Cinquante hommes armés et masqués parviennent à entrer dans les locaux de la chaîne de télévision satellitaire Naliya Radio and Television (NRT) et ouvrent le feu sur les gardes, blessant l'un d'eux.
(RSF/IFEX) – Le 20 février 2011, à 2h30 du matin (heure locale), à Suleimanieh, 50 hommes armés et masqués parviennent à entrer dans le compound du « German Village ». Direction : les locaux de la chaîne de télévision satellitaire Naliya Radio and Television (NRT). Ils ouvrent le feu sur les gardes, blessant l’un d’eux. Une fois à l’intérieur, ils détruisent l’ensemble du matériel de diffusion avant de mettre le feu au bâtiment. La chaîne n’aura existé que 72 heures et diffusé pendant 17 heures seulement.
Lancée le 17 février par la société Naliya, NRT était la première chaîne de télévision indépendante dans la région du Kurdistan irakien. Elle s’était illustrée par sa couverture en direct des manifestations sanglantes de Suleimanieh. Elle avait, entre autres, montré les images de la police tirant sur la foule. Dès le jour même, les responsables de la chaîne avaient reçu des menaces.
« Cette attaque criminelle est odieuse et inacceptable. Elle est le fait des ennemis de la liberté d’expression et d’un Kurdistan irakien démocratique. Cette région a besoin de médias pleinement indépendants, qui osent montrer une réalité que les forces politiques, qui dominent la région depuis des décennies, veulent masquer. Nous demandons aux autorités compétentes d’ouvrir une enquête sur ce crime, d’identifier les commanditaires et de les traduire en justice. Les autorités doivent assumer leurs responsabilités et garantir la sécurité des journalistes », a déclaré Reporters sans frontières.
Le directeur général de NRT, Twana Osman, a déclaré à Reporters sans frontières : « Nous avions déjà reçu des messages de menace, des coups de téléphone d’intimidation, afin que l’on arrête de couvrir les incidents entourant le mouvement de protestation à Suleimanieh. Nous en avions parlé au Premier ministre, Barham Salih, et à d’autres personnes haut placées. On nous avait assuré que rien ne nous arriverait. Or, tout a été détruit. Tout le matériel technique a brûlé et le bâtiment est hors d’usage. On estime le dommage à 9 millions de dollars américains ».
Il ajoute : « Nous n’avons diffusé que 17 heures de programmes. Notre couverture a été neutre. Des milliers de téléspectateurs nous ont regardés, au Kurdistan et dans la diaspora. Les partis qui contrôlent la scène politique de la région n’ont pas supporté notre nouvelle manière de traiter l’information. »
Twana Osman pointe clairement du doigt l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) et le gouvernement de la région (KRG) comme responsables. « Le KRG et l’UPK, en tant que parti dominant à Suleimanieh, sont responsables de ce crime, et ce jusqu’à ce que les commanditaires aient été arrêtés. Cette attaque ne vise pas seulement la chaîne NRT, mais l’ensemble de la société civile du Kurdistan. Elle constitue une tentative de cacher la vérité aux citoyens, en le maintenant dans l’ignorance, et de museler les médias indépendants », a-t-il déclaré dans une interview.
L’attaque sur la chaîne de télévision satellitaire NRT est le dernier incident en date. Mais il est loin d’être isolé. Reporters sans frontières a recensé un grand nombre d’agressions de professionnels de l’information depuis le début des manifestations que connaît le KRG, le 17 février.
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