Le tribunal de première instance de Tunis a condamné l'universitaire Dr. Khedija Arfaoui à huit mois de prison ferme pour "diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler l'ordre public".
(OLPEC/IFEX) – Le 4 juillet 2009, le tribunal de première instance de Tunis a condamné l’universitaire Dr. Khedija Arfaoui, défenseure des droits des femmes, membre de l’Association tunisienne pour la recherche et le développement (AFTURD) à huit mois de prison ferme pour « diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler l’ordre public » selon l’article 49 du code de la presse.
Arfaoui avait rediffusé sur Facebook, le réseau social sur internet, une information faisant étant d’enlèvements d’enfants en Tunisie; Arfaoui avait repris sur sa page Facebook cette information qu’elle avait reçue d’une autre source, dans un contexte où une rumeur persistante sur le kidnapping d’enfants à des fins de trafic d’organes avait largement circulé dans toute la Tunisie au mois de mai dernier, ce qui a conduit le ministre de l’Intérieur à faire une conférence de presse où il avait formellement démenti cette rumeur.
Suite à cette déclaration publique, l’arrestation de l’universitaire « responsable de la propagation de la fausse rumeur » était annoncée dans tous les journaux officiels et officieux.
Selon les avocats d’Arfaoui, l’inculpée elle-même a appris le 31 mai par les journaux proches du pouvoir (« Echourouk » et « le Temps »), la date de son procès annoncé pour le 6 juin, sans trop comprendre qu’il s’agissait d’elle-même; Elle n’a reçu sa convocation au procès que la veille de l’audience, le 5 juin. Tandis que la défense n’a eu accès au dossier et n’a pu en disposer qu’à la deuxième audience qui s’est déroulée le 27 juin. Tout comme le verdict, rendu le 4 juillet qui avait été publié dans les journaux avant même que les avocats de la concernée n’en aient été informés.
L’OLPEC :
– considère ce verdict comme inique et disproportionné par rapport à l’acte, un simple transfert de message sur Facebook à un nombre très limité de personnes; de nombreux média avaient rapporté cette rumeur sans avoir été inquiétés ; Les éléments de l’infraction ne sont pas constitués et aucune preuve n’a été avancée par la cour établissant le lien entre le message posté par Arfaoui et la rumeur publique.
– estime qu’il s’agit là d’une affaire instrumentalisée politiquement où la justice n’a pas été sereine et que l’acharnement contre Arfaoui ne peut avoir d’autre explication que la volonté de « châtier pour l’exemple » en vue de faire cesser une rumeur qui avait d’autres sources et qui pour des raisons non encore élucidées, inquiétaient particulièrement les autorités publiques qui avaient, à cette occasion, pris des mesures de sécurité particulières.
– estime que dans le cas d’Arfaoui, l’accusation de « fausse nouvelle de nature à troubler l’ordre public » n’a pas de fondement légal, compte tenu que le public auquel elle s’est adressé ne dépasse pas quelques dizaines de personnes qui sont ses « amis » sur facebook, donc un groupe privé.
– appelle à la levée des poursuites contre Arfaoui et l’assure de son entière solidarité.
– exige l’abolition de la peine corporelle pour délit de presse.
Pour l’Observatoire
La secrétaire générale
Sihem Bensedrine