Le juge du tribunal pénal de Guiza a décidé de placer le journaliste Islam Afifi en détention préventive jusqu’à la tenue de la prochaine audience de son procès.
(RSF/IFEX) – Le 23 août 2012 – Reporters sans frontières exprime sa plus vive inquiétude sur les restrictions de la liberté de la presse en Egypte, suite aux dernières décisions prises par les nouvelles autorités, récemment élues.
L’organisation s’inquiète également de la décision du juge du tribunal pénal de Guiza de placer, le 23 août 2012, le journaliste Islam Afifi en détention préventive jusqu’à la tenue de la prochaine audience de son procès, prévue le 16 septembre prochain.
Le rédacteur en chef du quotidien « Al-Dostour » est poursuivi pour “publication d’informations mensongères” ayant porté atteinte au Chef de l’Etat. Il lui est reproché de risquer de nuire à l’intérêt général et de déstabiliser Égypte. Le 11 août dernier, la justice avait fait saisir les exemplaires du quotidien, dont la Une mettait en garde contre l’établissement d’un “émirat” des Frères musulmans en Égypte. L’enquête du parquet fait suite à plusieurs plaintes.
“Ce 23 août 2012 est un triste jour pour la liberté de la presse en Égypte : pour la première fois depuis la révolution du 25 janvier 2011, un professionnel de l’information est emprisonné pour ses écrits. Les autorités judiciaires bafouent ainsi les aspirations du peuple égyptien à la liberté, exprimées lors des manifestations en 2011 et 2012. Nous demandons la libération immédiate de ce journaliste”, a déclaré Reporters sans frontières.
Interrogé par l’Agence France-Presse avant l’annonce de son placement en détention, Islam Afifi avait dénoncé le caractère “politique ” de son procès.
Cette décision s’inscrit dans un contexte particulièrement inquiétant de régression de la liberté de l’information en Égypte.
En effet, le 8 août 2012, le président Mohamed Morsi, qui a officiellement pris ses fonctions le 30 juin 2012, a fait nommer, par le Conseil de la Choura (chambre haute), dominée par le Parti de la Liberté et de la Justice des Frères musulmans (58,8% des sièges avec 107 sièges), les directeurs et rédacteurs en chef des titres de la presse gouvernementale, lesquels étaient farouchement hostiles à la confrérie, autrefois interdite. Plusieurs personnalités proches du PLJ ont ainsi été nommées. Ces nominations allaient à l’encontre des demandes formulées par les journalistes de ces médias qui réclamaient que ces rédacteurs en chef soient élus ou désignés par un organe indépendant.
“De telles pratiques reproduisent les modes de nomination à l’oeuvre du temps de l’ère d’Hosni Moubarak. Elles perpétuent la tradition de contrôle des médias publics. Cette main-mise doit prendre fin”, estime Reporters sans frontières, qui exhorte les autorités égyptiennes à revenir sur ces nominations. “L’indépendance des médias publics est l’une des garanties de la liberté de l’information dans un pays qui aspire à mettre en place un système démocratique”. Par ailleurs, l’organisation restera également attentive à la rédaction de la nouvelle constitution et à la manière dont ce texte assurera une protection réelle des libertés fondamentales.
Ces nominations ne sont pas restées sans conséquence sur la ligne éditoriale des journaux en question. En effet, d’après l’ANHRI , ces médias ont cessé de publier certains articles critiques. L’ONG mentionne le cas du journal « Al-Akhbar » qui a revu sa maquette, en supprimant la rubrique “Free opinion page”. Le quotidien a notamment interrompu la publication des chroniques hebdomadaires de l’écrivain et romancier Ibrahim Abdulmeged. Pour l’auteur, cette décision est le résultat avec la nouvelle politique éditoriale mise en place au lendemain de la nomination du nouveau rédacteur en chef, Mohamed Hassan Al-Bana, par le Conseil de la Choura, qui refuse toute collaboration avec des auteurs critiques à l’égard des Frères musulmans. Il en vient tristement à regretter les rédacteurs en chefs désignés par le Parti national démocrate du temps d’Hosni Moubarak, “plus professionnels” à ses yeux. L’ANHRI entionne également le cas de l’article de Youssef Al-Qaeed, “Ni écoute ni obéissance”, qui dénonçait le siège de l’Egyptian Media Production City par des jeunes des Frères musulmans, menaçant des journalistes pour avoir critiqué le Président. Le journal a également interdit la publication de l’article de Aabla Al-Riwaini qui dénonçait la “brotherisation” de la presse écrite. L’auteur avait refusé de se conformer aux pressions de la rédaction qui lui demandait de retirer le terme “brotherisation”.
L’article de Ghada Nabeelqui critiquait ces interdictions de publication n’a pu à son tour être publié dans le quotidien pro-gouvernemental « Al-Gomhurria ». La journaliste s’inquiète de ces pratiques et de leur systématisation.
“Ces interdictions de publication d’articles critiques à l’égard des Frères musulmans dans les journaux proches du gouvernement montrent clairement la volonté de la rédaction, placée sous la tutelle du Conseil de la Choura, de
faire pression sur les journalistes qui se montrent critiques à l’égard de la politique menée par le pouvoir. Tout comme la question des nominations, elles remettent également en question l’indépendance des médias publics”,
s’est inquiétée Reporters sans frontières.
Le 9 août dernier, trois journaux indépendants, « Al-Watan », « Al-Tahrir » et « Al-Masry Al-Youm », avaient publié des encarts à la place de leurs éditoriaux, pour dénoncer la volonté, selon eux, des Frères musulmans de contrôler les
médias.
En outre, le présentateur de télévision Tawfiq Okacha, propriétaire de la chaîne El-Faraeen (Les Pharaons), connu pour son hostilité aux Frères musulmans et au président Morsi, est quant à lui poursuivi pour “incitation au meurtre du président Morsi et au renversement du pouvoir”. Son procès s’ouvrira le 1er septembre prochain. La diffusion de la chaîne a été suspendue pour un mois. Elle pourrait être définitivement fermée.