À la suite de la criminalisation des manifestations pacifiques de protestation en Égypte en novembre 2013, 57 organisations et particuliers ont publié une déclaration commune pour dénoncer les arrestations de blogueurs et d'activistes politiques égyptiens.
Voici une déclaration commune signée par 36 groupes membres de l’IFEX, qui demandent la remise en liberté immédiate du blogueur Alaa Abd El Fattah et autres, arrêtés en vertu de la loi adoptée récemment contre les manifestations pacifiques, ainsi que la tenue de procès équitables.
Les membres de l’IFEX demandent instamment la remise en liberté d’Alaa Abd El Fattah et de tous ceux et celles qui sont détenus injustement en Égypte
Le 23 janvier 2014
Le « gouvernement par intérim » instauré par l’armée en Égypte sévit contre toute forme significative de rassemblement, d’association ou d’opposition.
Depuis la promulgation, en novembre 2013, d’une loi qui interdit toute manifestation pacifique de protestation, des dizaines d’activistes et d’organisateurs sont jetés en prison. Parmi eux se trouve Alaa Abd El Fattah, gourou du logiciel, blogueur et activiste politique.
Dans la nuit du 28 novembre, les forces de sécurité ont procédé à une descente au domicile d’Alaa et l’ont passé à tabac, lui et sa femme, quand il leur a demandé de lui présenter un mandat, et l’ont emmené pour le détenir toute la nuit, les yeux bandés et les menottes aux poignets, en un lieu inconnu. Il est détenu à l’heure actuelle à la prison de Tora, le centre de détention à sécurité maximale bien connu d’Égypte, qui a toujours servi à enfermer les hommes soupçonnés de crimes violents et de terrorisme.
Mais Alaa n’est pas un homme de violence. Critique des pratiques répressives de l’État et ferme défenseur de la liberté de l’information et des logiciels libres et ouverts traduits en arabe au Moyen-Orient, il est l’un des premiers citoyens égyptiens du net à faciliter un mouvement en faveur d’un changement politique autour d’une idée toute simple : la liberté d’expression.
Son blogue, immensément populaire — créé avec sa femme, Manal —, a contribué à lancer dans le monde arabe une communauté de blogueurs déterminés à promouvoir la liberté de parole et les droits de la personne. Il a remporté la récompense de Reporters sans frontières aux Bobs de 2005. Leur site web innovateur, Omraneya, accueille des participants à des blogues en provenance de tout le monde arabe et monte des archives de la dissidence face à la répression. Comme le disait un média indépendant populaire : « [Omraneya est] parfois le refuge de l’expression alternative et parfois l’amplificateur des voix assourdies. »
À la suite du soulèvement du 25 janvier 2011, Alaa a continué à promouvoir la libre expression au moyen de plate-formes en ligne. Il a lancé une à l’échelle de tout le pays une initiative populaire qui a permis la collaboration citoyenne dans l’élaboration de la Constitution égyptienne. Il a lancé Tweet-Nadwas (« Symposiums de Tweets »), dont il est l’animateur, qui a rassemblé au square Tahrir des activistes et des blogueurs du monde entier pour participer à un dialogue ouvert sur des questions difficiles allant de l’islamisme à la réforme économique.
« Ne regardons pas par terre, mais plutôt de l’avant et imaginons l’État parfait ; moi-même je ne veux pas d’État mais je sais que ce n’est pas possible. Je dois plutôt me concentrer sur les étapes susceptibles de me conduire à bâtir le ‘bon’ État. » – Alaa Abd El Fattah (Tweet Nadwa, 14 juin 2011).
Alaa a été incarcéré ou mis en accusation sous tous les régimes qui ont pris le pouvoir en Égypte. En 2006, alors qu’il n’avait que 22 ans, il a été jeté en prison par le régime Moubarak. Le Conseil suprême des Forces armées (CSFA) l’a incarcéré en 2011. Morsi a intenté des poursuites contre lui en 2013. Et il est maintenant emprisonné par l’actuel gouvernement militaire. Il n’est pas seul dans ce cycle de persécution. Avec lui aujourd’hui en prison se trouvent les activistes Ahmed Maher, Mohamed Adel et Ahmed Douma — tous ciblés par les récents régimes égyptiens. Il y a des milliers d’autres jeunes gens qui sont en prison ou dont on est sans nouvelles.
La mère d’Alaa, Laila Soueif, l’une des fondatrices du mouvement de protestation Kefaya, généralement perçu comme l’un des précurseurs clés du soulèvement de janvier 2011, a fait le commentaire suivant :
« Alaa est un des critiques de sa génération les plus virulents et les plus intransigeants de la violence et de la répression d’État. Dans la conjoncture actuelle, ceux qui sont au pouvoir tentent de vendre le mythe voulant que l’ensemble du pays fasse bloc derrière eux contre les Frères musulmans et leurs alliés. Le fait que Alaa, très bruyant dans ses critiques des Frères musulmans pendant que Morsi était président, condamne – encore plus fortement – le comportement criminel actuel de la police et de l’armée, fait voler ce mythe en éclats. En particulier parce qu’il n’est pas seul à adopter cette position. L’arrêter et le diaboliser dans les médias ne fait que transmettre aux critiques le message du régime qui est qu’ils doivent se la fermer. »
Le régime actuel a déjà infligé à Alaa (ainsi qu’à sa sœur Mona Seif) une peine d’emprisonnement d’un an avec sursis à l’occasion d’un procès bidon similaire, mais distinct. Les charges actuelles pourraient le rendre passible de plusieurs années de prison supplémentaires. Selon Ahmed Seif, éminent avocat défenseur des droits de la personne et père d’Alaa Abd El Fattah :
« La poursuite a fait tout ce qu’elle a pu pour bloquer l’appel d’Alaa contre son incarcération préventive. Cela fait plus d’un mois que la poursuite a terminé son enquête et a renvoyé l’affaire devant la Cour criminelle, mais les avocats n’ont toujours pas été autorisés à prendre connaissance du dossier, et on n’a encore fixé ni de district ni de date pour le procès. »
Tandis qu’approche le troisième anniversaire de la révolution du 25 janvier, nous faisons part de notre inquiétude de voir l’affaire d’Alaa imprimer une tendance troublante pour les libertés civiles en Égypte.
Les soussignés exigent la libération immédiate et la tenue d’un procès équitable pour tous ceux qui sont détenus injustement, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que l’Égypte a ratifiés.
Signé,
» target= »_blank »>blogue, immensément populaire — créé avec sa femme, Manal —, a contribué à lancer dans le monde arabe une communauté de blogueurs déterminés à promouvoir la liberté de parole et les droits de la personne. Il a remporté la récompense de Reporters sans frontières aux Bobs de 2005. Leur site web innovateur, Omraneya, accueille des participants à des blogues en provenance de tout le monde arabe et monte des archives de la dissidence face à la répression. Comme le disait un média indépendant populaire : « [Omraneya est] parfois le refuge de l’expression alternative et parfois l’amplificateur des voix assourdies. »
À la suite du soulèvement du 25 janvier 2011, Alaa a continué à promouvoir la libre expression au moyen de plate-formes en ligne. Il a lancé une à l’échelle de tout le pays une initiative populaire qui a permis la collaboration citoyenne dans l’élaboration de la Constitution égyptienne. Il a lancé Tweet-Nadwas (« Symposiums de Tweets »), dont il est l’animateur, qui a rassemblé au square Tahrir des activistes et des blogueurs du monde entier pour participer à un dialogue ouvert sur des questions difficiles allant de l’islamisme à la réforme économique.
« Ne regardons pas par terre, mais plutôt de l’avant et imaginons l’État parfait ; moi-même je ne veux pas d’État mais je sais que ce n’est pas possible. Je dois plutôt me concentrer sur les étapes susceptibles de me conduire à bâtir le ‘bon’ État. » – Alaa Abd El Fattah (Tweet Nadwa, 14 juin 2011).
Alaa a été incarcéré ou mis en accusation sous tous les régimes qui ont pris le pouvoir en Égypte. En 2006, alors qu’il n’avait que 22 ans, il a été jeté en prison par le régime Moubarak. Le Conseil suprême des Forces armées (CSFA) l’a incarcéré en 2011. Morsi a intenté des poursuites contre lui en 2013. Et il est maintenant emprisonné par l’actuel gouvernement militaire. Il n’est pas seul dans ce cycle de persécution. Avec lui aujourd’hui en prison se trouvent les activistes Ahmed Maher, Mohamed Adel et Ahmed Douma — tous ciblés par les récents régimes égyptiens. Il y a des milliers d’autres jeunes gens qui sont en prison ou dont on est sans nouvelles.
La mère d’Alaa, Laila Soueif, l’une des fondatrices du mouvement de protestation Kefaya, généralement perçu comme l’un des précurseurs clés du soulèvement de janvier 2011, a fait le commentaire suivant :
« Alaa est un des critiques de sa génération les plus virulents et les plus intransigeants de la violence et de la répression d’État. Dans la conjoncture actuelle, ceux qui sont au pouvoir tentent de vendre le mythe voulant que l’ensemble du pays fasse bloc derrière eux contre les Frères musulmans et leurs alliés. Le fait que Alaa, très bruyant dans ses critiques des Frères musulmans pendant que Morsi était président, condamne – encore plus fortement – le comportement criminel actuel de la police et de l’armée, fait voler ce mythe en éclats. En particulier parce qu’il n’est pas seul à adopter cette position. L’arrêter et le diaboliser dans les médias ne fait que transmettre aux critiques le message du régime qui est qu’ils doivent se la fermer. »
Le régime actuel a déjà infligé à Alaa (ainsi qu’à sa sœur Mona Seif) une peine d’emprisonnement d’un an avec sursis à l’occasion d’un procès bidon similaire, mais distinct. Les charges actuelles pourraient le rendre passible de plusieurs années de prison supplémentaires. Selon Ahmed Seif, éminent avocat défenseur des droits de la personne et père d’Alaa Abd El Fattah :
« La poursuite a fait tout ce qu’elle a pu pour bloquer l’appel d’Alaa contre son incarcération préventive. Cela fait plus d’un mois que la poursuite a terminé son enquête et a renvoyé l’affaire devant la Cour criminelle, mais les avocats n’ont toujours pas été autorisés à prendre connaissance du dossier, et on n’a encore fixé ni de district ni de date pour le procès. »
Tandis qu’approche le troisième anniversaire de la révolution du 25 janvier, nous faisons part de notre inquiétude de voir l’affaire d’Alaa imprimer une tendance troublante pour les libertés civiles en Égypte.
Les soussignés exigent la libération immédiate et la tenue d’un procès équitable pour tous ceux qui sont détenus injustement, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que l’Égypte a ratifiés.
Signé,