"Tout semble indiquer qu’il s’agit d’une attaque planifiée et coordonnée dans le but de déstabiliser le travail de médias d’envergure nationale, et de semer la peur dans les rédactions de manière générale. Elle fait monter d’un cran le climat d’insécurité et d’autocensure ..."
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 22 mars 2023.
Cinq journalistes de chaînes de télévision et de radio privées ont été visés par des lettres contenant des clés USB piégées à l’explosif. Reporters Sans Frontières (RSF) dénonce une campagne d’intimidation envers les journalistes et demande aux autorités équatoriennes de tout mettre en œuvre pour identifier et amener devant la justice les responsables de ces actes
C’est à son retour de congé paternité le 20 mars que Lenin Artieda, présentateur de la chaîne de télévision Ecuavisa à Guayaquil, a ouvert le courrier qui lui était adressé. Une des enveloppes contenait une mystérieuse clé USB. Lorsqu’il l’a connectée à son ordinateur, une légère explosion s’est produite, l’atteignant superficiellement à la main et au visage. Quatre courriers similaires ont été adressés à des journalistes travaillant pour les chaînes TC Television à Guayaquil, Teleamazonas et la radio EXA, basées à Quito. Ces médias d’envergure nationale ont en commun une ligne éditoriale plutôt favorable au gouvernement conservateur de Guillermo Lasso.
, qui est déjà le quotidien des journalistes qui travaillent dans les régions portuaires, plaques tournantes internationales du trafic de drogue. RSF demande aux autorités équatoriennes de mener une enquête approfondie afin de faire toute la lumière sur cette attaque dirigée contre des journalistes.”
Selon le chef de la police criminelle Xavier Chango, la substance retrouvée dans les clés USB piégées est du RDX, un explosif de type militaire, aussi utilisé dans l’industrie minière. Les cinq enveloppes ont été expédiées depuis la localité de Quimsaloma, située à mi-chemin entre Quito et Guayaquil. La police tente de retrouver l’expéditeur, qui a laissé un nom et un numéro de téléphone auprès de l’entreprise de livraison.
En attendant, les journalistes ciblés continuent de travailler “normalement”, confie Miguel Rivadeneira, journaliste de la radio EXA a Quito, tout en précisant : “Je ne bénéficie d’aucune protection spécifique mais je prends désormais quelques précautions. Par exemple, je change régulièrement d’itinéraire pour me rendre à la rédaction.”
Ces attaques témoignent de la détérioration globale des conditions de travail pour les journalistes en Équateur, en particulier dans les régions portuaires comme Guayaquil, épicentre de la violence croissante dans le pays liée à la montée en puissance des cartels de la drogue. En octobre 2022, deux hommes à moto ont tiré une rafale de balles sur l’entrée de la chaîne de télévision RTS à Guayaquil . En 2020, dans la même ville, un bâton de dynamite avait explosé devant celle de la chaîne Teleamazonas.