Mohamed Brahmi est le second dirigeant important de l'opposition assassiné par balles en Tunisie depuis que le président Zine el-Abidine Ben Ali a été évincé du pouvoir en janvier 2011.
Les autorités tunisiennes devraient lancer avec célérité une enquête approfondie et transparente sur l’assassinat, le 25 juillet 2013 à Tunis, d’une figure de l’opposition politique, Mohamed Brahmi. Mohamed Brahmi est le second dirigeant important de l’opposition assassiné par balles en Tunisie depuis que le président Zine el-Abidine Ben Ali a été évincé du pouvoir en janvier 2011.
Le premier a été Chokri Belaid, qui était membre de la même coalition de partis de gauche que Mohamed Brahmi, le Front populaire, et qui a été abattu de manière similaire le 6 février. Les autorités affirment avoir arrêté des complices présumés de cet assassinat, mais pas leurs auteurs, et n’ont encore traduit personne en justice.
« Mohamed Brahmi est la seconde figure politique de l’opposition à être assassinée à bout portant dans la rue en l’espace de six mois », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les autorités doivent rechercher activement les auteurs de ce meurtre et indiquer clairement que les assassinats politiques ne seront pas tolérés dans le processus de transition démocratique de la Tunisie. »
Mohamed Brahmi critiquait ouvertement le gouvernement, où le parti islamiste Ennahdha est majoritaire au sein d’une coalition formée avec deux autres partis, Ettakatol et le Congrès pour la République. Personne jusqu’à présent n’a revendiqué la responsabilité de son assassinat.
Brahmi était membre de l’Assemblée nationale constituante, où il représentait la circonscription électorale de Sidi Bouzid, lieu de naissance du soulèvement populaire tunisien en 2011. Il était secrétaire général du parti nationaliste de gauche Le Courant populaire jusqu’au 7 juillet, date à laquelle il avait quitté cette formation et annoncé son intention de fonder un nouveau parti.
Selon des informations préliminaires recueillies par les chercheurs de Human Rights Watch, les agresseurs ont tiré sur Brahmi à bout portant, à plusieurs reprises, vers midi, alors qu’il montait dans sa voiture devant son domicile dans le quartier d’El Ghazala à Tunis.
Une voisine, dont la maison est située en face de celle de Mohamed Brahmi, a indiqué à Human Rights Watch qu’elle avait d’abord entendu un coup de feu, puis plusieurs tirs successifs, comme s’ils provenaient d’une arme automatique. Elle a couru dehors en compagnie de son mari et de son fils et a vu Brahmi affalé sur le siège de la voiture, au côté de sa fille qui lui tenait la main. La voisine a ajouté qu’un autre voisin avait transporté Brahmi à l’hôpital Mohamed Materi à Ariana, où les médecins ont constaté son décès.
Le fils de Brahmi, Adnen, a affirmé aux chercheurs de Human Rights Watch qu’il avait entendu un premier coup de feu, puis un second, et ensuite plusieurs autres tirs comme s’il s’agissait d’une rafale de fusil mitrailleur. Sa sœur et lui sont sortis en courant de la maison, a-t-il dit, et quand ils sont arrivés près de la voiture, il a vu deux hommes qui s’enfuyaient à moto au bout de la rue.
Le 25 juillet est la Journée de la République en Tunisie, une fête nationale qui commémore la proclamation de l’indépendance en 1956.
Les assassins de Belaid, qui dirigeait un parti de gauche, le Mouvement des patriotes démocrates, ont aussi tiré sur lui à bout portant et à plusieurs reprises alors qu’il montait en voiture, au matin du 6 février, près de son domicile dans le quartier de « Menzah 6 » à Tunis.
A l’époque, le ministère de l’Intérieur avait indiqué que l’assassinat avait été perpétré par deux hommes qui s’étaient enfuis à moto. L’enquête sur cet assassinat a mené à l’arrestation de quatre personnes soupçonnées de complicité, selon le ministère. Mais huit autres, dont les auteurs du meurtre, n’ont toujours pas été arrêtées, toujours selon le ministère.
La Tunisie a connu plusieurs épisodes de violence et d’agressions politiques de la part de personnes qui semblent motivées par la poursuite d’un programme islamiste extrémiste, compte tenu des opinions des victimes en matière politique et culturelle.
Dans de nombreux cas, les autorités semblent avoir pris des mesures insuffisantes pour enquêter sur ces agressions et poursuivre leurs auteurs, ainsi que pour prévenir les dangers supplémentaires pesant sur la vie et la sécurité des victimes. Human Rights Watch a ainsi détaillé plusieurs affaires où les victimes ont déposé plainte auprès de postes de police locaux ou devant les tribunaux, mais n’ont jamais reçu aucune nouvelle d’un suivi de leur dossier.
« Le pluralisme politique a été jusqu’à présent un atout dans le processus de transition démocratique de la Tunisie », a conclu Eric Goldstein. « Mais cette transition risque de dérailler si des assassins peuvent liquider des hommes politiques en toute impunité. »