Outre les violences et les interpellations arbitraires, plusieurs journalistes ont également rapporté à RSF que la police avait exigé des titres de qualification professionnel ou d'appartenance à un syndicat comme condition préalable à la réalisation d'un reportage, entravant donc la couverture de ces événements.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 3 août 2023.
Neuf journalistes ont été victimes de violences policières et d’interpellations arbitraires alors qu’ils couvraient des manifestations contre le gouvernement de Dina Boluarte. Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement cette série d’attaques contre la liberté de la presse au Pérou, où elle est plus que jamais primordiale.
Alors que le pays connaît une nouvelle vague de manifestations contre le gouvernement Boluarte, des journalistes ont été la cible de violences de la part des forces de l’ordre lors de rassemblements dans le centre de la capitale péruvienne, Lima, le 19, le 26 et le 28 juillet. Outre les violences et les interpellations arbitraires, plusieurs journalistes ont également rapporté à RSF que la police avait exigé des titres de qualification professionnel ou d’appartenance à un syndicat comme condition préalable à la réalisation d’un reportage, entravant donc la couverture de ces événements.
« RSF condamne fermement cette série de violences et de mesures policières abusives contre les journalistes couvrant les manifestations à Lima. La brutalité flagrante des forces de l’ordre à leur égard contribue à un climat d’instabilité démocratique. L’exigence d’une accréditation de presse pour couvrir les rassemblements est tout simplement absurde. Il s’agit d’une mesure abusive et illégale visant à limiter la couverture des manifestations. Le gouvernement de Dina Boluarte doit s’engager à faire cesser de toute urgence ces graves atteintes à la liberté de la presse afin d’assurer le droit à l’information, essentiel dans un contexte de crise institutionnelle. »
Artur Romeu, Directeur du bureau Amérique latine de RSF
Le 28 juillet, le caméraman de la chaîne de télévision ATV, Javier Minaya, jeté au sol par un policier alors qu’il filmait des violences commises par des forces de sécurité sur des manifestants, s’est cogné la tête par terre. Le même jour, la journaliste de la chaîne TeleSUR Alejandra Elías a été piétinée par des policiers. Le photojournaliste du média numérique Wayka Juan Zapata, qui avait déjà été agressé physiquement par la police lors d’une autre manifestation au début de l’année, a été à nouveau frappé par les forces de l’ordre alors qu’il tentait de couvrir la manifestation du 19 juillet. Il a ensuite été blessé par des balles en caoutchouc lors de celle du 28 juillet. La police a également détenu arbitrairement pendant 43 heures le documentariste et photographe Kenty Aguirre, arrêté le 28 juillet alors qu’il filmait des policiers violentant un manifestant. 19 contusions et écorchures ont été constatés par un médecin légiste. Son téléphone portable, son appareil photo et son second objectif, ont été saisis sans motif et sans qu’une date de restitution ne lui soit donnée.
Lors d’affrontements avec les forces de l’ordre, dans le cadre de la première vague de protestation suite à la destitution du président Pedro Castillo en décembre 2022, 49 civils avaient trouvé la mort, des centaines d’autres avaient été blessés et au moins 29 journalistes avaient été agressés entre décembre 2022 et janvier 2023.
Avec une chute de 33 places, le Pérou a connu la plus importante baisse de la région dans le Classement mondiale de la liberté de la presse en 2023 où il se positionne 110e sur 180 pays. L’implication de l’armée et de la police dans des opérations de désinformation, l’utilisation généralisée de la force par les autorités et et le harcèlement des journalistes, ainsi que la stigmatisation des manifestants par les médias traditionnels sont les principaux facteurs de la détérioration des conditions d’exercice du journalisme dans le pays.