Plusieurs autres journalistes ont aussi été harcelés par les autorités.
(OLPEC/IFEX) – L’OLPEC est vivement préoccupé par la détérioration de l’état de santé du journaliste et écrivain Taoufik Ben Brik. Il a été alerté par sa famille qui vient de lui rendre visite le 6 janvier 2010 d’une dégradation inquiétante de son état suite aux négligences des responsables de la prison et de la mauvaise hygiène à laquelle il a été soumis dans le pénitencier de Siliana où il a été transféré illégalement par mesure de représailles.
Ses médecins avaient publié dernièrement un communiqué où ils attirent l’attention sur la fragilité de sa santé, précisant que « son état de santé et la prise de son traitement hormonal sont à l’origine d’une fragilité importante de son système immunitaire. Son état nécessite un suivi et une surveillance régulière par un médecin spécialiste compétent pour cette pathologie lourde. Des règles d’hygiène draconiennes doivent être respectées afin d’éviter toute décompensation pouvant menacer son pronostic vital ».
Sa femme, sa soeur ainsi que ses frères, dont les domiciles sont soumis à une surveillance policière permanente, ont décidé d’entamer une grève de la faim à compter du 6 janvier afin de protester contre « cette mort lente à laquelle il est soumis ».
Rappelons que Taoufik Ben Brik avait été condamné en première instance le 26 novembre 2009 à l’issue d’un procès inéquitable à six mois de prison ferme pour avoir publié des articles critiques à l’égard du président Ben Ali dans la presse étrangère durant la campagne électorale.
Notons que les élections d’octobre 2009 ont constitué pour le pouvoir un moment de répression sans précédent contre les journalistes qui ont osé critiquer les autorités.
Un autre journaliste, correspondant d’Assabilonline, Zouhayr Makhlouf est également détenu dans de mauvaises conditions après avoir été condamné le 1er décembre par la Cour d’appel à trois mois de prison ferme et 6000 dinars (environ 3175 euros) d’amende pour avoir produit une vidéo sur la pollution dans une zone industrielle. Sa femme subit elle aussi une surveillance policière étroite et se voit privée du droit de visite par intermittence.
Par ailleurs l’OLPEC constate que les actes de harcèlement à l’égard des journalistes se poursuivent encore.
– Le 28 décembre, Moez Jemai, correspondant de Radio Kalima à Gabes, a été délesté de ses documents d’identité par un individu qu’il suspecte de travailler avec la police politique. Immédiatement après une entrevue qu’il a eue avec Omar Mestiri, le directeur de la radio à Tunis, Moez Jemai a été pris en chasse par une équipe de la police politique à laquelle il a déjà eu affaire. Dès qu’il s’est attablé dans un restaurant, l’individu s’est approché de lui et l’a délesté de son porte document où se trouvait sa carte d’identité, son passeport, sa carte de presse de la FIJ ainsi qu’une importante somme d’argent. Lorsqu’il s’est rendu au poste de police pour faire sa déclaration, les agents lui ont proposé une somme d’argent consistante en contre partie de l’arrêt de sa collaboration avec Radio Kalima et lui ont promis de recouvrir ses documents d’identité le lendemain. Face à son refus, ils lui ont répondu qu’il devra attendre un an pour que ses documents lui soient restitués.
– Le 30 décembre, le président du syndicat des journalistes, Néji Bghouri, a été empêché d’accéder à son lieu de travail, « La Presse » (gouvernementale), par plusieurs agents de la police politique qui invoquaient des « instructions ». Il a fallu que plusieurs de ses collègues sortent et décident de n’entrer qu’en sa compagnie, pour que les policiers s’écartent pour le laisser passer. Le 31 décembre, un autre dispositif policier s’est interposé sur l’autoroute menant de Tunis à Kairouan, afin de l’empêcher de parvenir à Kairouan où il était attendu pour faire une conférence. Il a été obligé à la fin de rebrousser chemin.
– Le 30 décembre, les journalistes Faten Hamdi (Radio Kalima) et Slim Boukhdhir (freelance) ont été agressés par la police politique, qui avait interdit un meeting de solidarité avec Zouhayr Makhlouf et Taoufik Ben Brik organisé par le Comité national de soutien aux journalistes au local du PDP, tandis que Lotfi Hajji (Al Jazeera) et Mahmoud Dhaouadi (« La Presse ») ont été empêchés d’accéder au même local et copieusement insultés par la police politique.
– De nombreux journalistes et défenseurs de droits humains ont été la cible d’une campagne de diffamation et d’insultes de la part de la presse de caniveau proche du pouvoir, qui ne s’est pas arrêtée depuis la campagne électorale. Ils sont accusés d’être des agents d’Israël, des corrompus et des prostituées. Un appel au lynchage public a été lancé contre eux et ils ont été prétendument accusés d’être sur les listes noires du Hezbollah et de Hamas. L’un d’entre eux, Slim Bagga, a reçu une lettre de menaces de mort à Paris où il réside.
L’OLPEC
– condamne avec la plus grande fermeté ces campagnes qui visent à réduire au silence toutes les voix libres en Tunisie;
– exige la libération immédiate de Taoufik Ben Brik et de Zouhayr Makhlouf;
– appelle à l’arrêt de toute forme de harcèlement contre les journalistes;
– rappelle à l’Etat tunisien ses engagements internationaux pour le respect de la liberté d’expression et la protection des défenseurs de droits humains.
Pour l’Observatoire
Le président
Mohamed Talbi