Mohammed Al-Abdulkarim avait publié sur Internet un article évoquant les conflits au sein de la famille royale.
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières dénonce l’arrestation de Mohammed Abdallah Al-Abdulkarim, professeur de droit de 40 ans, le 5 décembre 2010 à Riyad.
Après le départ pour les États-Unis du roi Abdallah bin Abdulaziz Al-Saoud, pour raisons médicales, Mohammed Al-Abdulkarim avait publié, le 23 novembre 2010, sur le site http://royaah.net/, un article évoquant les conflits au sein de la famille royale, notamment les querelles sur la succession au roi Abdallah et leurs conséquences pour l’avenir politique de l’Arabie saoudite. Dans cette publication, il mentionnait non seulement de l’état de santé du roi, mais également des potentiels successeurs du souverain, âgé de 86 ans.
Moins de deux semaines plus tard, le net-citoyen a été arrêté par quatre hommes à son domicile, sans mandat légal, et sans qu’aucun chef d’inculpation n’ait été délivré à son encontre. Il est actuellement incarcéré à la prison d’Al-Hair, au sud de la capitale. Toute communication avec sa famille lui est interdite. Les charges officielles contre lui n’ont pas été communiquées.
Mohammed Al-Abdulkarim est un militant reconnu pour son combat pour les droits politiques et civiques. Membre de nombreuses organisations arabes et internationales de défense des droits de l’homme, il enseigne la jurisprudence à l’université Imam Mohammed bin Saoud, l’une des principales universités islamiques du pays.
L’information de son interpellation a été dans un premier temps diffusée grâce à sa page Facebook, avant d’être reprise par de nombreux sites Internet. De nombreuses organisations saoudiennes de défense des droit de l’homme ont publiquement dénoncé cette arrestation. Pour l’Observatoire des droits de l’homme en Arabie saoudite, elle constitue une violation claire des fondements de la bonne gouvernance et des principes des droits de l’homme. L’organisation insiste dans son communiqué sur le dangereux fossé qui se creuse entre les gouvernants et les gouvernés dans le royaume. L’ACPRA (Association saoudienne pour les droits civils et politiques) a également souligné la logique policière du ministère de l’Intérieur et de l’importance pour les autorités saoudiennes de respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme.
Plusieurs pages Facebook ainsi qu’un hashtag (#FreeDrAbdulkarim) sur Twitter ont été créés pour demander sa libération immédiate. La page Facebook « We are all Mohammed Abdulkarim » compte déjà plus de 300 membres, et la page « Free Dr. Abdulkarim » près de 650.
Reporters sans frontières rappelle que Sheikh Mekhlef bin Dahhamal-Shammari, un autre net-citoyen, militant des droits de l’homme, réformateur social et écrivain, est emprisonné depuis le 15 juin 2010. Son arrestation serait liée à ses critiques de responsables politiques et religieux, notamment dans le cadre de ses publications en ligne sur les sites d’informations http://www.saudiyoon.com et http://www.rasid.com . Ses articles traitaient notamment de la pauvreté, du chômage, des discriminations envers la minorité shiite, et de l’échec du développement du tourisme. Il critiquait également « l’obsession de la morale » des autorités, en particulier le maintien de la séparations entre hommes et femmes.
La censure du Net est généralisée dans le pays. Les autorités revendiquent le blocage d’environ 400 000 sites. Les sites qui abordent la question de la religion, les droits de l’homme ou les prises de position de l’opposition sont généralement rendus inaccessibles. Lundi, le site http://royaah.net/ n’était cependant toujours pas censuré.
L’Arabie saoudite figure à la 157e place, sur 178 pays, dans le classement mondial de la liberté de la presse, réalisé par Reporters sans frontières pour 2010, et fait partie des « Ennemis d’Internet ». Le roi Abdallah bin Abdulaziz Al-Saoud est considéré par l’organisation comme un des quarante prédateurs de la liberté de la presse.