Human Rights Watch a observé le procès et consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui montre que ces graves accusations sont vraisemblablement infondées et ne reposent sur aucune preuve crédible.
Cet article a été initialement publié sur hrw.org le 5 mars 2025.
Les prévenus encourent jusqu’à la peine de mort s’ils sont reconnus coupables
Un procès très attendu, portant sur un soi-disant complot contre l’État, s’est ouvert ce mardi à Tunis. Il ne devrait pas avoir lieu. Une quarantaine de personnes, dont des opposants politiques, des militants, des avocats et d’autres personnalités sont accusées de « complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État » et de terrorisme, soupçonnées d’avoir conspiré afin de renverser le gouvernement du président tunisien Kais Saied.
Human Rights Watch a observé le procès et consulté les 140 pages de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction – renvoyant l’affaire devant le tribunal –, qui montre que ces graves accusations sont vraisemblablement infondées et ne reposent sur aucune preuve crédible. Pourtant, certains prévenus sont arbitrairement maintenus en détention provisoire depuis deux ans déjà, largement au-delà de la durée maximale prévue en droit tunisien. S’ils sont reconnus coupables, ils risquent des peines sévères, dont la peine capitale.
Les autorités tunisiennes ont entrepris de bafouer davantage encore le droit à un procès équitable dans cette affaire. Le 26 février 2025, la présidente du Tribunal de première instance de Tunis et le procureur de la République, invoquant un « véritable danger», ont ordonné que les accusés comparaissent par vidéoconférence. La pratique des procès à distance est par essence abusive, puisqu’elle porte atteinte au droit des détenus à être présentés physiquement devant un juge afin qu’il puisse évaluer leur état de santé ainsi que la légalité et les conditions de leur détention. Les prévenus comparaissant en vidéo « sont également privés du soutien de leur famille », a souligné un avocat au cours de l’audience.
Le procès tant attendu s’est ouvert en l’absence des principaux suspects du complot présumé. La plupart ont refusé d’assister au procès par vidéoconférence. Les opposants politiques au président Saied qui sont détenus dans cette affaire, Jaouhar Ben Mbarek, Issam Chebbi, Abdelhamid Jelassi et Khayam Turki, ainsi que les avocats Ridha Belhaj et Ghazi Chaouachi, n’étaient pas présents ; pas plus que les leaders du parti d’opposition Ennahda, Nourredine Bhiri et Sahbi Atig, emprisonnés en lien avec d’autres affaires.
Seuls deux accusés, dont l’ex-député Said Ferjani, ont comparu devant la cour par vidéoconférence. Ceux qui n’étaient pas détenus, comme les avocats Ayachi Hammami, Ahmed Nejib Chebbi et Lazhar Akremi, ainsi que la militante politique Chaima Issa, ont comparu en personne. D’autres, forcés à l’exil à cause de ces poursuites judiciaires, sont considérés en fuite.
En dépit de graves préoccupations concernant la régularité des procédures de ce procès, les juges ont refusé hier toutes les demandes de libération.
Les autorités tunisiennes devraient cesser d’inculper abusivement les personnes perçues comme critiques et garantir un procès équitable à tous les prévenus, notamment la possibilité de comparaître en personne. Mais la Tunisie devrait surtout mettre fin à cette imposture en libérant immédiatement toutes les personnes arbitrairement détenues dans cette affaire et en abandonnant ces accusations abusives contre tous les prévenus.