Février en Europe et en Asie centrale: un tour d’horizon des principales nouvelles sur la liberté d’expression. Réalisé sur base des rapports des membres de l'IFEX et des nouvelles de la région.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Des prisonniers en danger
Au Royaume-Uni, l’audience d’extradition de Julian Assange a commencé en février. Plusieurs membres de l’IFEX ont appelé le Royaume-Uni à ne pas extrader l’éditeur de Wikileaks vers les États-Unis, où il risque jusqu’à 175 ans de prison s’il est reconnu coupable d’espionnage.
Rebecca Vincent de Reporters sans frontières (RSF) assiste aux audiences tous les jours depuis le début et a publié des résumés vidéo utiles quotidiennement sur Twitter: suivez-la pour rester à jour. Vous pouvez également lire le résumé des audiences de RSF jusqu’à ce jour.
Dépêche de @rebecca_vincent de RSF après le troisième jour de l’audience d’extradition de Julian Assange. Nous demandons qu’Assange soit autorisé à s’asseoir avec son équipe juridique comme il l’a demandé et nous étions inquiets d’entendre le parquet faire valoir que le droit international ne s’applique pas dans cette affaire. #FreeAssange
Les personnes présentes aux audiences se sont déclarées choquées par le traitement réservé par les autorités à Assange, ainsi que par sa mauvaise condition physique. Il est obligé de s’asseoir dans une boîte en verre pour chaque comparution devant le tribunal, ce qui limite considérablement ses contacts avec ses avocats. Selon certaines informations, il aurait été délibérément maltraité par les autorités.
Des experts des droits humains ont appelé le Royaume-Uni à ne pas extrader Assange, y compris la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, qui a mis en garde contre « de graves préoccupations concernant le traitement [auquel] Assange serait soumis aux États-Unis ».
Les mauvaises nouvelles succèdent souvent aux bonnes nouvelles dans les poursuites contre les journalistes et les militants en Turquie. Le leader de la société civile emprisonné Osman Kavala a subi cette amère expérience en février lorsque, après que lui et huit autres personnes ont été acquittés de toutes les accusations liées aux manifestations du Gezi Park en 2013, le procureur a annoncé qu’il enquêterait sur la nouvelle et ridicule accusation de tentative de renverser l’ordre constitutionnel lors du coup d’État manqué de 2016. Le procureur a également annoncé qu’il ferait appel des acquittements de Gezi Park. Kavala a été arrêté de nouveau peu de temps après son acquittement. Les membres de l’IFEX ont exigé l’abandon de la nouvelle accusation.
Incroyable … pas de mots pour ce virage scandaleux et cruel dans l’affaire #OsmanKavala
Après 2,5 ans passé injustement en prison, il a été acquitté ce matin dans le #ProcèsGezi de 2013, puis le procureur d’Istanbul décide de l’arrêter de nouveau pour tentative de coup d’État en 2016.
UNE FOLIE!!!
Azimjon Askarov, prisonnier politique, journaliste et militant le plus célèbre du Kirghizistan, a été condamné en 2010, de manière douteuse, pour incitation à la haine ethnique, organisation de troubles massifs et complicité dans le meurtre d’un policier; il a été condamné à perpétuité. Des experts internationaux des droits humains ont condamné le procès, la condamnation et les mauvais traitements infligés à Askarov par les autorités kirghizes et Askarov a perdu de nombreux recours contre sa condamnation. La Cour suprême devait entendre ce qui pourrait être le dernier appel d’Askarov le 25 février; cependant, l’audience a été rapidement ajournée jusqu’en avril. Selon la famille d’Askarov, les autorités n’ont pas autorisé les journalistes ou les défenseurs des droits humains à entrer dans la salle d’audience.
Azimjon Askarov, un contributeur à des sites d’information indépendants, a été condamné en septembre 2010 au #Kirghizistan pour, entre autre, incitation à la haine ethnique et complicité dans le meurtre d’un policier, après avoir documenté des violations des droits humains dans sa ville natale de Bazar-Korgon.
L’année dernière, @CPJ_Eurasia a documenté les dures conditions de détention du journaliste #AzimjonAskarov.
Askarov a raconté au CPJ qu’il avait été battu avec un pistolet, une matraque et une bouteille en plastique remplie d’eau, une fois si fortement qu’il avait perdu connaissance
Nouveau et remarquable
Inévitablement, les craintes concernant le coronavirus (COVID-19) ont été exploitées par les colporteurs de désinformation. En Ukraine, un faux courriel censé provenir du ministère de la Santé a « informé » la liste complète des contacts du ministère – le jour où un avion a ramené des évacués de Chine – qu’il y avait cinq personnes infectées dans le pays (à ce stade, il n’y avait aucun cas enregistré de virus en Ukraine).
Le mensonge s’est répandu comme une traînée de poudre et a provoqué de multiples protestations et de violentes perturbations, notamment des attaques contre des bus buses transportant les évacués. Cela a également déclenché d’autres désinformations, comme la fausse rumeur selon laquelle les médecins fuyaient des installations médicales.
Fin février, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé que l’Azerbaïdjan avait arbitrairement détenu la journaliste Khadija Ismayilova, et qu’il avait violé son droit à la présomption d’innocence, lorsqu’elle a été arrêtée sur base de fausses accusations en décembre 2014 (puis placée en détention préventive jusqu’en mai 2016). La Cour a ordonné à l’Azerbaïdjan de verser à Ismayilova une indemnité de 20 mille euros.
Ismayilova est depuis longtemps la cible des autorités azerbaïdjanaises et ce n’était pas sa première victoire à la CEDH. En janvier 2019, la Cour avait jugé que l’Azerbaïdjan avait violé ses droits à la vie privée et à la liberté d’expression à travers son enquête criminelle erronée sur une campagne de diffamation contre elle.
En Irlande du Nord, des progrès ont été accomplis ce mois-ci dans l’enquête sur le meurtre de la journaliste Lyra McKee, qui a été abattue alors qu’elle couvrait, le 18 avril 2019, une émeute à Derry (le New IRA a reconnu la responsabilité de la fusillade, mais a déclaré que McKee n’avait pas été la cible prévue.) Le 11 février, la police a arrêté quatre hommes en vertu de la loi sur le terrorisme; l’un de ces hommes, Paul McIntyre, a été inculpé du meurtre; il a été libéré sous caution le 27 février.
Pieter Omtzigt, rapporteur de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) sur le meurtre en 2017 de Daphne Caruana Galizia et l’état de droit à Malte, a effectué une visite de deux jours à Malte à la mi-février. Faisant ensuite rapport, il a qualifié l’enquête publique en cours de « véritablement indépendante » et l’a jugée « faisant de réels progrès »; cependant, il a également dit qu’il était « déçu de voir qu’il n’y avait toujours pas de résultats des multiples enquêtes sur la corruption de haut niveau ».
En France, le procureur national a ouvert une enquête sur les avoirs de Yorgen Fenech, le cerveau présumé du meurtre de Caruana Galizia. L’enquête fait suite à une plainte déposée en décembre 2019 par la famille de Caruana Galizia et Reporters sans frontières, dans laquelle ils accusaient Fenech devant un tribunal français d’être complice de meurtre et de corruption.
FLASH: Le procureur national de la France (PNF) ouvre une enquête pour corruption – « l’affaire Daphne Caruana Galizia » – sur les avoirs de Yorgen Fenech en France, y compris un hôtel et des chevaux de course, à la suite d’une plainte pénale de notre famille et de @RSF_inter.
Il y a eu de bonnes nouvelles en provenance d’Espagne pour le rappeur Cesar Strawberry, que, en 2017, la Cour suprême avait condamné à un an de prison pour « apologie du terrorisme » (l’accusation était basée sur les tweets du rappeur concernant l’envoi d’une « bombe à gâteau » au roi Juan Carlos 1 le jour de son anniversaire). Le 25 février, la Cour constitutionnelle a renversé ce verdict, déclarant que la Cour suprême n’avait pas suffisamment pris en compte les droits fondamentaux du rappeur et que son verdict avait violé son droit à la liberté d’expression.
L’Espagne a été fréquemment critiquée pour sa législation draconienne qui pénalise l’ « apologie du terrorisme ». Cette loi large et vague a entraîné de nombreuses poursuites contre des rappeurs et des citoyens uniquement sur la base de paroles des chansons ou des tweets.
Gracias a mis abogados @isaelbal y @boye_g por el duro trabajo que ha llevado a mi absolución.Gracias la gente que me apoyó sin miedo en estos años de persecución. Gracias a @PilarManjon y @EduMadina por posicionarse a mi favor en los momentos más agrios. #libertaddeexpresion
En Turquie, un verdict était attendu en février dans le procès du président d’Amnesty Turquie Taner Kılıç et des #10Istanbul (défenseurs des droits humains jugés pour de accusations fallacieuses de terrorisme). Toutefois, l’audience a été reportée au 3 avril.
En #Turquie, l’audience suivie de très près du président de @Amnesty Turquie, Taner Kılıç et de dix autres défenseurs des droits humains connus sous le nom de #Istanbul10, a été reportée au 3 avril, à la suite de déclarations de la défense. @MilenaBuyum d’Amnesty récapitule les procédures judiciaires dans ce fil:
Encore une fois, une petite salle d’audience, des dizaines d’observateurs sont restés hors de la salle d’audience. L’audience de verdict est sur le point de commencer. #Büyükadatrial #FreeRightsDefenders
Focus sur le genre
Il y a eu une nouvelles historique ce mois-ci, lorsque Robyn Peoples et Sharni Edwards sont devenues le premier couple de même sexe à se marier légalement en Irlande du Nord. Cela faisait suite à une modification de la loi en octobre 2019.
Robyn Peoples, 26 ans, et Sharni Edwards, 27 ans, ont marqué l’histoire cet après-midi en devenant le premier couple de même sexe à se marier légalement en Irlande du Nord
Il y a également eu une bonne nouvelle de la Suisse, où le public a voté lors d’un referendum pour rendre illégale la discrimination des LGBTQI+. La Suisse organise régulièrement des référendums qui permettent aux électeurs de participer directement à l’élaboration des politiques. Les législateurs examinent également actuellement un projet de loi visant à légaliser le mariage homosexuel.
Il y a eu une nouvelle intrigante de la Pologne, lorsque le président Andrzej Duda a laissé entendre qu’il pourrait signer une loi introduisantdes partenariats civils entre personnes de même sexe. Duda cherche à être réélu en 2020 et a le soutien du parti au pouvoir ouvertement homophobe le Law and Justice Party (PiS), dont il était membre. Duda a évité de s’impliquer dans la campagne anti-gay « LGBT-Free Zone » promue par de nombreux conseils contrôlés par le PiS, mais les critiques sont sceptiques quant à ses propos gentilles avec les gays, affirmant que Duda n’a rien fait pour faire avancer les droits LGBTQI + pendant son mandat.
ILGA-Europe a publié sa Revue annuelle 2020 de la situation des droits humains des personnes LGBTQI+ à travers l’Europe et l’Asie centrale. L’une des tendances mises en évidence par la revue est une augmentation inquiétante du discours de haine homophobe de personnalités publiques à travers l’Europe, y compris dans des pays comme la Bulgarie, la Pologne et la Turquie, Chypre, la Finlande, la Grèce, le Portugal et l’Espagne.