Cela fait maintenant quatre ans que le parti d’extrême droite espagnol Vox interdit à certains médias l'accès à son siège et aux événements qu’il organise. Ces vétos qui ont commencé à être imposés lors de la précédente campagne des élections législatives de 2019, non seulement ont été maintenus dans le temps, mais se sont aussi étendus.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 6 juillet 2023.
Alors que la campagne pour les élections législatives du 23 juillet commence en Espagne, Reporters sans frontières (RSF) demande au parti d’extrême droite Vox de retirer le veto qu’il impose depuis quatre ans à certains médias et journalistes, et de se conformer à la législation espagnole qui consacre la liberté de la presse.
Cela fait maintenant quatre ans que le parti d’extrême droite espagnol Vox interdit à certains médias l’accès à son siège et aux événements qu’il organise. Ces vétos qui ont commencé à être imposés lors de la précédente campagne des élections législatives de 2019, non seulement ont été maintenus dans le temps, mais se sont aussi étendus. De plus en plus de médias, de journalistes et même d’associations professionnelles sont victimes d’exclusions lors de conférences de presse, de calomnies et/ou de diffamations sur les réseaux sociaux, d’appels à la fermeture, d’insultes et d’actions en justice diverses et infructueuses. Ces mesures ont un impact important sur la couverture médiatique.
“Je ne vais pas aux conférences de presse quotidiennes. Ça n’a pas de sens, car ils nous empêchent d’y entrer” explique Sara Selva, de la Cadena SER. Exclue des événements et des soirées électorales qui se tiennent au siège du parti, elle et d’autres collègues se contentent de les couvrir “depuis la rue, avec l’aide d’autres collègues” et les réseaux sociaux. La journaliste d’ElDiario.es, Laura Galaup, qui s’est vue interdire l’accès aux événements de Vox, mais aussi aux réseaux sociaux du parti ainsi qu’à d’autres canaux d’information officiels, doit aussi désormais couvrir les événements de Vox “incognito, comme un militant de plus”.
Un journaliste chevronné d’El País, Miguel González, est confronté aux mêmes difficultés : “N’étant pas accrédités, nous ne pouvons pas accéder aux zones de presse pour travailler ou prendre une bonne photo. En ‘streaming’, nous ne sommes que récepteurs de leurs messages. Leurs porte-parole ne répondent à aucune question et, lorsqu’ils le font, c’est parfois pour nous insulter.”
Vox ne se contente pas d’exclure les journalistes qui lui déplaisent. À titre de représailles, après avoir révélé des conversations xénophobes, islamophobes et suprémacistes dans un groupe WhatsApp du parti, le média d’informations local El Periódico de Ceuta, a été privé de publicité institutionnelle. “Ils ont porté plainte contre moi pour harcèlement, chantage, extorsion et appartenance à une organisation criminelle”, raconte l’éditrice du site, Paloma Fernández Coleto. “Ensuite, à Ceuta, le Parti populaire a conclu un pacte avec Vox, qui a imposé comme condition de ne plus accorder de publicité institutionnelle à notre média.” Le site d’information a ainsi été écarté d’une manne financière potentielle de 2,5 millions d’euros.
“Le veto systématique, l’exclusion et les insultes aux médias et aux journalistes sont à l’opposé des principes officiellement proclamés par Vox qui assure son profond attachement à la Constitution espagnole qui, dans son article 20, consacre le droit des journalistes à informer et le droit des citoyens à être informés. Un parti qui aspire à gouverner l’Espagne, seul ou en alliance avec d’autres formations, se doit de respecter scrupuleusement la liberté de la presse, et non l’attaquer et entraver le processus démocratique.”
Edith Rodríguez Cachera, Vice-présidente de RSF Espagne
Ces pratiques d’exclusion sont contraires à la loi espagnole. Comme le rappelle le journaliste Miguel González, “un parti est l’une des institutions de base d’une démocratie et c’est pourquoi il reçoit des subventions payées avec nos impôts, ce qui, dans le cas de Vox, représente plus de 60 % de ses revenus”. À la demande d’El País et de Cadena SER, la Commission électorale centrale (Junta Electoral Central – JEC) a d’ailleurs rappelé, le 28 juin 2023, à Vox qu’aucun média ne pouvait être discriminé lors d’événements publics électoraux. Le parti qui est financé par des fonds publics ne peut prétendre se comporter comme une entité privée disposant d’un droit d’admission, communiquant par e-mail aux journalistes le refus d’accréditation sous divers prétextes, tels que la capacité limitée.
En mars 2021, la Cour suprême espagnole s’était aussi déjà clairement exprimée sur ce point “la réalité est que l’exclusion de certains médias de la couverture des événements électoraux de Vox n’a pas cet objectif” (de respecter une capacité d’accueil, ndlr), mais se base sur “la considération que ces médias sont hostiles à la formation politique”. La plus haute instance judiciaire espagnole avait aussi jugé que Vox avait discriminé les médias du Grupo PRISA (le quotidien El País et la radio Cadena SER) lors de la précédente campagne des élections législatives “parce qu’il les considérait hostiles« , ce qui impliquait “une atteinte aux garanties de transparence et d’objectivité” qui sont censées être garanties lors des processus électoraux.