Les autorités algériennes ont restreint illégalement le droit de se déplacer librement lorsqu’elles ont empêché 96 militants algériens de la société civile de se rendre en Tunisie, sans fournir de motif.
Les autorités algériennes ont restreint illégalement le droit de se déplacer librement lorsqu’elles ont empêché 96 militants algériens de la société civile de se rendre en Tunisie, sans fournir de motif, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La police des frontières a bloqué les militants le 25 mars alors qu’ils étaient sur le point d’entrer en Tunisie, où ils avaient l’intention d’assister au Forum social mondial. Le forum, un rassemblement planétaire où environ 50 000 militants sont attendus pour discuter de thèmes tels que les droits humains et l’environnement, a lieu du 26 au 30 mars 2013.
Parmi les militants algériens bloqués, se trouvaient des membres de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme, du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP), de SOS-disparus et d’autres organisations non gouvernementales. A leur arrivée au poste-frontière de Layoun à 3 heures du matin, les agents ne les ont pas laissés passer, et après une attente de trois heures, la police leur a déclaré qu’ils n’étaient pas autorisés à franchir la frontière.
« Les autorités algériennes perturbent les activités légitimes de militants de défense des droits humains et de la société civile, comme elles l’ont fait très souvent par le passé », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Il est grand temps qu’elles mettent fin à leur campagne de harcèlement et d’intimidation contre ceux qui plaident pour des réformes, et qu’elles respectent leurs obligations au vu du droit international. »
Mourad Tchiko, membre du bureau national du SNAPAP et un des meneurs désignés de la délégation algérienne en route pour le forum mondial, a rapporté à Human Rights Watch que les policiers ne lui avaient pas expliqué pourquoi les autorités avaient décidé de ne pas laisser les militants partir en Tunisie. Tout ce qu’ils ont dit, d’après Tchiko, c’est qu’ « ils avaient des instructions ».
Ce dernier incident fait suite à l’arrestation et à l’expulsion sommaire de dix membres étrangers d’associations de chômeurs du Maghreb, le 20 février. Ils s’étaient rendus à Alger pour participer au premier Forum maghrébin pour la lutte contre le chômage et le travail précaire, les 20 et 21 février à la Maison des syndicats d’Alger. Mais les policiers les avaient détenus au poste de police pendant plusieurs heures – cinq Tunisiens, trois Mauritaniens et deux Marocains –, avant de les emmener à l’aéroport et de les expulser. La police a également détenu deux Algériens: Abdelkader Kherba, membre du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC), et Tchiko lui-même. Ils avaient été gardés au poste toute la journée avant d’être relâchés sans poursuites dans la soirée.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, tous deux ratifiés par l’Algérie, énoncent que toute personne a le droit de quitter n’importe quel pays, y compris le sien. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, qui interprète le Pacte de façon définitive, a établi que c’était normalement une violation des droits humains que de restreindre la liberté des personnes souhaitant voyager hors de leur pays pour assister à une réunion sur les droits humains.
« Il est choquant que les autorités algériennes aient empêché ces militants de voyager en Tunisie pour assister au Forum social mondial », a conclu Eric Goldstein. « Elles devraient repenser leur décision et laisser les militants algériens partir en Tunisie sans faux-fuyant ni délai. »