Le TMG de l'IFEX s’inquiète des attaques survenues récemment contre la liberté d’expression, en particulier de l’expression artistique, au nom de la religion.
MISE À JOUR: La sentence de sept ans d’emprisonnement prononcée contre Jabeur Ben Abdallah Majri a été confirmé en appel le 25 juin 2012.
(TMG de l’IFEX) – Le 25 juin 2012 – Le Groupe d’observation de la Tunisie organisé par l’Échange international de la liberté d’expression (TMG de l’IFEX), une coalition de 21 groupes membres de l’IFEX, s’inquiète des attaques survenues récemment en Tunisie contre la liberté d’expression, en particulier de l’expression artistique, au nom de la religion.
Le 10 juin 2012, trois islamistes ultra-conservateurs (deux hommes et une femme, à ce qu’il paraît), accompagnés d’un huissier et d’un avocat, ont visité le Palais El-Abdellia, une galerie d’art de Tunis qui participe au Printemps des Arts, une foire d’art moderne. Le groupe a exigé que les organisateurs retirent deux œuvres qui, a-t-il prétendu, portaient offense à l’islam.
Voyant leur demande refusée, les islamistes se sont présentés à la galerie et ont pénétré par effraction dans la salle d’exposition en passant par le mur arrière de la salle. Ils ont brûlé une peinture de Faten Gaddass et ont déchiré en morceaux deux œuvres en tissu, l’une de Mohamed Ben Slama, l’autre d’un artiste français.
Le 12 juin, le Ministère tunisien de la Culture a décidé de fermer temporairement la galerie, après de violentes réactions dans plusieurs villes du pays, notamment à Tunis, la capitale. Le parti au pouvoir, Ennahda, a prétendu que certaines des œuvres étaient provocantes et qu’elles violaient les « principes de l’islam et les croyances sacrées du peuple tunisien ».
De plus, le Ministre tunisien de la Culture, Mehdi Mabrouk, a déclaré que certaines œuvres exposées au Printemps des Arts violaient en fait certains symboles sacrés de l’islam, ce que nient les artistes. Il a également déclaré que certaines de ces œuvres font maintenant l’objet d’une enquête. Après avoir reconnu le rôle provocateur de l’art, le matin du 14 juin, Mabrouk a déclaré à Radio Shems FM que six œuvres jugées « provocantes » avaient été confisquées.
Lors d’une conférence de presse le 12 juin, le ministre a annoncé que le gouvernement allait vraisemblablement déposer un projet de loi devant l’Assemblée nationale constituante afin de pouvoir porter des accusations criminelles contre toute personne qui offense « le sacré ». Les lois sur le sacrilège constituent clairement une violation de la liberté d’expression et représenteraient un recul grave pour les droits de la personne en Tunisie, disent les membres du TMG de l’IFEX.
Précédemment, le 25 mai, des groupes salafistes ont agressé le dramaturge Rajab Al-Maqary dans la ville d’El Kef. Il a été blessé gravement à la tête et à la poitrine en conséquence d’un passage à tabac. Il reçoit toujours des soins dans un hôpital de Tunis.
Le TMG de l’IFEX condamne avec force le recours croissant à la violence contre les artistes et les écrivains par les groupes ultra-conservateurs. Le TMG de l’IFEX est s’inquiète tout particulièrement de la fermeture, par le ministère de la Culture, de l’exposition présentée à la galerie du Printemps des Arts. Le ministère a opté pour la fermeture plutôt que de garantir un environnement dans lequel les artistes peuvent travailler librement, sans menaces ni censure.
Les membres du TMG de l’IFEX s’inquiètent en outre de la détention, qui se poursuit, du blogueur tunisien Jabeur Ben Abdallah Majri, condamné à sept ans et demi d’emprisonnement pour avoir publié des écrits qui seraient de nature à offenser l’islam. L’appel de Mejri a été entendu le 24 mai et a été reporté. D’après son avocat, la date de reprise de l’audience n’a pas encore été fixée. Le TMG de l’IFEX demande sa remise en liberté immédiate.
« Il est troublant de constater que les personnes à qui on a accordé sa confiance pour promouvoir et défendre la liberté d’expression en Tunisie se plient aux diktats de groupes radicaux qui recourent à la violence et à la destruction pour imposer leurs points de vue. Le TMG de l’IFEX invite le gouvernement à adopter des mesures robustes afin de protéger le droit à la libre expression, pour que les citoyens puissent jouir de ce droit fondamental sans crainte de vengeance », a déclaré la présidente du TMG de l’IFEX, Virginie Jouan.