La rédaction du site Mapuexpress a fait savoir que la jeune femme, âgée de 29 ans, avait été victime de mauvais traitements de la part des carabiniers.
(RSF/IFEX) – le 17 mai 2011 – Un vaste mouvement de protestation mobilise en ce moment nombre de citoyens contre l’approbation imminente du projet Hydroaysén d’implantation de cinq barrages hydroélectriques en Patagonie. Dans le sud du pays, à Temuco, une manifestation fortement réprimée au bout de cinq minutes s’est soldée par la détention, le 13 mai 2011, de la photographe et collaboratrice du site Mapuexpress ( http://www.mapuexpress.net/ ), Marcela Rodríguez.
La rédaction du site a fait savoir à Reporters sans frontières que la jeune femme, âgée de 29 ans, avait été victime de mauvais traitements de la part des carabiniers. Elle devrait comparaître devant la justice le 22 juin prochain avec dix autres personnes poursuivies comme elle pour « désordre public », d’après le site de la station Radio Bío Bío. Le ministère public a requis pour chacune 300 jours de prison et une amende tributaire au cas où les prévenus refuseraient de reconnaître leur responsabilité dans les faits cités.
« Nous espérons que dans le cadre de cette procédure, les carabiniers fourniront à la fois des explications sur leur comportement au cours de la détention de la web-journaliste et sur les atteintes préalablement commises contre la liberté de réunion et la liberté d’informer pourtant garanties par la Constitution. A Santiago, 30 000 personnes ont défilé. Pourquoi la manifestation, de moindre ampleur, et sa couverture ont-elles tourné courts si vite à Temuco ? Le conflit suscité par le projet Hydroaysén se superpose au lourd contentieux territorial entre les communautés Mapuches et les autorités dans cette région du pays. Le sort de Marcela Rodríguez prend un écho particulier quand au même moment, le cas de la documentariste Elena Varela connaît un rebondissement inquiétant », a déclaré Reporters sans frontières.
Auteur du film « Newen Mapuche », portant sur le conflit agraire et environnemental opposant les peuples indigènes d’Araucanie au gouvernement, Elena Varela avait été arrêtée et inculpée dans une affaire de droit commun en cours de tournage en 2008, avant d’obtenir la relaxe et d’être libérée le 22 avril 2010. Les nombreuses zones d’ombre entourant le dossier laissaient soupçonner une manœuvre de censure contre la cinéaste, alors que deux équipes de documentaristes étrangers également venus couvrir la question Mapuche en Araucanie avaient été expulsés du pays durant la même période.
Le film d’Elena Varela est désormais prêt à la diffusion et commence d’ailleurs à être projeté dans certains festivals au Chili et dans d’autres pays (sa sortie est prévue en France en septembre 2011). Pourtant, dans une lettre datée du 13 avril dernier et dont nous avons reçu copie, la CORFO (Corporación de fomento de la producción – organisme public d’aide à la production) a opposé à Elena Varela une fin de non-recevoir à sa demande d’aide à la distribution nationale et internationale de « Newen Mapuche ». Motif : « l’œuvre nuirait à l’image du pays ». « Il est évident qu’il s’agit d’une censure politique », a réagi l’Association des documentaristes du Chili (ADOC) dans une lettre ouverte adressée, le 12 mai dernier, à Hernán Cheyre, vice-président exécutif de la CORFO et au ministre de la Culture, Luciano Cruz-Coke. La cinéaste a, quant à elle, déposé un recours auprès des services du ministère de la Culture dont la décision, attendue le 11 mai, n’est toujours pas venue.
« En attendant une réponse à nos demandes d’explications auprès de la CORFO, notre appréciation de l’affaire rejoint celle des cinéastes de l’ADOC. Le motif invoqué contre l’aide à la distribution de ‘Newen Mapuche’ sonne même comme la confirmation qu’Elena Varela avait bien été arrêtée, en 2008, pour avoir consacré un film à une question dont le gouvernement ne veut manifestement pas entendre parler. Outre son caractère techniquement absurde – puisque certaines projections ont lieu – une décision définitive au détriment du film révèle la persistance d’un tabou qu’il est grand temps de lever. Le documentaire d’Elena Varela soulève un vrai problème d’intérêt public national voire international. Au nom du débat, de la liberté d’expression et de la liberté d’information, ‘Newen Mapuche’ doit bénéficier d’une distribution normale », a déclaré Reporters sans frontières.