En 2006, les journalistes gambiens Musa Saidykhan et Ebrima Manneh ont été arrêtés et détenus séparément par les agents de l'État à Banjul en Gambie. M. Saidykhan a été soumis à des tortures brutales, tandis que M. Manneh a disparu sans laisser de traces.
Le 28 mars 2006, Musa Saidykhan, rédacteur en chef du journal The Independent, a été arrêté et détenu par la police gambienne. M. Saidykhan a été pris aux Services des renseignements d’Etat (anciennement connus sous l’appellation de l’Agence nationale de renseignements (NIA), en même temps que le directeur général du journal Madi Ceesay et d’autres membres du personnel.
Au cours de sa détention, Musa a été soumis à des traitements cruels, inhumains et dégradants, et fut victime d’actes de tortures jusqu’à ce qu’il en perde connaissance, lui laissant de graves séquelles sur le dos, les jambes et les bras, et une main droite fracturée en trois endroits. Musa a été détenu au secret – sa famille et ses amis se sont vus refuser tout accès – sans qu’aucune charge ne soit jamais portée contre lui.
Le 7 juillet 2006, des agents en civil de la célèbre Agence nationale de renseignements (NIA) ont arrêté un autre journaliste, Chief Ebrima Manneh, journaliste pour le quotidien pro-gouvernemental Daily Observer à son bureau à Banjul. M. Manneh aurait été arrêté pour avoir transmis à un journaliste de la BBC, au cours d’une réunion de l’Union africaine, des informations « préjudiciables » et aurait essayé de publier un article de la BBC critiquant le coup d’État du l’ancien Président Yahya Jammeh comme antidémocratique.
Au cours de l’année suivant son arrestation, M. Manneh a été repéré à plusieurs reprises, sous la garde de la police pénitentiaire et la NIA, au cours de transferts entre divers postes de police et centres de détention. Malgré ces rapports et témoignages écrasants et d’autres preuves recueillies par ses collègues et la société civile, le gouvernement réfute toute implication.
Les deux incidents se sont produits au cours d’une répression contre les médias après l’annonce par le gouvernement d’un coup d’État déjoué en mars 2006. Le coup a servi de justification pour arrêter, intimider et harceler des dizaines de journalistes et travailleurs des médias à l’approche des élections nationales.
Dans les années qui ont suivi, la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) a porté plainte contre la Gambie à la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au nom de M.Saidykhan et de M. Manneh. La Cour a conclu que la Gambie a violé les droits fondamentaux de Musa Saidykhan et a ordonné au gouvernement de payer 200 000 $ US à titre de dommages et intérêts. Dans le cas d’Ebrima Manneh, la Gambie a été ordonnée de libérer Manneh et de payer la somme de 100 000 $ US à titre de dommages et intérêts à sa famille. A ce jour, le sort de Manneh reste inconnu.
Les acteurs principaux
Ce que font les membres de l’IFEX
Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest n’a cessé d’exercer des pressions sur le gouvernement gambien pour que ce dernier se conforme au jugement rendu par la Cour de justice communautaire de la CEDEAO à l’aide de procédure de recours et en organisant des campagnes avec d’autres organisations de la société civile et groupes de défense de la libre expression en Afrique de l’Ouest. Actuellement, MFWA travaille avec de partenaires importants pour reformer les lois sur les médias en Gambie et développer des stratégies pour résoudre la question de l’impunité dans la région plus largement.
Article 19 exige la justice pour Musa Saidykhan et Ebrima Manneh et a porté l’affaire devant le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies, exhortant le gouvernement à honorer les décisions de la CEDEAO et appelant à la création d’un Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de la personne en Gambie, entre autres mesures pour améliorer la liberté d’expression dans le pays.
Reporters sans frontières rapporte régulièrement sur l’affaire Manneh, et en 2015, a soumis une demande au Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires et au groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, les invitant à ouvrir des enquêtes sur l’affaire Ebrima Manneh. Les procédures spéciales de l’ONU se sont déjà vues refuser l’accès aux établissements de détention durant leur visite.