Les événements remarquables en Tunisie incitent à redoubler d'efforts pour restaurer le droit à la libre expression, souligne le TMG de l'IFEX, malgré la libération de Boukadous.
(TMG de l’IFEX) – le 19 janvier 2011 – Les événements remarquables en Tunisie et l’annonce de la tenue d’une élection présidentielle cette année incitent à redoubler d’efforts pour restaurer le droit à la libre expression des Tunisiens, dit le Groupe d’observation de la Tunisie organisé par l’Échange international de la liberté d’expression (TMG de l’IFEX). Tout en accueillant avec plaisir la nouvelle de la libération aujourdhui du journaliste Fahem Boukadous, le TMG de l’IFEX demande une refonte générale d’un système juridique qui pour commencer a permis l’incarcération d’un journaliste qui n’avait que fait son travail.
« Ma joie est indescriptible. En dépit de la répression et de la vie en prison et dans la clandestinité au cours des dernières années, je n’ai jamais cessé de croire que le peuple tunisien finirait par tourner une nouvelle page de la démocratie, » a déclaré Boukadous au TMG de l’IFEX. Il a été jeté en prison en juillet après avoir été condamné à quatre ans pour avoir couvert les troubles sociaux survenus en 2008 dans la région de Gafsa, ce qui constitue une violation flagrante des normes juridiques internationales. Il a été libéré aujourd’hui en vertu de l’amnistie générale accordée aux prisonniers politiques.
Le TMG de l’IFEX, coalition de 20 groupes membres de l’IFEX venant du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Europe et d’Amérique du Nord, croit que sa campagne de longue haleine en faveur du droit à la libre expression prendra une signification encore plus grande à mesure qu’approchera le jour du scrutin, et vraisemblablement au-delà de ce jour.
En plus de suivre de près la situation en Tunisie depuis 2004, le TMG de l’IFEX appuie à l’heure actuelle les campagnes en vue de contester le contrôle politique du système judiciaire, pour assurer le droit des groupes de la société civile à se rassembler paisiblement et promouvoir les libertés des médias et le droit à l’information.
« Ces droits doivent être obtenus afin d’assurer la plus large participation possible et un électorat pleinement informé, » dit le président du TMG de l’IFEX, Rohan Jayasekera, du groupe Index on Censorship à Londres. « En particulier, un appui doit être accordé aux avocats et aux juges indépendants qui contestent la politisation de l’appareil judiciaire tunisien – l’arme principale du régime de Ben Ali contre les journalistes indépendants – surtout si les tribunaux doivent avoir un mot à dire dans les litiges futurs entourant le processus électoral. »
Les règles doivent être changées immédiatement afin de retirer le pouvoir du président de choisir 60 pour cent des membres du Conseil supérieur des magistrats, l’organisme responsable de la nomination, de la discipline et de l’affectation des juges, tandis que de nouvelles élections au Conseil doivent être tenues sous peu. Le système judiciaire jouera un rôle central lorsque viendra le moment de régler équitablement tous les litiges pouvant survenir dans le processus électoral, ce qui fait de la tenue de nouvelles élections au Conseil une priorité.
L’Article 8 de la Constitution tunisienne dispose que: « Les libertés d’opinion, d’expression, de la presse, de publier, d’assemblée et d’association sont garanties et exercées dans les conditions prescrites par la loi. »
Le TMG de l’IFEX appuie trois demandes formulées par les juges et les avocats tunisiens : modifier le système d’élection des membres du Conseil supérieur des magistrats du pays, de sorte que la majorité des membres est élue par des juges, et non pas choisie par le Président; confier au Conseil la seule responsabilité en ce qui concerne la gestion du système judiciaire; enfin, réformer la loi afin d’interdire la réaffectation forcée des juges qui omettent de suivre la ligne présidentielle.
La coalition demande en outre au nouveau gouvernement d’unité nationale de mettre fin à la politique du régime d’obstruction aux syndicats indépendants, aux groupes de défense des droits de la personne et de la société civile et aux recours aux ordonnances des tribunaux et aux contestations judiciaires pour les empêcher de se réunir. Le droit à la liberté d’association non violente constitue un préalable essentiel à une élection pleinement participative.
Le gouvernement provisoire doit aussi adopter des mesures immédiates pour garantir les droits des médias de couvrir pleinement la campagne électorale, librement et de manière professionnelle.
Le régime Ben Ali a déployé toute une gamme de méthodes contre la presse indépendante, notamment la saisie des journaux, les contrôles financiers, le refus d’enregistrer les médias indépendants, les agressions physiques et l’incarcération.
Les autorités tunisiennes doivent s’engager rapidement à mettre fin à ces pratiques : elles doivent ouvrir immédiatement à tous le processus d’enregistrement des médias électroniques; lever toutes les exigences en matière d’enregistrement des nouveaux médias de la presse écrite; et faire enquête sur les attaques contre les journalistes, les avocats et les défenseurs des droits civils, et en poursuivre les auteurs.
Seules ces mesures précises pourront transmettre le message qui convient à ceux qui cherchent à faire obstacle à la libre expression et à une élection libre et équitable en Tunisie.
« Le TMG de l’IFEX reconnaît que, tout comme le travail des défenseurs de la libre expression n’a pas pris fin avec la fin du pouvoir du Président Zine el-Abidine Ben Ali, ce travail ne prendra pas fin non plus avec l’élection d’un candidat pour le remplacer, » a ajouté Rohan Jayasekera. « Un grand nombre des pratiques restrictives à l’oeuvre en Tunisie sont encadrées par des lois en vigueur ou par des règles administratives. Les défenseurs tunisiens des droits vont devoir se battre vigoureusement pour faire changer les lois et obtenir la libéralisation au cours de la prochaine année. »
Pour plus de renseignements sur l’évolution de la situation, consulter les mises à jour régulières affichées à : http://www.facebook.com/IFEXTMG et sur Twitter @TunisiaMonitor