Majed Karout était accusé d’avoir posté sur sa page Facebook des propos “mensongers”, suite à une image posté sur Facebook par un tiers dans laquelle il a été tagué. Le visuel en question, qui sous entendait que le directeur de la branche locale du service des communications était impliqué dans des affaires de corruption
(RSF/IFEX) – Le 7 juin 2012 – Majed Karout, reporter du journal en ligne Masdar Online, était accusé d’avoir posté sur sa page Facebook des propos “mensongers”. Le 4 juin 2012, le tribunal de la province d’Al-Bayda a rendu son verdict : un an de prison et 200 000 ryals d’amende (soit près de 750 euros).
“Reporters sans frontières est scandalisée par ce verdict démesuré. Outre le fait que les accusations portées contre le journaliste soient totalement infondées, les autorités judiciaires ont entièrement bafoué les droits à la défense en déniant informer l’accusé sur son procès”, a déclaré l’organisation.
Le 18 février 2011, le journaliste Majed Karout avait été tagué dans une image posté sur Facebook par un tiers. Le visuel en question, qui sous entendait que le directeur de la branche locale du service des communications, Mohamed Moussa Al-Qarfoushi, était impliqué dans des affaires de corruption, était accompagné d’une lettre qui aurait été adressée par les fonctionnaires du service à de haut-responsables yéménites, dont le ministre des Communications. Cette lettre, longue de plusieurs pages, recensait de très nombreuses infractions qu’aurait commises le directeur du service, notamment à des fins d’enrichissement personnel.
Deux jours plus tard, en réaction à ces accusations de corruption, une plainte a été déposée par Mohamed Moussa Al-Qarfoushi et par le directeur financier de la branche, Kamal Al-Najjar. Étrangement, cette plainte visait Majed Karout, bien qu’il ne soit pas l’auteur de cette publication, ni même celui qui l’ait mise en ligne. C’est alors qu’a démarré une procédure judiciaire ahurissante :
Après avoir reçu l’acte d’accusation de la part du procureur, le tribunal de première instance de la province d’Al-Bayda a tenu trois séances, dont la dernière s’est déroulée il y a un peu plus de cinq mois. Cependant, le journaliste n’y a pas été convoqué, au mépris des droits les plus élémentaires de la défense. Le journaliste a enfin pris connaissance de la procédure intentée contre lui après la publication de sa convocation dans le journal officiel Al-Jomhuryah. De bonne foi, Majed Karout s’est rendu au tribunal à la date mentionnée, mais l’audience a été ajournée en raison de l’absence du juge, parti en vacances.
Au retour de celui-ci, le 4 juin dernier, une quatrième séance a eu lieu, là encore sans que le journaliste n’en soit averti. Lors de celle-ci, il a été décidé que ce dernier serait condamné à un an de prison ferme pour “publication, en connaissance de cause et avec l’intention de nuire, d’informations impliquant de façon mensongère Mohamed Moussa Al-Qarfoushi et Kamal Najjar sur internet, à travers le site Facebook (…)”.
Le 6 juin, Majed Karout a appris que le juge avait à nouveau quitté la région dès le verdict prononcé. Contacté par Reporters sans frontières, le journaliste a dit avoir fait appel de la décision, précisant que les magistrats de la Cour d’appel sont aux abonnés absents depuis plus de huit mois.
Les conditions dans lesquelles la justice a été rendue laisse croire à un possible règlement de compte, destiné à museler Majed Karout. Ses écrits sur des affaires de corruption au niveau local, et sa couverture de manifestations dans la province d’Al-Bayda, auraient peut-être incité les responsables locaux à profiter de la publication d’accusations de corruption envers Mohamed Moussa Al-Qarfoushi pour tenter de mettre un terme aux activités du journaliste.
Rappelons qu’en juillet 2010, Majed Karout avait déjà essuyé des menaces et des insultes de la part du gouverneur de la région d’Al-Bayda, Mohamed Nasser Al-Amiry. Le journaliste avait écrit plusieurs articles critiquant sa politique et sa corruption. Le harcélement exercé contre les professionnels de l’information enquêtant sur des affaires de corruption, particulièrement à un niveau local, est quasiment systématique au Yémen.