Plus de 60 organisations défendant la liberté d’expression demandent la libération immédiate du directeur de publication marocain Ali Anouzla.
Le texte qui suit est une lettre signée par plus de 60 organisations, initiée par le Comité pour la protection des journalistes et International Media Support, appelant les autorités marocaines à libérer le directeur de publication Ali Anouzla :
Appel ouvert aux autorités marocaines
Plus de 60 organisations défendant la liberté d’expression demandent la libération immédiate du directeur de publication marocain Ali Anouzla
20 septembre 2013 – Nous, les signataires, organisations pour la liberté de la presse et la défense de la liberté d’expression, appelons les autorités marocaines à libérer immédiatement Ali Anouzla, le directeur du portail d’information arabophone Lakome, qui a été arrêté le 17 septembre 2013, suite à la publication d’un article sur son site Internet.
Selon les informations dont nous disposons, la police a arrêté Ali Anouzla à son domicile et a saisi des ordinateurs et des disques durs se trouvant à la résidence du journaliste et dans les bureaux de Lakome. Nous savons que le journaliste est actuellement détenu à Casablanca, en attendant son inculpation.
Anouzla a été arrêté à la suite de la publication d’un article daté du 13 septembre sur la version arabe de Lakome, qui offrait un lien vers une vidéo publiée sur le site Web du quotidien national espagnol El País. La vidéo, diffusée sur YouTube, aurait critiqué de façon acerbe le Roi Mohammed VI du Maroc, l’accusant de despotisme et de corruption, et incitait la jeunesse marocaine à prendre part au jihad. YouTube a depuis retiré la vidéo.
Bien que l’article de Lakome se montrait critique à l’égard de la vidéo, le procureur général du Maroc a déclaré, le 17 septembre dernier, que la vidéo « comprenait un appel clair et une incitation directe à commettre des actes terroristes dans le Royaume du Maroc » et que publier les menaces d’Al-Qaïda était un acte criminel. Il a ajouté que des victimes d’attaques terroristes au Maroc avaient demandé aux autorités d’ouvrir une enquête judiciaire sur plusieurs journaux qui avaient republié la vidéo. Toutefois, Lakome n’a pas publié la vidéo, mais seulement un lien vers un site Web contenant la vidéo.
Le Ministère marocain de la Justice aurait également indiqué qu’il intenterait une action en justice contre El País.
L’édition française de Lakome a également publié un article, le même jour que l’édition arabe, qui comprenait un lien direct vers la vidéo sur YouTube, mais son rédacteur en chef ne ferait face à aucune charge officielle ou harcèlement en lien avec l’article.
Nous craignons qu’Ali Anouzla n’ait été visé que pour avoir publié un lien vers un contenu média, qui était déjà largement disponible sur le NET, et que les autorités marocaines puissent décider de le poursuivre en vertu de la loi anti-terroriste draconienne du pays, déjà critiquée pour ne pas garantir le droit à un procès équitable.
Nous rappelons également aux autorités marocaines, qu’en vertu des normes juridiques internationales, la restriction du droit à la liberté d’expression pour des raisons de sécurité nationale, de même que sous la législation anti-terroriste, doit répondre à certaines conditions connues sous le nom des « trois exigences » développées par le Comité des droits de l’homme. La sécurité nationale ne peut être utilisée comme un prétexte pour imposer des restrictions vagues ou arbitraires, comme dans le cas présent, et ne peut être invoquée que lorsqu’il existe des garanties adéquates et des recours efficaces contre les abus. De plus, selon les Principes de Johannesburg, élaborés en 1995 par un groupe d’experts internationaux, l’expression peut être considérée comme une menace à la sécurité nationale seulement si un gouvernement est en mesure de démontrer que l’expression est destinée à inciter à un acte de violence imminent; est susceptible de provoquer une telle violence; et qu’il existe un lien direct et immédiat entre l’expression et la probabilité ou la survenance d’une telle violence.
Lakome est bien connu pour couvrir la corruption et les abus au sein du gouvernement marocain depuis sa création en 2010. Anouzla a fait l’objet d’enquêtes des autorités marocaines à plusieurs reprises en lien avec les publications du site Web, dont récemment en juin, après avoir accusé les services de renseignement marocains d’avoir instigué une campagne de dénigrement contre lui.
Nous demandons aux autorités marocaines de libérer immédiatement Ali Anouzla et de permettre aux médias du pays de participer pleinement aux débats publics sur les questions suscitant de vives inquiétudes chez les citoyens du Maroc.
Cordialement,