L'armée doit se plier aux exigences de l'accès à l'information, a déclaré RSF.
(RSF/IFEX) – Le refus opposé par l’état-major de l’Armée à la demande d’accès d’un procureur à une partie des archives des dictatures militaires constitue un scandaleux déni d’accès à l’information publique sur un thème crucial. RSF soutient l’initiative du gouvernement d’Evo Morales, annoncée cette semaine, de déclassifier les documents de l’armée relatifs à une période sur laquelle la lumière doit être faite, et dont journalistes et citoyens ont droit de prendre connaissance. L’armée doit se plier aux exigences de l’accès à l’information.
Une commission civile, dirigée par le procureur Milton Mendoza, s’est vu confier la charge d’enquêter sur 156 disparitions commises à l’époque des régimes militaires, en particulier les dictatures du général Hugo Banzer (1971-1978) et du colonel Luis García Meza (1980-1981). Le 17 février 2010, Milton Mendoza, dépêché dans les locaux de l’état-major de l’Armée à La Paz, en est ressorti une heure plus tard en dénonçant une « obstruction au processus d’enquête » de la part du haut commandement. Le même jour et peu avant cette visite avortée, le ministre de la Défense, Rubén Saavedra, a souligné que les forces armées avaient reçu un ordre judiciaire les obligeant à coopérer. Il y a donc eu manquement à la loi.
La majorité des disparitions ont eu lieu sous la dictature de Luis García Meza, arrivé au pouvoir par un coup d’État en juillet 1980 et condamné pour ces faits à une peine de trente ans de prison qu’il purge depuis treize ans.
Il est impératif que tous les pays autrefois sous la botte du Plan Condor (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Paraguay, Uruguay) se dotent d’une législation d’accès à l’information imposant à leurs institutions militaires de répondre aux demandes de la presse, de la justice et des organisations de la société civile. Il n’y va pas seulement de la liberté d’informer, mais de la mémoire collective.
L’Argentine a inauguré cette démarche le 6 janvier dernier par décret gouvernemental. Au Brésil, le projet « Mémoires révélées » d’inspiration gouvernementale a instauré une déclassification partielle des archives militaires en attendant une loi globale. En Uruguay, l’accès à l’information est acquis à la faveur d’une loi votée en 2008 mais la presse continue de se heurter aux blocages et à l’hostilité d’une armée toujours silencieuse sur ses crimes passés.