L'Egypte a promulgué le 18 août une loi sur la "cybercriminalité" qui légalise la censure des sites d'information, le blocage des sites web et qui entérine la criminalisation de leurs gestionnaires ou simples utilisateurs.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 20 août 2018.
L’Egypte a promulgué le 18 août une loi sur la « cybercriminalité » qui légalise la censure des sites d’information, le blocage des sites web et qui entérine la criminalisation de leurs gestionnaires ou simples utilisateurs.
La censure en ligne se légalise et se renforce. Dorénavant, les autorités égyptiennes pourront bloquer légalement tout site web dont le contenu constitue «une menace pour la sécurité nationale» ou pour «l’économie nationale» (article 7). Cette disposition légalise une pratique déjà bien rodée : des centaines de sites en lignes ont déjà été fermés, apparemment sur simple ordre des services de sécurité, et un rédacteur en chef, ainsi que plusieurs journalistes en ligne et des blogueurs, y compris satiriques, ont été arrêtés ces dernières années.
Le simple fait de consulter un site interdit est aussi désormais officiellement passible d’un an de prison tandis que les créateurs ou gestionnaires d’un site dont l’accès est ensuite interdit risquent, eux, d’être condamnées à deux ans de prison.
« Cette loi ne fait que légaliser une pratique de censure de l’Internet qui a déjà cours en Egypte », estime Sophie Anmuth, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF.
Au nom de la sécurité nationale, qui est définie de manière très large et floue, les autorités égyptiennes s’arrogent le droit de censurer des sites d’information ou d’ONG dont le tort est de révéler des violations des droits humains commises par les autorités. »
La définition de la sécurité nationale dans la loi est excessivement large, constatent également l’ONG égyptienne AFTE et l’organisation de défense d’un internet ouvert AccessNow : « tout ce qui concerne l’indépendance, la stabilité et la sécurité de la patrie, son unité et son intégrité territoriale » ainsi que tout ce qui a trait à la présidence de la république et à toutes les institutions sécuritaires et militaires du pays.
Une autre loi votée en juillet, et qui doit encore être promulguée par le président, prévoit de considérer comme des médias les comptes personnels d’au moins 5000 abonnés sur les réseaux sociaux.
Le site de RSF n’a pas échappé à la vague de censure, et a été fermé en août dernier. N’ayant jamais eu d’explication de la part des autorités égyptiennes, RSF l’a remis en ligne pour marquer les un an de censure de son site.
L’Egypte, qui occupe le 161e rang au Classement mondial de la liberté de la presse, est actuellement l’une des plus grandes prisons au monde pour les journalistes, avec au moins 36 journalistes, professionnels ou non, derrière les barreaux à cause de leur travail d’information.