Le programme "Contravía" est revenu à l'écran après huit mois d'interruption.
(RSF/IFEX) – Le programme « Contravía » devait revenir à l’écran le 17 septembre 2009 après huit mois d’interruption, sur la chaîne publique Canal Uno. Conduit par le journaliste indépendant Hollman Morris, cette émission occupe une place fondamentale dans l’espace médiatique, notamment pour son traitement du conflit armé qui mine le pays depuis près d’un demi-siècle.
Reporters sans frontières salue ce retour à l’antenne et plaide pour la sécurité de l’équipe de « Contravía », régulièrement menacée et dans le collimateur du gouvernement d’Alvaro Uribe.
Récompensé de plusieurs prix colombiens et internationaux pour la qualité de sa production et son engagement en faveur des droits de l’homme, « Contravía » constitue l’un des rares lieux du paysage médiatique colombien à donner la parole aux victimes de la guerre, aux communautés indigènes et d’ascendance africaine.
« L’existence de médias indépendants et de qualité est essentielle pour que les nombreuses victimes du conflit colombien ne soient pas oubliées. Sa reprise est donc une excellente nouvelle pour le pluralisme et la diversité de la presse en Colombie », a déclaré Reporters sans frontières.
« Contravía » est né en juin 2003 d’une initiative du Programme andin pour la démocratie et les droits de l’Homme, qui souhaitait promouvoir l’exercice démocratique des communautés avec le support d’une émission télévisée. A raison d’une diffusion hebdomadaire sur Canal Uno, « Contravía » connaît un rapide succès grâce à la qualité de son contenu journalistique, sa réussite pédagogique et son apport à la culture de la démocratie en Colombie.
« Pourtant, le chemin n’a pas été facile », a confié Hollman Morris à Reporters sans frontières, rappelant que le programme a dû être interrompu pour des raisons de sécurité en décembre 2008. « Nous avons été victimes de menaces et de tentatives de discrédit, de la part d’acteurs armés, mais aussi du président de la République lui-même, Alvaro Uribe. »
Morris et son équipe ont essuyé des intimidations de l’armée lors de la récente couverture d’une libération d’otages de la guérilla des Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC), mais surtout la mise sur écoute de plusieurs journalistes colombiens au ton critique, dont Morris, par le Département administratif de sécurité (DAS, service de renseignements).
Quelques heures avant la reprise du programme, Morris a confié à RSF la peur persistante de l’équipe de « Contravía ». Crainte qu’un jour, au cours d’un reportage, l’un d’eux ne soit victime d’un « accident » ou d’une détention arbitraire, comme par le passé.
Reporters sans frontières appelle en conséquence les autorités colombiennes à offrir toutes les garanties de sécurité à l’équipe de « Contravía ». « Nous demandons tout particulièrement au président de la République, Alvaro Uribe, de respecter la liberté de la presse, comme principe constitutionnel dont il est le garant, en permettant à l’ensemble de l’équipe d’exercer son travail autrement que dans la crainte », a conclu l’organisation.