Christian Poveda était l'un des rares professionnels à avoir couvert de l'intérieur le phénomène des gangs locaux.
(RSF/IFEX) – Le 1er september 2010 – Journaliste, documentariste et témoin engagé, Christian Poveda nous a quittés il y a un an, à l’âge de 54 ans. Son assassinat attribué à des membres de gangs, le 2 septembre 2009 dans la proche banlieue de San Salvador, a fait perdre à la profession l’un des meilleurs connaisseurs de la réalité centre-américaine, trop souvent ignorée de la presse internationale. Christian avait couvert les guerres civiles au Nicaragua et au Salvador dans les années 70-80. Revenu au Salvador durant la décennie 90, il était l’un des rares professionnels à avoir couvert de l’intérieur le phénomène des gangs locaux, en consacrant seize mois de tournage au quotidien de la Mara 18. La Vida Loca, son œuvre majeure tirée de cette expérience, est sortie en France deux semaines après son assassinat.
Le nom de Christian Poveda figurera sur la nouvelle stèle des journalistes tués en 2009 dans l’exercice de leur métier, dont l’inauguration aura lieu le 7 octobre prochain au Mémorial de Bayeux. La Vida Loca sera, auparavant, projeté au festival Biarritz Amérique latine du 27 septembre au 3 octobre ( http://www.festivaldebiarritz.com/ ).
L’enquête sur l’assassinat de Christian Poveda a connu d’importants développements au cours de l’année 2010. Suivie de près par le président Mauricio Funes, lui-même journaliste de métier, elle a révélé une réelle volonté politique et judiciaire de s’emparer d’un cas emblématique de la violence qui mine le pays et le classe parmi les plus dangereux du continent.
L’arrestation en avril dernier du chef de gang Daniel Cabrera Flores alias « El Black », commanditaire présumé de l’assassinat de Christian Poveda, suivie de celle, un mois plus tard, d’Iván Antonio Leiva, suspect de son exécution directe, portent désormais à 33 le nombre d’inculpés dans cette affaire, deux individus étant toujours recherchés. Alain Mingam, ami proche de la victime et membre du conseil d’administration de Reporters sans frontières, se souvient de cette conversation avec Christian, lucide, peu avant sa mort : « J’ai rendez-vous à La Campanera, avec quatre fous furieux. » Alain Mingam salue les progrès de l’enquête tout en soulignant « la difficulté à établir les responsabilités, à rétablir la vérité des faits devant l’abondance des suspects ».
Nous partageons cette crainte. Jean-François Julliard, secrétaire général de l’organisation, s’en est fait l’écho en recevant Mme Dina Mendoza-Christophe, ministre-conseiller de l’ambassade du Salvador en France. Reporters sans frontières reste mobilisée pour que justice soit rendue et prévoit une mission dans le pays pour la fin de l’année. Nous sollicitons d’ores et déjà une rencontre avec le président Mauricio Funes à cette occasion.