À l'approche des élections législatives du 6 mars 2010, les attaques contre les journalistes indépendants et d'opposition se multiplient.
(RSF/IFEX) – A l’approche des élections législatives du 6 mars 2010, les attaques contre les journalistes indépendants et d’opposition se multiplient.
Au regard des différentes violations de la liberté de la presse qui ont récemment eu lieu dans la région, Aso Jabar, intellectuel et écrivain kurde, a déclaré à Reporters sans frontières qu' »avec ces actes de répression, les autorités kurdes montrent leur visage le plus sombre. Les véritables démocraties n’oppressent pas leur peuple pour avoir usé de leur droit à la liberté de parole ».
Voici les derniers événements survenus depuis fin janvier 2010 :
Le 14 février plusieurs incidents ont été observés.
• Bryar Namiq, journaliste de la chaîne KNN (Kurdish News Network, chaîne satellitaire de l’opposition) et un photographe de la chaîne ont été agressés à Suleimanieh par des agents des forces de sécurité, alors qu’ils couvraient une manifestation de retraités demandant une augmentation de leurs allocations. « On avait demandé l’autorisation au directeur du bureau chargé de la question des retraites pour couvrir cette manifestation. Lorsqu’on a commencé à filmer, les forces de l’ordre nous ont sauté dessus, nous menaçant de nous rouer de coups si nous continuions. Le policier a saisi la caméra et nous a arrêtés », a déclaré Bryar Namiq à Reporters sans frontières, à sa sortie de sa garde à vue d’une heure.
• Un photographe de KNN a été empêché d’effectuer un reportage dans la ville de Raniya (120 km au sud-ouest de Suleimanieh).
• Dans la ville de Kirkouk, le comité du Parti démocratique du Kurdistan a empêché une équipe de la chaîne de télévision locale Gorran (Change) de travailler.
• Ibrahim Ali, rédacteur du magazine indépendant « Livin », a été empêché par des gardes du corps de Massoud Barzani (leader du KDP) d’accéder au bâtiment de la Liste de la coalition Union patriotique du Kurdistan/Parti démocratique du Kurdistan à Erbil pour y prendre des clichés. Le garde du corps a justifié cette interdiction en disant que le magazine était trop critique à l’égard de la coalition.
Le 12 février à Hallabja (75 km à l’est de Suleimanieh), la police a menacé les membres de l’équipe de la chaîne satellitaire Speda (chaîne de l’Union islamique Yekgirtu), de brûler leurs maisons, si la chaîne venait à publier les images de membres des forces de l’ordre brandissant des pancartes et des drapeaux aux couleurs de la Liste de la coalition. Malgré les menaces, la chaîne a diffusé les photos sur son site Internet, et a porté plainte contre la police de la ville.
Le Premier ministre du Kurdistan irakien, Dr Barham Ahmad Salih, a porté plainte, la semaine dernière, contre le journaliste kurde Rebwar Karim Wali, ancien directeur de publication du quotidien « Hawler », pour avoir écrit un article dans l’hebdomadaire indépendant « Awene » (« Miroir »), le mois dernier. Dr Salih a également porté plainte contre le rédacteur en chef du journal « Awene », Shwan Mohammed, pour avoir publié cet article qui dénonçait le fait que le Premier ministre passait plus de temps dans des déjeuners dans des restaurants très chics de la ville que dans ses bureaux à se préoccuper des difficultés de ses concitoyens.
Rebwar Karim Wali estime, quant à lui, que cette procédure est illégale. « Mon article ne constitue en rien une offense à l’égard du Premier ministre. Il ne met pas davantage en cause la sécurité nationale. J’ai juste dit qu’il devait transformer en faits concrets ses promesses électorales de juillet dernier », a déclaré le journaliste à Reporters sans frontières, avant de confirmer avoir été invité – par téléphone – à se présenter à la police. « Mais je leur ai dit que je n’irai pas tant que je n’aurai pas reçu de notification écrite. »
Le journaliste, connu pour ses positions en faveur de Barzani, souligne avoir été à plusieurs fois malmené dans la presse soutenant le PUK du Dr Salih.
Le rédacteur en chef du journal « Awene », Shwan Mohammed, a dû se présenter au tribunal le 15 février 2010. Il en est ressorti libre, après avoir versé une caution de 500 000 dinars (314 euros), alors que M. Mohammed déclare avoir publié la réponse du Premier ministre dans son journal.
Nabaz Goran, directeur de publication du mensuel indépendant en langue kurde « Jehan » (« Monde »), a été à nouveau agressé physiquement, le 9 février 2010, à Suleimanieh. « J’étais dans le quartier de Sabunkaran quand deux jeunes m’ont attaqué. Mais heureusement j’ai pu me défendre et en blesser un au visage », a-t-il déclaré à Reporters sans frontières. « Des commerçants leur ont couru après, mais n’ont pas pu les rattraper. J’ai appelé la police. S’ils veulent les arrêter, ils le peuvent aisément, dans la mesure où l’un des deux est blessé au visage. »
Interrogé sur les raisons de cette agression, le journaliste a répondu qu' »il n’ y a pas besoin de raison dans ce pays pour être attaqué ». Le journaliste de 32 ans avait déjà été brutalement agressé le 29 octobre 2009 à Erbil.
Le 27 janvier, une plainte a été déposée par des personnalités religieuses, contre deux journalistes dans la province de Dahuk, pour offense à la religion musulmane, suite à la publication d’un poème dans l’hebdomadaire kurde du PUK, « Chavder ». Abdelrahman Tayeb Bamarni, directeur de publication du journal, et son collègue et écrivain Hoshang Cheikh Mohammed ont été arrêtés et gardés à vue pendant une journée alors même que le code de la presse au Kurdistan irakien ne prévoit pas la détention de journalistes. Ils ont été libérés contre le versement d’une caution. Le bureau des organisations démocratiques de l’UPK a décidé de suspendre le journal pendant deux semaines.