Le mois de juin en Europe et en Asie centrale: un tour d’horizon des principales informations sur la liberté d’ expression. Basé sur les rapports des membres de l'IFEX.
Ceci est une traduction de l’article original.
« Muscat doit immédiatement ordonner l’ouverture d’une enquête publique »
Le 26 juin, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a voté en faveur de l’adoption du rapport sur le meurtre de la journaliste d’investigation la plus connue de Malte, Daphne Caruana Galizia. Le rapport, préparé par le Rapporteur spécial Pieter Omtzigt, cite des «manquements systémiques» à l’état de droit à Malte et les associe à l’enquête policière bâclée sur le meurtre de Daphne. Il critique également la concentration du pouvoir entre les mains du Premier ministre maltais, Joseph Muscat, affirmant que ce pouvoir a été systématiquement abusé. Fait important, le rapport appelle à une enquête publique indépendante sur le meurtre. Malte avait résisté à la mise en œuvre d’une telle enquête mais devra, maintenant, s’exécuter dans un délai de trois mois, à la suite de ce vote.
DERNIERE NOUVELLE : le rapport est adopté à une large majorité des voix. Muscat doit immédiatement ordonner l’ouverture d’une enquête publique.
@PACE_News
VOIR EN DIRECT: L’Assemblée de la @CoE discute actuellement de l’assassinat de # DaphneCaruanaGalizia et de l’état de droit à Malte et au-delà: pour que toute la vérité apparaisse:
Avant le vote, les membres de l’IFEX et le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias ont coparrainé un événement parallèle pour discuter de ce crime, de l’état de droit à Malte et pour plaider en faveur du rapport Omtzigt. Matthew Caruana Galizia, fils de Daphné, figurait parmi les orateurs.
@ECPMF
«C’est le jour le plus important sur le plan international dans cette affaire», déclare @rebecca_vincent au début de notre événement parallèle avant la session @PACE_News pour adopter le rapport de @PieterOmtzigt sur « l’assassinat de #DaphneCaruanaGalizia et l’état de droit à #Malta et au-delà » @Coe
«Nous avons besoin d’une enquête publique […], nous avons besoin de ce que @PieterOmtzigt a fait pour lutter contre toute la propagande que le gouvernement maltais brandit depuis le meurtre de ma mère». @mcaruanagalizia. Nous avons besoin de la @coe pour recevoir #JusticeforDaphne à #Malte @PACE_News @PACE_News pic.twitter.com/7saFe8t7PX – ECPMF (@ECPMF) June 26, 2019
« Ne nous tirez pas dessus »
Le 20 juin en Géorgie, la police a utilisé des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc contre plusieurs milliers de manifestants, principalement pacifiques, devant le bâtiment du parlement à Tbilissi. Les manifestants, qui ont appelé à la démission de divers membres du gouvernement, protestaient contre la visite d’une délégation de la Douma russe au Parlement géorgien (la Russie et la Géorgie ont mené une guerre en 2008 contre la région géorgienne d’Ossétie du Sud, que la Russie occupe toujours). Environ 240 personnes ont été blessées par la police, dont 34 journalistes, et plus de 300 manifestants ont été arrêtés. Des blessures horribles ont été rapportées, notamment des yeux perdus par des balles en caoutchouc. Le 21 juin, des journalistes ont manifesté devant le ministère de l’Intérieur pour réclamer l’ouverture d’une enquête sur les violences et appeler les policiers qui ont tiré avec des balles en caoutchouc sur les têtes des journalistes à être emprisonnés. Ils ont appelé leur manifestation «Ne nous tirez pas dessus». Le président du Parlement, Irakli Kobakhidze, a démissionné à la suite de ces violences.
Au Kazakhstan, le 9 juin, environ 4 000 manifestants, dont plusieurs journalistes, ont été arrêtés lors de manifestations massives dans différentes villes du pays, alors que le pays avait élu son nouveau président. Kassym-Jomart Tokayev, le dauphin de l’ex-président autoritaire Nursultan Nazarbayev, a été élu avec plus de 70% des voix. Les manifestations, qui avaient commencé plusieurs semaines auparavant, étaient motivées par la colère suscitée par l’imposition de Tokayev et par les graves restrictions imposées aux libertés civiles des Kazakhs sous Nazarbayev. Parmi les personnes arrêtées, près de 700 ont été condamnées à de courtes peines de prison.
le bureau du procureur général rapporte des données sur le nombre de personnes détenues administrativement, condamnées à une amende et mises en garde… https://twitter.com/aygeryma/status/1139060541715091456…
@aygeryma
Sur le plan administratif, 957 personnes ont été punies -> parmi eux 670 ont été arrêtées, 115 condamnées à une amende et 172 mises en garde de manifestation le 9 et 10 juin, selon Saparbek Nurpeisov du bureau du procureur général. A ce jour, 180 personnes sont toujours dans les centres de détention.
En France, les manifestations des Gilets jaunes se poursuivent depuis novembre 2018. Il y a maintenant moins de participants, mais le nombre de personnes blessées par des tactiques policières brutales est extrêmement élevé. A ce jour, selon les estimations, environ 2 448 manifestants ont été blessés (dont certains ont perdu les mains ou les yeux) à cause de l’utilisation par la police de balles en caoutchouc et de grenades explosives. Le 2 juin à Paris, certaines de ces victimes ont participé à la «Marche des personnes mutilées», où elles ont réclamé l’interdiction de l’utilisation de telles armes par la police.
Reporters sans frontières (RSF) a vivement critiqué le recours par la police à la violence lors des manifestations de Gilets jaunes, en particulier celle dirigée contre des journalistes (il y a eu 73 victimes). À la mi-juin, RSF a fait part de ses préoccupations au ministre français de l’Intérieur, Christophe Castaner, et a formulé un certain nombre de recommandations visant à améliorer la sécurité des journalistes et des manifestants lors de ces manifestations. Castaner a déclaré qu’il étudierait les propositions de RSF.
«Revendications irrationnelles sans preuves»
Le procès longtemps attendu du leader de la société civile, Osman Kavala, et de 15 autres personnes accusés de manière ridicule de tentative de renversement du gouvernement de Turquie a commencé le 24 juin. Les accusés sont inculpés pour leur rôle dans l’organisation de manifestations pacifiques amorcées dans le parc Gezi à Istanbul en 2013; ils risquent la prison à vie s’ils sont reconnus coupables. Kavala a déjà passé 19 mois en détention provisoire. Des observateurs internationaux, y compris une délégation du Parlement européen, étaient présents au début du procès.
Après 600 jours de prison, premier jour au tribunal. Le procès à caractère politique contre #OsmanKavala et 15 autres ne peut aboutir qu’à un seul résultat si justice est rendue.
Emma Sinclair-Webb @esinclairwebb
Human Rights Watch sur le procès de Gezi débutant le 24 juin: https://www.hrw.org/news/2019/06/19/turkey-gezi-protests-trial-begin…
Selon Deutsche Welle, Kavala a complètement rejeté les « affirmations irrationnelles qui manquent de preuves » dans sa déclaration liminaire à la cour, affirmant qu’il s’était « impliqué dans des projets contribuant à la paix et à la réconciliation ».
Après deux jours d’audience, l’un des accusés, Yiğit Aksakoğlu, a été libéré sous condition et s’est vu imposer une interdiction de voyager à l’étranger; son procès va continuer. Kavala restera derrière les barreaux. La prochaine audience du procès est fixée au 18 juillet.
La veille du début du procès il y avait de l’agitation, lorsque le parti au pouvoir du président Erdoğan avait perdu l’élection du maire d’Istanbul au profit du candidat de la coalition d’opposition, Ekrem İmamoğlu. Il s’agissait d’une reprise du scrutin, qui visait à annuler la petite victoire d’Imamoğlu aux élections municipales de mars. Cependant, cette fois, le vainqueur a constaté une augmentation massive de ses votes.
Les procès et détentions de journalistes en Turquie se poursuivent. Une affaire en juin a mis en lumière la forme bizarre de cette persécution: deux reporters de Bloomberg – Kerim Karakaya et Fercan Yalınkılıç – ont été accusés d’avoir sapé la stabilité économique de la Turquie après avoir rendu compte de la situation économique difficile du pays. En cas de condamnation, les journalistes pourraient être emprisonnés pour une période maximale de cinq ans.
« Nous sommes Ivan Golunov »
Fait inhabituel, la Russie a connu un certain nombre de développements très encourageants ce mois-ci.
Igor Rudnikov, rédacteur en chef du journal Kaliningrad, Novye Kolesa, a été libéré après 20 mois derrière les barreaux. Il a été arrêté en novembre 2017 et faussement accusé d’extorsion. Un tribunal de Saint-Pétersbourg a estimé que cette accusation n’était pas fondée, mais l’a reconnu coupable d’avoir abusé de son influence et l’a condamné à une courte peine de travaux communautaires. Ayant déjà passé près de deux ans en prison, il a été immédiatement libéré.
Le défenseur des droits humains Oyub Titiev a été libéré sur parole après avoir passé près d’un an et demi en prison. Titiev, qui dirige le bureau tchétchène de l’organisation russe de défense des droits de l’homme Memorial, a été reconnu coupable de charges montées de toute pièce en rapport avec la drogue en mars et condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement dans une colonie pénitentiaire.
La nouvelle du journaliste anti-corruption de Meduza, Ivan Golunov, a toutefois fait les gros titres de l’actualité. Il a été arrêté le 6 juin et, après avoir été battu en garde à vue et privé d’accès à un avocat, accusé à tort de vouloir fournir des drogues illicites. Son cas a fait la une des journaux à travers le monde et a fait l’objet de manifestations dans diverses villes russes, dans la presse russe et sur les médias sociaux.
C’est vrai. Le correspondant de Meduza, Ivan Golunov, a eu plus de succès sur les médias sociaux que Poutine lui-même hier. https: //meduza.io/en/short/2019/06/09/who-dominated-russian-social-media-sites-on-june-8…
La pression a évidemment fonctionné, car les accusations contre Golunov ont été soudainement abandonnées le 11 juin et il a été libéré.
Pour la première fois de leur histoire, trois journaux russes vont publier des dessins identiques au-dessus du pli sur leurs pages de couverture. Il est écrit « JE / NOUS SOMMES IVAN GOLUNOV. »
Après la libération de Golunov, des partisans sont descendus dans la rue pour protester contre sa détention arbitraire et demander que les agents chargés de l’arrestation rendent des comptes. Environ 400 manifestants ont été eux-mêmes arrêtés, dont le chef de l’opposition fréquemment détenu, Alexei Navalny. Le président Vladimir Poutine a depuis limogé deux généraux de la police moscovite à cause de sur l’arrestation de Golunov.
Plein feu sur le genre
L’impact de la loi de Russie dite loi de « propagande gay» a été à nouveau observé ce mois-ci lorsqu’un distributeur de films russe a coupé toutes les scènes gays (des hommes s’embrassant et ayant des relations sexuelles entre eux) du film biographique d’Elton John, « Rocketman ». La législation interdit la «promotion de relations non traditionnelles».
Il y avait de bonnes nouvelles avec les 215 membres du Parlement européen qui se sont engagés à travailler avec ILGA Europe afin de protéger et d’améliorer les droits des personnes LGBTQI+ sur tout le continent.
ILGA-Europe accueille le nouveau Parlement européen! Avec le taux de participation le plus élevé enregistré aux #EuropeanElections depuis 1994, arrive également le plus grand nombre de députés engagés en faveur de l’égalité des personnes LGBTI, avec 215 signataires du #ComeOut4EU élus: https://ilga-europe.org/node/2161
La première Marche des fiertés LGBTQI + Pride deGéorgie a été annulée après plusieurs jours d’agitations politiques sans rapport avec l’évènement (voir ci-dessus) au cours desquelles des centaines de personnes ont été blessées. Les groupes conservateurs et religieux se sont également farouchement opposé à la Marche des fiertés: le 19 juin, Tbilissi Pride dut évacuer ses locaux après avoir reçu des menaces de mort.
Les Fiertés ont également rencontré l’opposition en Turquie, où des interdictions ont été annoncées avant la Semaine de la Fierté (24-30 juin) sur la place Taksim à Istanbul et dans les provinces d’Izmir et d’Antalya.
Cependant, l’Ukraine, qui a organisé son plus grand défilé de la fierté à Kiev, a reçu de bonnes nouvelles concernant la Fierté. Environ 8 000 personnes y ont pris part. L’événement s’est déroulé dans le calme, bien que la police ait arrêté une poignée de manifestants d’extrême droite qui avaient organisé une contre-manifestation et avaient été impliqués dans des bagarres alors qu’ils tentaient de perturber la marche.
Des politiciens ukrainiens et des diplomates étrangers se sont joints à des milliers de personnes pour défiler dans un défilé de la fierté gay à Kiev. Plus ici: https://reut.rs/2N5RQIc
En bref
En Ukraine, le journaliste Vadim Komarov est décédé ce mois des suites de blessures subies le 4 mai lors d’une attaque brutale. Les assaillants de Komarov l’ont laissé dans le coma et il n’a jamais repris conscience. Personne n’a été arrêté.
En Moldavie, des représentants du Parti démocrate et de leurs partisans ont malmené, menacé et empêché des journalistes de faire leur travail lors de manifestations qui se sont déroulées du 7 au 9 juin. Le Centre du journalisme indépendant (IJC), membre régional de l’IFEX, a publié une déclaration condamnant les attaques et le harcèlement. Les manifestations ont été organisées par le Parti démocrate (l’ancien parti au pouvoir) pour protester contre la formation d’un nouveau gouvernement de coalition qui ne les inclut pas. La déclaration a été signée par des groupes locaux de défense de la liberté de la presse.
En Italie, le vice-Premier ministre d’extrême droite, Matteo Salvini, a menacé (une seconde fois) de retirer la protection de la police accordée au journaliste d’investigation et cible de la mafia Roberto Saviano. Le motif de cette menace est la critique constante de Saviano sur la politique anti-immigrés de Salvini.
Une coalition de groupes de défense de la liberté de la presse comprenant des membres de l’IFEX et le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias s’est rendue en Albanie ce mois-ci et a constaté que la liberté des médias se détériorait. Le groupe a formulé un certain nombre de recommandations au gouvernement albanais, appelant à davantage d’action pour la sécurité des journalistes, plus de transparence dans la législation et la propriété des médias, un rejet de la réglementation de l’Etat sur les médias en ligne, plus d’accès des journalistes aux hommes politiques et la fin des campagnes de diffamation la presse.
Très agréable de voir autant de défenseurs #mediafreedom travailler ensemble!
Une coalition de 7 organisations de défense de la liberté de la presse effectue une mission conjointe de plaidoyer en #Albanie. https: //www.ecpmf.eu/news/press-releases/media-advisory-mission-to-albania… @ ECPMF @globalfreemedia @RSF_inter @ liberté de la presse @EFJEUROPE @ article19org @seemofreemedia
Avant les Jeux européens en Biélorussie, l’Association des journalistes biélorusses a préparé un guide très utile pour tous les journalistes qui souhaitent être en sécurité et travailler aussi librement que possible pendant les Jeux (qui ont débuté à la fin du mois de juin). Les autorités se préparent à faire face aux manifestations avant ou pendant les Jeux, notamment en bloquant les sites Web appelant à des manifestations non autorisées.