Le nombre de journalistes et net-citoyens emprisonnés a atteint un niveau sans précédent.
(RSF/IFEX) – « Avec les arrestations des derniers jours, le nombre de journalistes et net-citoyens emprisonnés vient de dépasser la barre des 65. Chiffre jamais atteint jusque-là depuis la création de Reporters sans frontières en 1985. Sont concernés les professionnels des médias travaillant non seulement à Téhéran, mais également dans les provinces du reste du pays », a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
En parallèle, le réseau Internet est très perturbé depuis le 6 février 2010 au soir, et certaines compagnies de téléphonie mobile ne permettent plus d’envoyer des SMS. A la veille du 31e anniversaire de la Révolution, le 11 février, les autorités iraniennes font tout pour empêcher l’organisation de manifestations hostiles au régime.
Les 7 et 8 février, les agents du ministère des Renseignements ont arrêté au moins neuf journalistes, tous transférés dans des lieux inconnus:
– Akbar Montajabi, journaliste du quotidien suspendu « Etemad-e Melli »,
– Ahmad Jalali Farahani, journaliste de l’agence Meher News un jour après son licenciement de l’agence,
– Mahsa Jazini, journaliste du quotidien « Iran » dans la ville d’Ispahan,
– Somayeh Momeni, journaliste du mensuel « Nasim Bidary »,
– Zeynab Kazem-Khah, journaliste des pages « Arts » de l’agence ISNA,
– Amir Sadeghi, photographe du quotidien « Farhangh Ashti »,
– Hassan Zohouri, journaliste de l’agence Mirass Farhanghi,
– Ehsan Mehrabi, journaliste du quotidien « Farhikhteghan »,
– Vahid Pouristad, journaliste du quotidien « Farhikhteghan ».
Reporters sans frontières est sans nouvelles de plusieurs autres journalistes et net-citoyens iraniens, qui auraient été récemment interpellés.
L’organisation a également appris l’arrestation, le 3 février 2010, d’Ali Mohammad Islampour, directeur du blog Qasrnews ( http://www.qasrnews.blogfa.com/ ) et rédacteur en chef du journal « Navai Vaghat ». Convoqué par la neuvième chambre du tribunal de la Révolution de la ville de Kermanshah, il est accusé de « publication de fausses informations visant à troubler l’opinion publique ».
Dans un communiqué du 7 février, le ministère des Renseignements a également annoncé l’arrestation de sept journalistes « pour collaboration avec des chaînes satellitaires sionistes ». Ces journalistes sont accusés d’avoir « reçu des formations professionnelles à l’étranger pour préparer une révolution en douceur ». Ils sont également accusés de « trouble à l’ordre public » et de « collaboration avec Radio Farda (Radio Free Europe). L’un des directeurs de cette radio a démenti de telles accusations, en déclarant que Radio Farda n’avait pas de journalistes en Iran.
Une dizaine de journalistes iraniens en exil ont adressé une lettre à l’attention des médias internationaux invités par les autorités iraniennes à couvrir les cérémonies du 31e anniversaire de la Révolution, le 11 février: « D’après les informations précises reçues d’Iran, le gouvernement illégitime de [Mahmoud] Ahmadinejad veut faire croire qu’il est soutenu par la majorité de la population. Il veut non seulement empêcher le rassemblement d’opposants place Azadi, là où Ahmadinejad fera son discours, mais il entend également faire en sorte que sur cette place il n’y ait que des sympathisants du régime. Inviter des journalistes étrangers pour couvrir l’anniversaire officiel de l’avènement de la Révolution islamique est un piège. Ce gouvernement – qui a déjà arrêté, incarcéré et accusé des journalistes de médias étrangers – veut aujourd’hui exhiber sa popularité aux yeux du monde entier, et cacher ainsi la contestation. Vous allez en Iran, non seulement en tant que représentants des médias du monde libre, mais aussi à la place de vos collègues iraniens exilés ou emprisonnés. Ceci vous rend la tâche plus difficile car vous serez accueillis par un interlocuteur qui hait la liberté de la presse et qui bafoue les droits de l’homme ».
Le 4 février 2010, Reporters sans frontières a écrit à Madame Navanethem Pillay, Haut-commissaire aux droits de l’homme aux Nations unies, afin de lui faire part de son inquiétude sur la situation en Iran et lui demander un entretien. L’organisation a également adressé une lettre aux ministres des Affaires étrangères des vingt-sept pays de l’Union européenne, leur demandant « de rappeler symboliquement [leur] ambassadeur en Iran, afin de protester contre la répression arbitraire qui frappe les opposants iraniens, pour dénoncer la mascarade judiciaire et ses procès staliniens, et exprimer publiquement [leur] inquiétude face au risque imminent d’exécutions ».