Pour marquer le dixième anniversaire des grandes rafles de journalistes et de la suspension de la presse privée dans le pays, RSF a lancé une campagne de communication internationale.
(RSF/IFEX) – Le 16 septembre 2011 – « Le 18 septembre 2001, le monde entier avait encore les yeux tournés vers New York, touchée par les attentats commis la semaine précédente. A Asmara, le pouvoir érythréen en profitait pour lancer une brutale opération de nettoyage politique. En moins d’une semaine, dans l’indifférence de la communauté internationale, plusieurs ministres, d’anciens généraux et tous les directeurs de journaux étaient jetés en prison. La presse privée était entièrement suspendue. Le pays a alors basculé dans une ère de terreur dont il n’est toujours pas sorti. Dix ans plus tard, plus personne ne peut ignorer la brutalité du régime érythréen », a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
« Dix années sont passées sans que la communauté internationale ne prenne la mesure de la tragédie endurée par le peuple érythréen : absence totale de liberté d’expression, surveillance constante des journalistes, pressions sur les familles, disparitions forcées, détentions au secret dans des conditions inhumaines. Les sanctions enfin votées en 2009 par le Conseil de sécurité de l’ONU ne sont manifestement pas appliquées puisque plusieurs responsables érythréens viennent d’effectuer une visite en Europe. Pourtant, le dictateur Issaias Afeworki n’est pas moins dangereux et cruel que Mouammar Kadhafi ou Bachar el-Assad », a-t-il ajouté.
Pour la quatrième année consécutive, l’Erythrée figure à la dernière place du classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières. Plus d’une trentaine de professionnels des médias y sont emprisonnés, faisant du pays la deuxième plus grande prison du monde pour les journalistes, après la Chine.
Selon les informations recueillies par l’organisation, quatre journalistes au moins ont été arrêtés en 2011. Leurs noms s’ajoutent à la liste de leurs confrères arrêtés depuis 2001 et qui croupissent toujours dans les geôles du pays. Il s’agit de trois journalistes de radio, Nebiel Edris, Ahmed Usman, et Mohamed Osman, arrêtés en février, et de Tesfalidet Mebrahtu, alias « Topo », arrêté fin mars 2011. Ce dernier, célèbre journaliste sportif pour la radio publique Dimtsi Hafash et la télévision publique Eri-TV, se trouverait dans un centre de détention proche de la capitale, celui de May Srwa ou la prison militaire d’Adi Abeito, où sa famille n’est pas autorisée à lui rendre visite.
Pour échapper aux conditions de travail extrêmement pesantes que leur réservent les médias publics, où chacun se trouve sous surveillance et personne n’est autorisé à s’exprimer librement, les journalistes érythréens fuient régulièrement le pays, clandestinement. Si certains y parviennent, d’autres en revanche sont arrêtés. C’est le cas par exemple de Eyob Kessete, arrêté pour la seconde fois pendant l’été 2010 alors qu’il tentait à nouveau de fuir. D’autres bravent la mort, les gardes-frontières ayant reçu l’ordre de tirer à vue. Ainsi Paulos Kidane a été abattu en 2007 alors qu’il tentait de franchir la frontière avec le Soudan. Ceux qui ont réussi à s’exiler se retrouvent ensuite à l’étranger dans une grande précarité dont l’issue peut être tragique. Lidya Mengesteab travaillait pour la radio publique Dimtsi Hafash et la télévision Eri-TV avant de quitter le pays pour le Soudan puis la Libye. En avril 2011, elle est morte, avec de nombreux autres exilés, en tentant de traverser la Méditerranée.
Pour marquer le dixième anniversaire des grandes rafles de journalistes et de la suspension de la presse privée dans ce pays, Reporters sans frontières lance une campagne de communication internationale en français, anglais, espagnol, allemand, suédois, italien et tigrinya. L’organisation publie également la liste actualisée des journalistes emprisonnés dans le pays.
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