut de manière illégitime en 2005 par des juges favorables au gouvernement.
Nous vous félicitons pour votre lutte tenace contre une magistrature politisée, en dépit des pressions professionnelles et personnelles que vos collègues et vous-même avez subies. Il s’agit indéniablement d’une inspiration pour beaucoup et nous sommes fiers de vous avoir appuyée dans cette bataille contre ceux qui voudraient vous réduire au silence.
Nous aimerions en outre saluer le travail que vous avez entrepris depuis la révolution, aux côtés de vos collègues Raoudha Karafi et Noura Hamdi, qui ont aussi été élues au bureau lors de l’Assemblée générale de l’AMT le 30 octobre. Le TMG de l’IFEX n’a pas cessé de documenter les violations commises contre les juges indépendants, notamment les déplacements loin de vos familles, le déni des promotions et les coupes salariales en représailles parce que vous insistiez pour rendre la justice sans ingérence. Parmi les autres juges qui ont été persécutés, on compte Wassila Kaabi, Leila Bahria, Hamadi Rahmani, Mohktar Yahyaoui, Leila Abid et Ahmed Rahmouni, l’ancien président du bureau de l’AMT élu démocratiquement.
Nous accueillons l’occasion qui se présente pour l’AMT de travailler à restaurer la véritable indépendance de la magistrature tunisienne, enchâssée dans la Constitution tunisienne de 1959 et dans la Charte universelle du Juge, proclamée de 1999. Vous avez un rôle crucial dans le soutien à apporter à la nouvelle Constitution que doit rédiger l’Assemblée élue en octobre.
Quel que soit le genre d’environnement réglementaire créé pour le journalisme et les nouveaux médias électroniques en Tunisie, les médias ne peuvent rester relativement libres que dans un encadrement protégé par un système judiciaire fort et complètement indépendant. Il faut une magistrature forte et indépendante afin de préserver les articles de la Constitution qui seront écrits pour protéger la liberté de parole.
Votre détermination dans la défense de cette cause et vos efforts pour préserver une magistrature forte et indépendante, pierre angulaire de la bonne gouvernance et garantie du respect des droits de la personne, en particulier de la libre expression, contribueront à faire s’orienter la Tunisie vers une démocratie où les libertés sont consacrées et où règne la primauté du droit.
Nous espérons que votre succès à la tête de l’AMT annonce le début d’une nouvelle phase en Tunisie, où la magistrature consolide sa position forte et indépendante et où triomphe la démocratie.
Salutations chaleureuses,