(RSF/IFEX) – Dans une lettre ouverte au président Romano Prodi, RSF interpelle la Commission européenne sur le financement d’un programme d’appui aux médias tunisiens (2,15 millions d’euros, environ 2,73 millions de $US) qui vise, selon les autorités bruxelloises, à « renforcer la presse (. . .) dans un contexte d’approfondissement des liens entre les médias et […]
(RSF/IFEX) – Dans une lettre ouverte au président Romano Prodi, RSF interpelle la Commission européenne sur le financement d’un programme d’appui aux médias tunisiens (2,15 millions d’euros, environ 2,73 millions de $US) qui vise, selon les autorités bruxelloises, à « renforcer la presse (. . .) dans un contexte d’approfondissement des liens entre les médias et la société civile en Tunisie ».
« Nous sommes à la fois émerveillés par cette langue de bois et abasourdis par tant de cynisme. A croire que les concepteurs d’un tel « programme » ne savent rien des médias tunisiens. Presse, radio, télévision, tout le paysage médiatique est aux ordres, soumis au bon vouloir du prince (. . .). Internet est sous surveillance. Dans les cybercafés, des centaines de sites sont inaccessibles. La douzaine de fournisseurs d’accès au réseau sont tous contrôlés par le pouvoir ou ses proches. Quant aux journalistes qui tentent de faire entendre un autre son de cloche, ils sont harcelés en permanence, réduits au silence, contraints à l’exil ou encore, tout simplement dégoûtés de ce métier qu’ils ne peuvent décidément pas exercer. Deux d’entre eux croupissent en prison (. . .). Ce « programme d’appui aux médias » fera rire jaune tous ceux qui sont un tant soit peu attentifs au sort des libertés sous le règne de Monsieur Ben Ali. (. . .) Est-ce à dire que rien ne peut être fait pour aider les journalistes tunisiens ? Evidemment non. D’ailleurs, pendant des années, cette même Europe a aidé Reporters sans frontières à venir au secours des victimes de M. Ben Ali. Les noms de Taoufik Ben Brick, de Sihem Bensedrine ou de Zouhair Yahyaoui sont dans toutes les têtes. Bruxelles avait alors le goût – et le courage – de faire la différence entre la Tunisie et le régime tunisien, les succès d’une nation et les turpitudes d’une famille qui a mis ce pays en coupe réglée. Faudra-t-il bientôt parler au passé de ces audaces qui faisaient de l’Europe le meilleur défenseur des démocrates tunisiens ? Faut-il se résigner à voir les Quinze s’aligner sur un Jacques Chirac plaidant la cause du « démocrate » Ben Ali ? On est enclin à le penser », a écrit Robert Ménard, secrétaire général de RSF dans cette lettre.
« Reste dans l’immédiat une seule porte de sortie honorable. Qu’on raye d’un trait de plume ces quelque deux millions de subsides. En ces temps de rigueur budgétaire, personne ne devrait trouver à y redire. Pour une fois, les économies rimeraient avec la morale », a conclu Ménard.
RSF avait déjà proposé aux instances européennes une autre approche de « cet appui aux médias », qui excluait les organes de propagande et proposait de venir en aide – au nom d’une ingérence médiatique – aux quelques journaux ou télévisions qui, depuis l’étranger, tentent de diffuser une autre information.